La vraie fausse victoire des « libéraux »
Moins d’une semaine après la première élection de l’histoire libyenne, la victoire de la coalition libérale de l’ancien premier ministre se dessine chaque jour un peu plus. Les islamistes espèrent encore néanmoins renverser la tendance en jouant sur les divisions de cette coalition qui compte près de 60 partis différents.
En Libye, les barbus n’ont pas gagné. Pas de raz de marée islamiste à l’horizon contrairement aux autres pays de la région qui ont découvert récemment les joies du suffrage universel.
Les négociations pourraient notamment porter sur la place réservée à la charia dans la future Constitution, un débat qui n’a pas été tranché durant la campagne.
Certains ont déjà choisi leur camp. Selon Reuters, un candidat indépendant, Abou Bakr Abdel-Gader indique avoir été approché par les islamistes qui lui ont offert un poste dans les instances du PJR, offre qu’il a repoussée. « J’ai refusé. Je n’ai pas fait la révolution et ramené du front les corps ensanglantés de nos martyrs pour que les islamistes prennent le pouvoir et nous isolent encore une fois du monde », a-t-il dit.
L’avance dans les urnes pourrait, malgré tout ne pas se traduire automatiquement par une claire majorité à l’Assemblée nationale provisoire de 200 membres, qui devra choisir un Premier ministre et organiser de nouvelles élections législatives l’an prochain. « Sa coalition, très large – 58 partis –, ne repose sur aucun fond commun idéologique. Nombre de députés élus sous ses couleurs pourraient donc être tentés de rejoindre le camp d’en face. Jibril devra aussi composer avec les autonomistes d’Ahmed Zoubaïr Al-Senoussi et neutraliser les milices. Des broutilles… » analyse la lettre Maghreb Confidentiel.
Les Frères musulmans largement pourchassés sous le règne de Kadhafi
Car si à l’inverse des autres pays de la région, et contrairement à ce qui était attendu, les dirigeants de la Libye ne devraient pas être issus de la mouvance islamiste, les nombreuses milices généralement localisées, parfois regroupées en vastes coalitions, imprègnent fortement la nouvelle scène politique. « Plus de 5000 combattants du GICL (Groupe islamique combattant libyen) ayant mené le jihad, au cours des années 1990, contre le régime de Kadhafi, sont représentés au Conseil militaire de Tripoli. Un Conseil qui est en conflit latent avec le Conseil révolutionnaire de Tripoli, formé notamment de combattants de différentes régions (Misrata, Zintan…) qui redoutent la mainmise des anciens du GICL » selon le Ceri.
Présent en Libye lors du scrutin du 7 juillet, le chercheur Gilles Kepel a affiché autant sa surprise devant le bon déroulement du scrutin que sa prudence face à ce que d’aucuns voient déjà comme un reflux des islamistes : « l’Islam fait tellement partie du tissu social, qu’il paraissait difficile d’élire des candidats islamistes qui affirmaient qu’il fallait mettre plus de religion. Et les Libyens ont fortement voté pour les candidats qu’ils voyaient à la télé, ce dont Jibril a largement profité ».
Sans compter que si, comme l’affirme Bernard-Henri Lévy dans sa chronique du Point, « les Frères musulmans sont battus à Tripoli », cette défaite est largement due à la bataille sans merci menée par Kadhafi contre les Frères musulmans, parfaitement inconnus en Libye, tant le dictateur libyen les avait pourchassés durant tout son règne.
Source : Marianne