Tollé général contre le président libanais qui demande expressément d’abandonner toute référence à la résistance dans la déclaration ministérielle. Crise constitutionnelle en vue.
Lors de son investiture, il y a six ans, l’actuel président de la République avait fait sienne une « formule en or » qui résume par le triptyque : « armée-peuple-résistance ». A la fin de son mandat, il s’oppose à toute allusion à cette formule, dans la Déclaration ministérielle, la qualifiant de « langue de bois ». Proposant de la remplacer par la formule suivante : «terre, du peuple et des valeurs communes». Se sentant visé, le Hezbollah, attaque frontalement M. Sleiman, qu’il traite de capitulard…
Estimant que le chef de l’Etat remet en question une constante nationale, qui a permis de libérer le Liban de l’occupation israélienne au prix de milliers de morts, le Hezbollah est sorti de sa réserve habituelle. Dans un communiqué publié samedi, il s’est inquiété de l’état dans lequel se trouve le palais présidentiel de Baabda, dont «le locataire n’est plus en mesure de distinguer entre l’or et le bois».
Cet échange acerbe a jeté son ombre sur le climat politique au pays du Cèdre et a réveillé toutes les tensions, qui avaient baissé après la formation du gouvernement dit d’ « intérêt national » dirigé par Tammam Salam. Ce dernier peine à surmonter les clivages sémantiques entre les deux principaux courants qui composent son gouvernement, notamment à propos du rôle de la résistance libanaise contre l’occupation israélienne dans le projet de déclaration ministérielle à présenter au parlement pour être finalement investi.
La coalition pro-saoudiene et anti-syrienne et iranienne dite « 14-Mars » a naturellement apporté un soutien total au président Sleiman, qui a pratiquement repris à son compte les mêmes arguments politiques de cette coalition. Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui en fait partie, a estimé que le chef de l’Etat «s’est exprimé au nom de tous les Libanais». Des députés du Courant du futur, notamment Khaled Daher et Mohammad Kabbara, proches de Saad Hariri, ont également appuyé le président Sleiman, aux côtés d’un grand nombre de personnalités de cette mouvance.
En revanche, la coalition du 8-Mars, qui comprend notamment le Hezbollah, les partisans du Général Michel Aoun, le mouvement chiite Amal, et le mouvement al-Marada conduit par Sleiman Frangié, tous pro-résistance et pro-syriens- accuse le président de la République d’avoir clairement pris le parti du 14-Mars et d’exécuter un agenda régional et international qui consiste à isoler la Résistance libanaise. Des hommes politiques et des journalistes proches du 8-Mars établissent un lien direct entre les propos de M. Sleiman contre la Résistance et la rencontre du Groupe de soutien international pour le Liban à Paris, le 5 mars. Cette tension s’est forcément reflétée sur les travaux de la commission de rédaction de la Déclaration ministérielle. Le ministre de la Santé, Waël Abou Faour, s’est dit pessimiste quant à la possibilité d’un accord sur la déclaration ministérielle. «Toutes les parties doivent faire des concessions afin de parvenir à un accord», a déclaré M. Abou Faour au quotidien An Nahar, indiquant que les discussions butaient sur le désarment de la Résistance. «Ce gouvernement peut au moins calmer les disputes politiques, renforcer la sécurité et redynamiser l’économie», a- t-il ajouté. Autant que le Hezbollah, le président du Parlement, Nabih Berry, a exprimé son attachement à la mention « Résistance » dans le programme du gouvernement. Cités par le quotidien Al Akhbar, les milieux du chef du législatif assurent que le gouvernement n’obtiendra pas la confiance du Parlement si la Résistance ne figure pas dans son programme. Certaines sources établissent un lien entre les propos du président Sleiman et le refus du 8-Mars d’envisager la prorogation de son mandat. «C’est comme si Michel Sleiman se vengeait de la fin de non recevoir apportée par le Hezbollah et le Mouvement Amal, qui ne veulent pas entendre parler d’une prolongation de son mandat, affirment des sources proches du 8-Mars. Car ses propos contre la Résistance sont très surprenants, venus d’un homme qui déclarait, il n’y a pas très longtemps à Téhéran, qu’il ‘protègerait la Résistance avec la prunelle de ses yeux’». Dans ce contexte crispé, il est peu probable que la huitième réunion de la commission de la déclaration ministérielle, prévue ce lundi 3 mars à partir de 18h30, puisse donner des résultats positifs. D’autant que selon le quotidien An- Nahar, les représentants du Mouvement Amal et du Hezbollah, respectivement les ministres Ali Hassan Khalil et Mohammad Fneich, vont faire preuve d’une grande fermeté et insisteront pour que le terme résistance soit mentionné explicitement dans le texte, quelles que soient les conséquences.
Le quotidien libanais de gauche, proche de la résistance libanaise va dans ce sens. Citant des sources proches du 8-Mars, il souligne « qu’un gouvernement sans le mot «résistance» signifie un gouvernement sans confiance au Parlement, en d’autres termes, un cabinet mort-né ». Les mêmes sources, toujours selon ce quotidien, ont établi un lien entre un gouvernement sans confiance, c’est-à-dire d’expédition des affaires courants, et les propos du président Michel Sleiman (contre la résistance, ndlr): «Le président de la République doit savoir qu’un gouvernement d’expédition des affaires courantes ne pourra pas proposer un amendement de la Constitution pour la prorogation ou le renouvellement du mandat».
Le président du Parlement, Nabih Berry, a laissé devant ses visiteurs une impression pessimiste au sujet de la réunion, ce lundi, de la commission de rédaction de la Déclaration ministérielle. Après avoir rencontré le chef du législatif, ces visiteurs ont estimé que la réunion d’aujourd’hui va consacrer les divisions au sein de la commission. «Nous avons de nombreuses propositions que nous pouvons soumettre lorsque le climat sera propice pour les discuter avec les parties concernées», a-t-il déclaré devant ses visiteurs. Il a cependant insisté sur le fait qu’il n’est pas question de supprimer le mot «résistance» de la déclaration ministérielle. «Qu’ils abandonnent ce jeu, a-t-il dit. Si nous acceptons ce qu’ils proposent, il n’y aurait plus de Sud ni de Liban. Je leur conseille d’aller au Liban-Sud et de s’installer près de la zone frontalière pour qu’ils nous donnent leur avis. Nous sommes convenus de discuter de ces questions à l’intérieur de la commission, je ne sais pas pourquoi les débats se passent à l’extérieur.» Et M. Berry de poursuivre: «Si les intentions sont bonnes pour trouver des solutions, il existe des propositions qui préserveraient la force du Liban, qui est la Résistance, sans que personne ne sente que le pays est retombé dans la faiblesse. Mais s’ils ne veulent pas que le mot résistance soit cité dans la déclaration, alors les choses sont terminées pour nous et il n’est plus nécessaire de discuter. Nous n’accepterons rien de moins que le mot résistance soit inclus dans le texte. Le plus important fondement du Liban, c’est la résistance. Il est possible de s’entendre sur des formulations qui ne constituent un défi pour personne et qui n’égratigneraient même pas les plus extrémistes».
Afrique Asie ave Médiarama et Al-Akhbar
Légende : Le président libanais reçu par le roi Abdallah d’Arabie qui lui avait demander de déclarer la guerre contre le Hezbollah