Le climat entourant les négociations au sujet de la formation d’un «gouvernement rassembleur» dirigé par Tamam Salam demeure positif, bien que plusieurs obstacles restent à surmonter avant que le nouveau cabinet ne voie le jour.
Parmi ces écueils figurent le contenu de la Déclaration ministérielle et la fameuse formule Armée-peuple-résistance, ainsi que des détails concernant la répartition des portefeuilles. Certes, les alliés chrétiens du Courant du futur (Hariri) haussent le ton et remettent en cause le principe même du «gouvernement rassembleur». Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a plaidé pour un gouvernement qui «serait tiré par des chevaux qui vont dans la même direction», en allusion à un cabinet monochrome ou neutre. Mais des sources proches du Courant du futur indiquent que ces propos ne reflètent pas l’opinion ambiante au sein de la coalition du 14-Mars, proche de l’Arabie saoudite, qui penche plus vers la participation à un «gouvernement de tous». «Les surenchères de M. Geagea visent à améliorer sa position dans la répartition des portefeuille entre les alliés», ajoute cette source.
Pour préparer leurs partisans à un gouvernement de partenariat national -que le 14- Mars a rejeté ces huit derniers mois-, les journalistes et les médias proches de cette coalition commencent à parler de «la volte-face du Hezbollah». Certes, le parti de Hassan Nasrallah a assoupli ses positions en abandonnant la condition du gouvernement 9-9-6 pour un cabinet 8-8-8. Mais en réalité, il n’avait jamais exprimé un refus catégorique d’une telle formule, pour laquelle il a plaidé les trois premiers mois après la désignation de Tammam Salam. En revanche, la vraie reculade est à mettre au compte du 14-Mars, qui aura du mal à expliquer à sa base comment il accepte de siéger dans un même gouvernement que le Hezbollah, qu’il vient tout juste d’accuser ouvertement de l’assassinat de l’ancien ministre Mohammad Chatah, et sans même que ce parti n’ait retiré ses troupes de Syrie, comme l’exige cette coalition.
Ceci dit, les réunions se poursuivent à plus d’un niveau pour aplanir les derniers obstacles se dressant devant l’annonce du Cabinet. Il y a eu, surtout, la rencontre entre le président du Parlement, Nabih Berry, et le chef du bloc parlementaire du futur, Fouad Siniora. Ce dernier a qualifié l’entretien de «bon» et d’«utile». Mais démentant les informations selon lesquelles le 8-Mars aurait accepté d’abandonner la formule Armée-peuple-résistance, M. Berry a assuré, dans des déclarations à la presse ce mercredi, qu’il restait attaché à cette équation «même si le Hezbollah y renonçait». «Le Mouvement Amal a consenti 1000 martyrs contre Israël pour défendre cette formule, il ne l’abandonnera pas, a-t-il dit au quotidien Al Akhbar. Certes, l’autre camp a un avis différent. Il est certain que lors des discussions, nous pourrons trouver un accord, grâce aux subtilités que permet la langue arabe.»
M. Berry a toutefois insisté sur le fait que cette question devra être examinée après la formation du gouvernement, lors de la préparation de la Déclaration ministérielle, coupant ainsi cours à toute tentative de lier l’annonce du cabinet à une entente préalable sur la teneur de cette déclaration.
Dans ce contexte, le chef du Bloc parlementaire du Hezbollah, le député Mohammad Raad, a fait état de la disposition de son parti à faciliter les efforts visant à mettre en place un gouvernement rassembleur le plus tôt possible. Il a salué la volonté du camp adverse à participer avec le Hezbollah au nouveau gouvernement, l’invitant cependant à revoir ses calculs encore une fois pour que le pays ne rate pas dans l’avenir de nouvelles occasions.
Toutefois, selon le chroniqueur Sarkis Naoum, du quotidien de droite An-Nahar, «les signaux positifs qui sont apparus au niveau de la longue crise gouvernementale, avec l’accord de l’Arabie saoudite, dit-on, ne signifie pas que le pays est entré dans une période de stabilité. Et ce climat de détente ne concerne pas du tout la Syrie. Cela dénote uniquement une volonté d’éviter un embrasement général au Liban. Mais personne ne peut assurer que la formation d’un gouvernement «rassembleur» signifie la fin des souffrances du Liban. Ce pays est au centre du conflit irano-saoudien, irano-international et saoudo- assadiste. Tous ces conflits pourraient ne pas trouver une solution rapide. »
Pour l’ancien ministre druze pro-syrien Wiam Wahhab, la reculade du camps pro-saoudien du 14-Mars est le résultat d’une division en son sein. Pour lui, « Fouad Siniora, l’ancien premier ministre, est un ‘daéchiste’
(partisan de l’Etat islamique en Irak et au Levant). Cela fait neuf ans qu’il qualifie les gens d’apostat. L’EIIL est même mieux que lui. Tous sont de petits pions dans le grand jeu des nations. Il existe deux tendances au Courant du futur. Nader Hariri, qui, avec Saad Hariri, ont contribué à ouvrir une brèche dans le dossier gouvernemental. Et il y a Fouad Siniroa, qui a creusé le fossé. L’accord irano- américain constitue un séisme politique dans la région. Ceux qui ne l’ont pas compris vont se noyer. »
https://mediaramalb.files.wordpress.com/2014/01/mediarama-499.pdf