L’objectif inavoué de ce crime est de provoquer une guerre confessionnelle généralisée qui entraînerait le Hezbollah dans ses marécages pour le paralyser et l’empêcher de se consacrer à sa stratégie de confrontation avec Israël.
Même si le ministre de l’Intérieur libanais pense que cet attentat barbare (plus de 20 morts et 290 blessés) qui a visé le 15 août un quartier chiite de Beyrouth, fief du mouvement de la résistance du Hezbollah, vient en représailles israéliennes à l’opération de Labbouné où quatre militaires israélienne avaient sauté sur une mine posée par la Résistance alors qu’ils pénétraient à l’intérieur du territoire libanais, les observateurs pointent du doigt les services secrets saoudiens et leurs marionnettes takfiris en Syrie et au Liban. Le ministre libanais de l’Electricité et des ressources hydrauliques, Gebrane Bassile, proche du général Michel Aoun, a lui montré du doigt les parties libanaises hostiles au Hezbollah et clients de l’Arabie saoudite. C’est le même scénario qui se déroule actuellement en Irak et en Syrie. L’objectif inavoué est de provoquer une guerre confessionnelle généralisée qui ne manquerait pas d’entraîner le Hezbollah dans ses méandres. Cela affaiblirait considérablement la stratégie anti israélienne de la résistance. Jusqu’ici, le Hezbollah a évité de tomber dans ce piège grossier. Mais les promoteurs saoudiens de ce plan ne désespèrent pas. D’autant plus que les parties qui forment ce qui est actuellement appelé « l’Axe de la Résistance » (Hezbollah, Syrie, Irak et Iran) se contentent jusqu’ici d’encaisser les coups sans contre-attaquer là où cela fait le plus mal : sur le territoire saoudien et qatari.
Il faut rappeler que c’est le nouvel attentat survient au lendemain d’une interview du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah qui a affirmé que son parti prenait des mesures pour éviter que l’attentat de juillet ne se reproduise dans son fief. C’est aussi le deuxième du genre en moins d’un mois.
Le fait qu’il soit revendiqué par un groupe takfiri syrien qui se fait prénommer « Les brigades de Aïcha, fille du Prophète », ne fait plus de doute qu’il s’agit d’une opération visant à provoquer la discorde confessionnelle (Fitna), entre chiites et sunnites. Aïcha, fille du premier calife Abou Bakr et épouse favorite du Prophète s’étant illustrée par sa haine envers le quatrième calife, Ali Ibn Abi Taleb, qui était entré en guerre contre le gouverneur de Syrie et qui deviendra le fondateur de la dynastie des Omeyyades.
Dans cette vidéo, non encore authentifiée, mise en ligne sur un site extrémiste montre un homme masqué qui s’adresse au chef du Hezbollah, le cheikh Hassan Nasrallah, en des termes orduriers, et promet de nouvelles attaques contre son mouvement. Selon le message, il s’agit du deuxième attentat perpétré par les « brigades de Aïcha ».
Vidéo en arabe
https://www.youtube.com/watch?v=v3WAHPApJ-M
Réactions
L’objectif recherché par les auteurs de cet attentat n’a pas été atteint, à en juger par la quasi unanimité de la classe politique libanaise qui l’a condamné sans ambiguïté.
Le président de la République, Michel Sleiman, a qualifié l’attentat d' »acte lâche », tout en assurant que ce genre d’attaques relève du terrorisme. M. Sleiman a pointé Israël du doigt estimant que l’État hébreu tente de déstabiliser le Liban.
Réagissant à ces accusations, le président israélien Shimon Peres a démenti toute implication de son pays dans l’attentat de Roueiss. « Je suis surpris que le président libanais ait affirmé une nouvelle fois qu’Israël est responsable », a réagi vendredi M. Peres. « Pourquoi regarde-t-il du côté d’Israël, alors que le Hezbollah brise les os du Liban et tue des gens en Syrie sans l’approbation du gouvernement libanais ? », a-t-il ajouté.
« Israël n’a rien à voir avec la situation au Liban », a poursuivi Peres à l’occasion d’une rencontre à Jérusalem avec le secrétaire générale de l’ONU Ban Ki-moon.
Pour sa part, le chef du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt a condamné l’explosion tout en accusant Israël. « Cette explosion terroriste a visé des innocents (…) Israël a perpétré cette attaque afin de se venger (du Hezbollah) après son échec lors du conflit de juillet 2006 », a affirmé M. Joumblatt.
« Cet attentat vise tout le Liban et non seulement la banlieue-sud de Beyrouth », a-t-il ajouté.
Pour sa part, le Premier ministre désigné Tammam Salam, a également dénoncé l’explosion tout en appelant les forces politiques du pays à travailler ensemble afin de former un nouveau Cabinet.
« L’intérêt de la nation est une priorité et nous devons préserver la stabilité de notre société », a-t-il dit.
Désigné le 6 avril dernier, M. Salam peine toujours à former un nouveau gouvernement en raison notamment de l’impact de la crise syrienne sur le Liban.
De son côté, le chef du gouvernement sortant Nagib Mikati a décrété un jour de deuil national et convoqué une réunion d’urgence du Conseil supérieur de défense.
Le chef du Courant du Futur, Saad Hariri a qualifié, depuis l’Arabie saoudite, l’explosion dans la banlieue-sud de Beyrouth de « crime odieux » contre des citoyens innocents. « Tous les Libanais condamnent cet attentat et se solidarisent avec les habitants de la région affectée ».
L’ancien Premier ministre a appelé les citoyens à la retenue et « à empêcher ce genre d’incidents d’engendrer le conflit interne voulu par les ennemis » du Liban.
L’ancien président Amine Gemayel a estimé que ce « crime » vise tous le Liban. Son fils, le député Samy Gemayel a appelé les Libanais à se solidariser avec les habitants de la banlieue-sud de Beyrouth.
Le chef du courant des Marada Sleiman Frangié a aussi condamné l’attentat assurant que ces attaques ne font que « renforcer la Résistance et ses partisans ».
L’analyse prémonitoire de l’ambassadeur syrien au Liban
Peu avant cet attentat, L’ambassadeur syrien au Liban, Ali Abdel Karim Ali, avait estimé que « Le camp adverse a fait le maximum de ses moyens. Et la dernière chance accordée (au chef des services de renseignements saoudiens) Bandar ben Sultan vise à conserver un peu d’influence, à limiter les pertes et à améliorer les conditions des négociations. Les outils de Bandar se limitent à l’exacerbation des tensions sectaires en Syrie, en Irak et au Liban. Les hésitations à provoquer une discorde sectaire au Liban sont principalement due au fait que les pertes du camp adverse seraient très grosses ».
Le diplomate a estimé que « les pressions sur le Hezbollah ne s’arrêteront pas et ne se sont jamais arrêtées ». « Le Hezbollah est comme la prunelle des yeux pour l’axe de la Résistance, a-t-il dit.
S’il est pris pour cible, c’est comme si la Syrie était visée et vice versa. La décision européenne d’inscrire le Hezbollah sur la liste des organisations terroriste a pour but de priver graduellement la Résistance de sa légitimité, en prévision d’une attaque militaire contre elle. Mais cette décision a perdu sa valeur dès le premier instant ».
L’ambassadeur de Syrie a établi un lien entre l’incursion israélienne à Labbouné et la décision européenne. L’incursion visait, selon lui, à vérifier à quel point la Résistance était disposée à riposter directement à toute violation sérieuse, « Le message est bien arrivé ». a-t-il conclu.
16 août 2013