Le major (R) Omer Marie-Magdeleine se souvient de l’attentat du Drakkar qui coûta la vie à 58 chasseurs parachutistes.
« J’avais les pieds sur les premières marches de l’escalier quand tout a sauté ; je me suis retrouvé tout à coup dans le vide avec le bâtiment qui s’ouvrait, puis j’étais sous les décombres, en-dessous du bâtiment », raconte le major (R) Omer Marie-Magdeleine, un des quinze rescapés, tous blessés, de l’explosion du poste Drakkar à Beyrouth, au Liban, le 23 octobre 1983. En quelques secondes, l’immeuble 1 de huit étages abritant ces soldats français de la force multinationale d’interposition est réduit en un impressionnant tas de gravats. L’attentat emporta 55 parachutistes du 1er régiment de chasseurs parachutistes (1er RCP) et 3 du 9e RCP. « C’était tôt le matin. J’étais l’adjudant d’unité de la 3e compagnie du 1er RCP. Je venais d’inspecter les postes de combat sur les balcons du bâtiment ainsi que le ʺcheckpostʺ, un peu plus loin tenu par le 35e régiment d’artillerie parachutiste (35e RAP), précise le major. Une explosion gigantesque est survenue du côté de l’aéroport au moment où je rentrais. Le bâtiment où étaient basés les Marines s’effondrait en causant la mort de 241 Américains. Je me suis précipité vers notre bâtiment où j’ai entendu les chefs de section qui appelaient aux postes de combat. Puis, il y eut l’explosion. D’abord inconscient, j’ai ensuite entendu les marteaux-piqueurs et j’ai crié : ʺAttention, je suis là !ʺ » C’est l’adjudant-chef du 35e RAP qu’il venait de quitter qui l’a entendu. L’explosion s’est produite vers 06 h 20. Le major (R) Marie-Magdeleine, à l’époque adjudant-chef, est extrait des décombres vers midi, souffrant de nombreuses fractures qui ont causé de multiples dégâts internes. Le pronostic vital était initialement réservé. « Je suis resté trois ans à l’hôpital du Val-de-Grâce. On a ensuite voulu me démobiliser mais je suis quand même resté », confie-t-il. « Une section de ma compagnie, de garde sur d’autres sites à Beyrouth 2 lors de l’attentat, a eu la douloureuse tâche de reconnaître les corps de leurs camarades et certains sont aujourd’hui victimes de l’inévitable syndrome post-traumatique. » Les plus chanceux furent le sergent Hartung, le caporal Pichon et le parachutiste Jaillet, partis peu avant l’attentat, en jeep, effectuer une mission de ravitaillement pour le petit-déjeuner. L’approvisionnement en croissants pour leurs camarades leur a sauvé la vie. Le concierge libanais de l’immeuble venait également de sortir, mais sa femme et ses cinq enfants ont été tués.
Camion piégé
L’enquête établit qu’un camion piégé comme celui qui a détruit l’immeuble des Marines est venu percuter le bâtiment. Le major (R) Marie-Madeleine n’a pas vu arriver le véhicule. La France et les États-Unis ont accusé des groupes composant le mouvement islamiste chiite libanais Hezbollah 3 , et l’Iran qui le soutient, d’être responsables des attentats. Le 17 novembre 1983, des chasseurs-bombardiers Étendard du porte-avions Clémenceau bombardent un camp terroriste à Baalbek, dans l’est du Liban, en représailles. L’attentat du Drakkar a provoqué une émotion immense en France car les parachutistes étaient en mission d’interposition pour tenter d’arrêter la guerre civile au Liban, pays créé par la France à la suite de la guerre de 1914-1918. Le président de la République François Mitterrand se rendit immédiatement à Beyrouth où les efforts pour retrouver des survivants continuèrent pendant quatre jours et quatre nuits. Le 2 novembre, il décora les cercueils des 58 soldats (dont 3 étaient détachés du 9e régiment de chasseurs parachutistes) dans la cour de l’Hôtel national des Invalides à Paris. Il commença par celui du capitaine Jacky Thomas, commandant la 3e compagnie du 1er RCP. Celle-ci fut citée à l’ordre de l’armée et son fanion décoré de la médaille militaire. Elle avait été rattachée à une unité de marche, le 6e régiment d’infanterie parachutiste, composée en grande partie d’appelés volontaires pour un service long, affectés depuis plusieurs régiments de la 11e division parachutiste. Au 1er RCP à Pau, une centaine de jeunes appelés se portèrent volontaires dans les heures suivant l’attentat pour remplacer leurs camarades tués de la 3e compagnie. C’est finalement la 1re compagnie du régiment qui fut engagée.
Président de l’ARFVA
Le major (R) Marie-Magdeleine a quitté l’armée en 1999. Sa dernière affectation a été le 33e RIMa à la Martinique, son département d’origine. Il réside à présent dans les Hautes-Pyrénées. Il est officier de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite, médaillé militaire. Il est président de l’association des rescapés et des familles de victimes de l’attentat Drakkar (ARFVA) qui rassemble également les anciens d’une section de sa compagnie qui était de garde sur d’autres sites à Beyrouth, lors de l’attentat.
1 Situé dans le quartier de Ramlet El Baida.
2 Voir Encadré : Président de l’ARFVRA.
3 En 2008, à Damas, en Syrie, un attentat tue le chef des services de sécurité du Hezbollah, Imad Mougniyah, que la presse occidentale identifiait comme l’instigateur des attentats de 1983.
Publié dans le Terre information magazine du mois d’octobre 2013, www.defense.gouv.fr/terre.
Par Bernard Edinger
Date de parution: 24/10/2013
Source : espritcors@ire.com
https://www.espritcorsaire.com/?ID=173/Bernard_Edinger/