Une Union européenne qui n’a pas seulement abandonné, mais qui se sert de ses propres citoyens. Tel est l’héritage d’Ursula von der Leyen et de tous ceux qui la soutiennent.
Hugo Dionísio*
La classe politique dominante de l’Union européenne et de ses États membres a fini, comme on pouvait s’y attendre, par prolonger l’agonie, la décadence et la soumission des affaires européennes aux intérêts américains. Et maintenant, pendant cinq ans encore, nous devrons vivre avec Ursula von der Leyen.
En outre, à l’avenir, nous nous souviendrons tous de ses discours sur la « sécurité de la chaîne de valeur », dans lesquels le grand mérite d’Ursula a été de renforcer encore la dépendance du monde à l’égard des chaînes de valeur chinoises, démontrant que, contrairement à ce qu’elle annonce avec autant de colère que de haine, ses droits de douane, ses sanctions et son conditionnement nous causent autant de douleur qu’ils n’en soulagent les autres. Dans l’UE, en dix ans, nous aurons abandonné la plus grande réserve de minéraux, d’aliments, d’énergie et de matières premières au monde et, à moins d’un soulèvement, nous aurons également abandonné le plus grand marché de consommation de la planète et celui qui connaîtra la plus forte croissance dans les années à venir. Tels sont les grands mérites de von der Leyen !
Compte tenu de ce bilan, on pourrait penser que les cinq prochaines années seront marquées par un revirement de situation. Mais non.Ursula von der Leyen continuera à se battre contre les peuples de l’UE, à leur dire une chose et à faire le contraire, et l’un des domaines où l’on peut constater, sans aucune réserve, que l’Union européenne – cette Union européenne – a renoncé à ses peuples indigènes, est celui de ce qui est aujourd’hui l’une des principales sources de tension sociale : l’immigration.Qualifiant la situation actuelle du marché du travail européen de grave « pénurie de main-d’œuvre », la communication de la Commission européenne intitulée « Renforcer le dialogue social dans l’Union européenne : exploiter toutes ses potentialités pour gérer des transitions justes » est claire sur les intentions de Mme von der Leyen à cet égard.
Ne vous laissez pas tromper par ce discours apparemment rationnel :« renforcer le dialogue social » signifie “garantir la paix sociale face à des mesures qui vont encore comprimer les salaires et les conditions de vie” ; “exploiter pleinement son potentiel” signifie “augmenter l’armée de réserve de la main-d’œuvre pour contenir la croissance des salaires” ; et “gérer des transitions justes” signifie “s’assurer que tout le monde sera forcé d’adopter le modèle économique et social de l’UE, sans réserve”. Comme toujours, en enveloppant ses intentions draconiennes dans des fioritures discursives occasionnelles, Ursula von der Leyen rend l’Europe plus pauvre, moins indépendante et plus dangereuse.
Chaque fois qu’elle ouvre la bouche, il vaut mieux interpréter ses paroles comme ayant un sens caché, qui est souvent le contraire de ce qu’elle a dit. Sur la voie du renforcement de l’exploitation des peuples européens, la Commission européenne commence à juste titre par constater les changements démographiques intervenus au cours des dernières décennies. Les Européens ont tout simplement moins d’enfants.En d’autres termes, une réduction d’un million par an.
Face à un problème d’une telle ampleur, dont les conséquences à long terme seront non seulement la diminution des populations autochtones, mais aussi l’apparition de vastes zones désertes et inutilisées, la disparition de certaines cultures et traditions, il faudrait une étude approfondie et des mesures capables d’inverser la tendance au déclin démographique et à la baisse des taux de fécondité et de natalité.
Que propose donc la Commission européenne pour résoudre ce qu’elle identifie comme de graves « pénuries de main-d’œuvre » ? Les mesures proposées par l’Union européenne visent toutes à promouvoir une augmentation brutale du stock de main-d’œuvre disponible. Par le biais de ce qu’elle appelle des « politiques d’activation », l’UE veut – dit-elle – parvenir à un chômage « zéro », ce qui est la première contradiction que nous pouvons identifier. Il s’agit donc de parvenir à un « chômage zéro » tout en augmentant le stock de main-d’œuvre disponible.
En réalité, les « politiques d’activation » prévoient d’employer des jeunes NEET (Not in Employment, Education or Training) et d’évaluer l’impact de « certaines pensions de retraite », c’est-à-dire d’évaluer dans quelle mesure ces pensions ne renvoient pas à la retraite des personnes capables de travailler, en les désactivant au lieu de les maintenir sur le marché de l’emploi.Il s’agit de se concentrer sur le marché dit du « vieillissement actif ». Une autre mesure consiste à identifier les « poches » de main-d’œuvre disponible qui peuvent exister parmi les populations handicapées, en « émancipant » ces personnes, ce qui serait louable, mais pas si c’est fait pour de mauvaises raisons.Comme nous le verrons plus loin.
Une autre mesure importante présentée est la mobilité intra-européenne, qui transfère la main-d’œuvre disponible au niveau national vers les pays les plus riches, laissant les autres sans l’investissement qu’ils ont fait dans l’éducation et la formation, aggravant la division européenne du travail déjà inégale, continuant à concentrer les activités à plus forte valeur ajoutée et les salaires les plus élevés dans les pays du Nord et faisant des autres de simples réserves de main-d’œuvre bon marché, soit pour approvisionner les plus riches, soit pour installer des activités à plus faible valeur ajoutée et à plus faible salaire, perpétuant ainsi les asymétries régionales. Et tout cela, Ursula von der Leyen le fait, tout en affichant les objectifs inverses.
Quant à ce que la Commission européenne appelle la « promotion des conditions de travail », elle vise à favoriser l’entrée précoce sur le marché du travail en promouvant les stages, l’apprentissage et l’enseignement professionnel, détournant ainsi de nombreux jeunes, en particulier les plus pauvres, de l’enseignement supérieur pour les orienter vers une formation professionnelle précoce.Comme le montrent les statistiques, les jeunes qui suivent un enseignement professionnel ont tendance à poursuivre des études supérieures beaucoup moins souvent que ceux qui suivent un enseignement général. C’est ainsi qu’une élite se constitue et se voit confier les postes de direction, les autres restant dans les rangs intermédiaires et les migrants dans des emplois peu qualifiés.
Mais c’est dans la résolution des « pénuries de main-d’œuvre » sur les activités les plus sous-évaluées que l’UE place tous ses investissements. L’économie européenne a encore besoin de grandes quantités de main-d’œuvre pour les activités qui l’utilisent intensivement.Dans ce cas, les plans de l’UE prévoient de renforcer les politiques migratoires et d’attirer les travailleurs nécessaires depuis l’extérieur de l’UE.
C’est ainsi que de nombreuses personnes qui se disent opposées à ce qu’elles appellent une « politique de remplacement démographique » finissent par soutenir une Union européenne qui veut faire des politiques migratoires l’un de ses principaux objectifs stratégiques en matière d’attraction de main-d’œuvre. L’UE entend ainsi créer ce qu’elle appelle une « réserve européenne de talents » et une « plateforme pour la migration de la main-d’œuvre ». Ces deux mesures visent à attirer les travailleurs des pays tiers.
Comparons maintenant ces propositions avec les données suivantes :
- Le taux de chômage moyen dans l’Union européenne est d’environ 6,5 %. Il reste donc environ 17 millions de travailleurs à placer, dont une proportion importante de jeunes travailleurs (14,5 % sont au chômage) âgés de 18 à 25 ans. Bien que l’UE affirme qu’il est nécessaire d’améliorer les qualifications de ces personnes et que les pénuries de main-d’œuvre sont plus importantes dans certains secteurs que dans d’autres, la vérité est qu’il y a encore beaucoup à faire chez nous pour atteindre le « chômage zéro » avant de chercher de la main-d’œuvre dans les pays tiers.
- Le potentiel de robotisation, d’automatisation et de numérisation de l’économie européenne est encore très élevé, en particulier dans les pays les moins avancés, ce qui en soi libérerait d’énormes quantités de main-d’œuvre disponible qui pourrait être utilisée dans d’autres secteurs si ce potentiel était exploité.
- D’une manière générale, l’Union européenne ne développe pas de politiques qui protègent la natalité et le droit à la parentalité, et encore moins qui protègent les femmes en âge de procréer, qui doivent si souvent renoncer à la fécondité au détriment de leur carrière.
Alors, si ces tâches ne sont pas encore accomplies, pourquoi la Commission européenne veut-elle mettre au travail les personnes âgées, les jeunes adolescents, les handicapés et les invalides ?Pourquoi veut-elle attirer des travailleurs qualifiés et moins qualifiés de l’étranger ? La raison est claire et a trait à la modération salariale. L’intention est d’y parvenir en augmentant ce que l’on appelle « l’armée de réserve de la main-d’œuvre ». Plus de main-d’œuvre disponible, plus de demande de travail, moins de salaires. C’est simple.Cela ne veut pas dire que les salaires n’augmenteront pas, mais ils augmenteront moins vite que l’économie, ce qui entraînera une perte de pouvoir d’achat et une dégradation relative des conditions de vie.
Il n’est pas nécessaire d’aller très loin pour comprendre pourquoi l’Union européenne s’engage dans cette voie.La première réponse est limpide : la rupture des relations avec la Fédération de Russie a renchéri la valeur des matières premières et il faut compenser cela par une baisse des salaires, notamment parce que la stratégie est de concurrencer la Chine sur les marchés mondiaux pour le même type de produits.
Et si nous devons compenser cette perte d’énergie et de matières premières bon marché, pourquoi le faisons-nous en baissant les salaires ? Par exemple, au Portugal, la Confédération du tourisme, qui regroupe les entrepreneurs liés au tourisme, a proposé au gouvernement un « Labor Simplex », pour faciliter l’embauche de main-d’œuvre immigrée en provenance de pays tiers. Ce type de solution est également préconisé par Eurobusiness, qui regroupe les employeurs européens.
Les politiques migratoires et l’inondation de l’Union européenne par la main-d’œuvre immigrée sont des politiques réclamées par le patronat européen, soutenues par la classe politique du centre néolibéral et mondialiste et par les intérêts apparentés à l’économie transnationale, et qui visent, face à la baisse des taux de chômage et à la nécessité d’adopter une politique de gestion de la main-d’œuvre plus rationnelle, à faire en sorte qu’il y ait encore suffisamment de main-d’œuvre disponible pour que les entreprises ne soient pas obligées d’augmenter les salaires.
Un autre sophisme que nous pouvons identifier dans le discours d’Ursula von der Leyen apparaît lorsqu’elle fait référence à la nécessité de « dérisquer » la Chine parce que ses produits bon marché détruisent des emplois en Europe. Ces propositions de l’UE montrent qu’il ne s’agit pas de « protéger les emplois », mais plutôt les marges de profit et les niveaux d’accumulation qui mettent plus de 20 % de la richesse produite chaque année dans les mains de seulement 1 % des plus riches. S’il s’agissait de protéger les « emplois », les politiques seraient différentes.Protectionniste ? Oui, peut-être. Mais elles viseraient essentiellement à protéger l’emploi et la qualité de vie des Européens.
Et c’est là que l’on s’aperçoit d’une autre erreur. Dans cette communication, qui constate les « mutations géographiques », pas un mot sur l’amélioration des conditions de stabilité dans l’emploi et dans la vie, sur l’accès à la propriété, qui permettrait aux adultes en âge de procréer de s’installer et de fonder une famille ; au contraire, l’accent est mis sur la « mobilité », celle qui oblige les jeunes à quitter les pays pauvres pour les pays riches à la recherche de meilleurs salaires, mais qui, dans de nombreuses situations, se fait au prix d’un report de l’intention de s’installer et de fonder une famille.Promouvoir un mode de vie plus durable et plus stable pour les jeunes, lutter contre la précarité de l’emploi, investir dans des logements moins chers et dans le soutien à la naissance et à la parentalité, remettrait en cause le modèle économique de la division du travail dans l’Union européenne. Elle mettrait en péril les intérêts des pays les plus puissants à attirer les travailleurs les plus qualifiés.Et ce n’est pas pour changer, c’est pour se maintenir et même s’aggraver.
L’Union européenne, cette Union européenne, renonce ainsi à renouveler ses populations d’origine, optant pour la voie la plus facile, celle qui ne remet pas en cause le projet néolibéral, mondialiste et hégémonique qu’elle est.En ce sens, nous pourrions dire que s’il existe un projet contre la famille et les peuples originaires des États membres, c’est bien le projet européen lui-même. Mais surtout, il est contre tout cela, parce que c’est un projet contre les intérêts des peuples eux-mêmes, c’est-à-dire contre les intérêts de la famille et des peuples originaires des États membres, c’est ce projet européen lui-même. Mais surtout, il va à l’encontre de tout cela, parce qu’il s’agit d’un projet qui va à l’encontre des intérêts des peuples eux-mêmes, quels qu’ils soient.
Alors que tout le monde s’attendait à ce que l’introduction de nouvelles technologies et l’augmentation de la productivité qui en découle – l’humanité n’a jamais produit autant et avec une telle qualité en si peu de temps – conduisent à une réduction du temps de travail normal, puisqu’il faut moins de ressources pour produire la même chose, l’Union européenne nous dit le contraire. Elle nous dit que nous avons besoin de plus en plus de travail humain.Même s’il faut aller chercher cette main-d’œuvre dans des pays tiers.Et c’est là que tous ceux qui se disent « envahis » se taisent. Et ils se taisent parce qu’ils savent que les travailleurs migrants ne viennent que parce qu’ils trouvent du travail, parce que les employeurs les attirent de diverses manières.Ces mêmes intérêts vivent des conditions terribles dans lesquelles ces travailleurs arrivent et vivent, car plus ils font d’efforts pour traverser la Méditerranée, ou pour trouver un logement décent, plus leur salaire sera bas et plus les conditions de logement qu’ils acceptent seront dégradées.
Ceux qui reprochent aux travailleurs migrants de vivre dans des maisons surpeuplées, de remplir les rues où nous circulons, qui les accusent de prendre nos emplois, ne les ont jamais, au grand jamais, vus accuser ceux qui les attirent, qui développent les politiques et le modèle économique qui légitiment tout cela. Je ne les ai jamais vus accuser une Union européenne qui laisse les gens, tous les gens, derrière elle.
Une Union européenne qui a non seulement abandonné ses propres citoyens, mais qui les exploite !
Tel est l’héritage d’Ursula von der Leyen et de tous ceux qui la soutiennent !
Par Hugo Dionísio
*Hugo Dionísio est avocat, chercheur et analyste en géopolitique.Il est propriétaire du blog Canal-factual.wordpress.com et cofondateur de MultipolarTv, une chaîne Youtube consacrée à l’analyse géopolitique.
Il développe une activité de militant des droits de l’homme et des droits sociaux en tant que membre du conseil d’administration de l’Association portugaise des juristes démocrates. Il est également chercheur à la Confédération syndicale des travailleurs portugais (CGTP-IN).
Strategic Culture
Traduit par Brahim Madaci