
– Un bâtiment effondré en Syrie après le tremblement de terre du 6 février 2023. Photo : Agence de presse Tasnim / Wikipedia
Le tremblement de terre du 6 février est une tragédie colossale aggravée par les sanctions occidentales unilatérales.
Par CHANDRA MUZAFFAR*
Le Mouvement international pour un monde juste (JUST) demande instamment aux gouvernements américain, britannique, australien, canadien, suisse et à certains gouvernements de l’Union européenne et de la Ligue arabe de lever les sanctions injustes et immorales contre la Syrie afin d’atténuer les immenses souffrances causées par le violent tremblement de terre du 6 février.
Un certain nombre de groupes locaux, dont le Croissant-Rouge syrien, ont déjà lancé cet appel. Parmi les personnes et les groupes au niveau international qui souhaitent également la levée des sanctions figure Helga Zepp LaRouche de l’Institut Schiller.
Il semblerait que les États-Unis et l’Union européenne aient suspendu temporairement leurs sanctions. Mais ce n’est pas suffisant, car cela signifie qu’elles peuvent être réimposées à tout moment. Les sanctions devraient être levées une fois pour toutes, car rien ne les justifiait au départ.
Les États-Unis ont commencé à cibler la Syrie en 1979 en l’inscrivant sur leur liste des États soutenant le terrorisme. Cette décision s’explique en grande partie par le soutien apporté par le président de l’époque, Hafez al-Assad, aux combattants de la liberté syriens et arabes qui cherchaient à libérer la Palestine, le plateau du Golan en Syrie et d’autres territoires arabes sous occupation israélienne.
C’est une indication du degré d’influence qu’Israël et le sionisme exercent sur la politique étrangère américaine en Asie occidentale et en Afrique du Nord (AAN). Entre mars et août 2004, les sanctions ont été intensifiées à la suite de nouvelles allégations d’ingérence syrienne en Irak et au Liban qui ont eu des répercussions sur Israël.
À cette époque, les relations du gouvernement syrien avec le Hamas en Palestine et le Hezbollah au Liban et ses liens fraternels étroits avec l’Iran étaient au cœur de l’animosité des États-Unis envers cette nation résolument indépendante. Inutile de préciser que les intérêts israéliens occupaient une place prépondérante dans toutes ces prises de position américaines.
Toutefois, ce n’est qu’après 2011, camouflées par le soi-disant printemps arabe, que les tentatives organisées et agressives menées par les États-Unis pour renverser le gouvernement syrien de Bachar el-Assad, soutenues par certains de leurs alliés européens et amis de la WANA, ont donné naissance à toute une série de nouvelles sanctions, allant de l’interdiction de voyager et du gel des avoirs à l’interdiction des exportations et aux restrictions imposées au secteur pétrolier.
L’UE a également rejoint les États-Unis dans l’embargo sur le secteur pétrolier ; 20 % du produit intérieur brut de la Syrie provenait du pétrole. On estime que le pays a perdu 107 milliards de dollars US en revenus potentiels du pétrole et du gaz depuis 2011.
Certains États de la Ligue arabe ont également gelé les avoirs du gouvernement syrien, tout comme la Turquie en 2011. Mais aucune de ces actions n’a eu un impact aussi grave sur l’économie et l’État syriens que la prise de territoires contenant du pétrole et produisant du blé et du coton par des groupes rebelles liés à des gouvernements, des mouvements ethniques ou des formations terroristes de la région.
Ces groupes, connus collectivement sous le nom de Forces démocratiques syriennes (FDS), sont dirigés par des Kurdes ayant des griefs de longue date contre les gouvernements syrien et turc et sont soutenus par les États-Unis. Ils occupent des régions du nord-ouest de la Syrie gravement touchées par le tremblement de terre.

– Le tremblement de terre vient s’ajouter aux effets barbares imposées par l’Occident et ses valets. Dessin DR
C’est ce pays fracturé et fragmenté que préside Bachar el-Assad. C’est un pays dans lequel 15,3 millions de personnes sur une population de 21,3 millions ont besoin d’aide humanitaire. Le pouvoir et l’autorité d’Assad ont été encore affaiblis par la perte de contrôle sur des ressources vitales et par des sanctions paralysantes.
Il est compréhensible que son gouvernement n’ait pas été en mesure de réagir rapidement et efficacement à la catastrophe du tremblement de terre, qui, au 11 février, avait tué au moins 3 500 personnes. Ce bilan est bien sûr bien inférieur à celui des plus de 22 300 enfants, femmes et hommes qui ont péri dans la Turquie voisine.
Néanmoins, la tragédie syrienne exige une réponse qui va au-delà des opérations de sauvetage et de récupération. Il s’agit d’une tragédie colossale aggravée par des sanctions qui non seulement entravent les opérations en cours, comme l’acheminement des produits de première nécessité et l’arrivée du personnel indispensable, mais aussi le travail de secours et de réhabilitation à moyen et long terme.
C’est pourquoi les sanctions doivent être levées immédiatement. C’est pourquoi les personnes et les gouvernements du monde entier doivent en faire leur plaidoyer prioritaire.
Les conflits entre les groupes rivaux en Syrie, dont la majorité sont armés, doivent également prendre fin le plus rapidement possible. Cela ne sera pas facile. On peut espérer que cette catastrophe gigantesque persuadera certains des principaux acteurs de ces conflits de réfléchir profondément à ce qui s’est passé – la souffrance insondable de millions d’êtres humains des deux côtés de la frontière turco-syrienne.
Si leur souffrance doit avoir un sens, qu’ils annoncent la fin des conflits et des tueries le long de la frontière et dans d’autres régions de Syrie. À cet égard, il est encourageant que les Nations unies aient appelé toutes les parties belligérantes à observer un cessez-le-feu avec effet immédiat afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire aux victimes du tremblement de terre.
Il y a une autre lueur d’espoir. Avant même le tremblement de terre, le 5 janvier, le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, a indiqué qu’il souhaitait rencontrer Assad pour discuter et résoudre leurs différends. Espérons et prions pour que les deux hommes travaillent à une telle rencontre – une rencontre qui aboutira à une solution mutuellement acceptable à leurs problèmes.

– Depuis 2011, on estime que la Syrie a été dépouillée de 107 milliards de dollars US en revenus potentiels du pétrole et du gaz. Principalement par les troupes américaines qui occupent les principaux champs pétroliers et gazier du pays. Photo DR
Si les deux dirigeants, qui entretenaient une amitié étroite il y a quelque temps, font la paix entre eux, il y a de fortes chances que la Turquie et la Syrie puissent se réunir sur une base solide, et que la plupart des autres protagonistes puissent également enterrer la hache de guerre.
Si cela se produit, la mort de milliers de personnes dans l’une des plus grandes tragédies de ces derniers temps sera quelque peu atténuée.
Chandra Muzaffar
*Le Dr Chandra Muzaffar est le président du Mouvement international pour un monde juste (JUST), une ONG basée à Kuala Lumpur, en Malaisie.
Asia Times
https://asiatimes.com/2023/02/sanctions-on-syria-worsen-suffering-caused-by-earthquake/