En juin 2016, le jeune vice-prince héritier, Muhammad Bin Salman, qui, dans les faits, règne sur l’Arabie saoudite, déclarait la fin de la politique étrangère « comateuse » de son pays et sa détermination de faire reculer l’Iran. Les rebelles syriens qu’il soutenait, semblaient imbattables à Alep. Ses généraux parlaient de la prise imminente de Sanaa, capitale du Yémen, aux rebelles Houthi qui s’en étaient emparée. Les dirigeants parlaient de ruiner l’Iran en saturant le marché du pétrole, sans tenir compte des souhaits de ses partenaires de l’OPEP. Un ambassadeur saoudien revint, même, à Bagdad, pour la première fois en vingt-cinq ans.
Mais à la fin de l’année, le royaume a reculé sur tous les fronts. Son ambassadeur a quitté l’Irak, fuyant un torrent d’insultes de la part des politiciens chiites tournés vers l’Iran. Ecrasés par les forces iraniennes, russes et gouvernementales syriennes, les rebelles d’Alep sont au bord de la défaite. Les Saoudiens se sont inclinés devant la préférence de l’Iran pour le président libanais Michel Aoun. Et au cours d’une réunion de l’OPEP, le 30 novembre, ils ont assumé la plus grande part d’une baisse de production pour restaurer les prix, tout en laissant l’Iran augmenter la sienne à des niveaux d’avant les sanctions.
Au Yémen, les ennemis Houthi de l’Arabie saoudite semblent déterminés à refuser au Prince Muhammad une sortie digne, en lançant des raids transfrontaliers répétés et en déclarant la semaine dernière, leur propre gouvernement, refusant d’en former un qui inclurait le président exilé comme le veut le prince. « Le Yémen sera le Vietnam des Saoudiens », a déclaré un responsable iranien avec mépris. « Il est en train de saigner l’armée saoudienne et le prestige diplomatique de l’Arabie saoudite ». Si celle-ci est d’accord pour laisser le reste de la région, dit-il, l’Iran la laissera garder Bahreïn, le petit État île lié par un pont-jeté à la côte est saoudienne.
(…) L’Arabie saoudite est, aussi, en train de perdre son « soft power », en coupant son aide aux alliés traditionnels sunnites qui ont commencé à regarder ailleurs. Saad Hariri dont l’entreprise de construction en Arabie saoudite connaît des problèmes à cause des restrictions du gouvernement, et qui dirige le bloc sunnite au Liban, a accepté le poste de Premier ministre sous la présidence du Général Michel Aoun, le candidat du Hezbollah. Le président égyptien, Abdel-Fattah al-Sissi, est en train de faire des ouvertures à la Syrie, à la Russie et même à l’Iran après la réduction de livraison de free oil.
Alors que les relations se distendent dans la région au sens large, le prince est en train d’essayer de renforcer les liens avec les principautés de son arrière cour. Le roi Salman, son père, a fait un voyage exceptionnel à l’extérieur, dans quatre États du Golfe, début décembre. Un sommet dans la capitale de Bahreïn, Manama, qui s’est terminé le 7 décembre, visait à faire des propositions pour transformer le Conseil de Coopération du Golfe en Union du Golfe avec une coordination militaire plus étroite. Mais, là encore, tout le monde n’a pas été convaincu. « Il y a une peur latente de l’hégémonie saoudienne », dit Becca Wasser qui suit le Golfe pour la Rand Corporation, un think-tank américain.
En outre, l’accord de l’OPEP dépasse les attentes, indiquant que l’Iran et l’Arabie saoudite peuvent donner la priorité à l’économie sur la confrontation régionale. Les deux ont échoué à couvrir leurs dépenses domestiques, sans parler des aventures étrangères. Le gouvernement de l’Iran a besoin d’un pétrole à $55 le baril pour équilibrer ses comptes, selon le FMI. Pour l’Arabie saoudite, il faudrait $80. « Les producteurs de pétrole ne peuvent pas assumer des guerres externes et par procuration comme auparavant, quand le pétrole était à $120 le baril », dit un ancien économiste de la Banque mondiale à Beyrouth. « Ils réalisent qu’ils ont besoin de changer ». Une plus grande stabilité et des frontières plus ouvertes, également, dit un responsable iranien, aideraient l’Iran à trouver des nouveaux marchés pour d’autres exportations, comme les voitures et le ciment.
L’arrivée de Donald Trump aux États-Unis est une raison supplémentaire de restriction. « Les deux pays jouent un jeu d’attente », dit Adnan Tabatabai, le chef de CARPO, un think-tank basé à Bonn qui mène les pourparlers entre les Saoudiens et les Iraniens. Les deux ont peur de la réputation de Trump concernant ses décisions impulsives – un prince saoudien l’a même pressé de ne pas rompre l’accord global qui a limité le programme nucléaire iranien. Les deux côtés semblaient incertains quant à sa volonté de renforcer les sanctions contre l’Iran ou de renforcer JASTA, la nouvelle loi qui permet aux Américains de porter plainte contre l’Arabie saoudite pour les pertes du 11 septembre 2001. Au-delà, et malgré l’influence des tenants de la ligne dure dans les deux camps, aucune des parties ne veut quoi que ce soit qui ressemblerait à une guerre directe.
Cependant, les tensions ne sont pas absentes pour autant. C’est même le contraire. L’Arabie saoudite a aggravé les relations diplomatiques avec l’Iran, en janvier dernier, du fait de l’attaque contre son ambassade à Téhéran après l’exécution d’un religieux chiite important et de trois autres chiites. Cette semaine, on a appris que quinze autres chiites avaient été condamnés à mort en Arabie saoudite, accusés d’espionnage pour l’Iran.
(Source : The Economist)
Traduction Afrique-Asie