Les informations que nous avons publiées sur le Camp Liberty témoignent d’une dégradation de la situation pour les résidents d’Achraf. Analyse.
Nous avons publié sur notre site, les nouvelles alarmantes lancées depuis quelques jours par la Résistance iranienne à propos des conditions de détentions de 400 membres de la principale opposition iranienne, les Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI) dans le camp nommé Liberty.
Peu d’entre nous ont entendu parler de « Liberty », il s’agit d’une ancienne base américaine désaffectée en Irak, près de l’aéroport de Bagdad, où sont transférés plusieurs centaines d’opposants iraniens réfugiés en Irak dans des conditions qui sont pire qu’une prison.
Ces Moudjahidine de peuple résidaient depuis 1986 dans le camp d’Achraf, situé au nord-est de Bagdad, à 80 km de la frontière iranienne. Achraf est depuis cette date le bastion de l’opposition iranienne.
Rappel historique
Les Moudjahidine du peuple sont allés en Irak, après que le gouvernement français de l’époque a fait pression sur eux pour quitter la France. C’était un gage à l’Iran de Khomeiny qui détenait les otages français au Liban par l’intermédiaire de ses laquais du Hezbollah. Les résistants iraniens ont alors fait les frais de ce marchandage que l’on peut qualifier de scandaleux pour la France.
Cela n’a pas conduit l’OMPI à baisser les bras, elle a poursuivi son combat contre la dictature intégriste depuis l’Irak, en prenant au préalable les assurances nécessaires pour conserver son indépendance vis-à-vis du gouvernement irakien. Contrairement à la légende propagée par les milieux proches du régime iranien, l’OMPI n’a jamais été impliqué dans les conflits intérieurs de l’Irak. Le mouvement était et reste fixé sur un seul objectif ; le renversement du « fascisme religieux » à Téhéran. C’est pourquoi pendant la guerre en 2003, bien que demeurant sur le territoire irakien, il a maintenu une neutralité dans le conflit. Cela n’a pas empêché les forces de la coalition de bombarder les bases de l’OMPI, à la demande expresse de l’Iran des mollahs. En 2003, les forces américaines ont désarmé les résistants iraniens, mais, en contre partie, leur ont reconnu le statut de personnes protégées par la quatrième convention de Genève. Le camp d’Achraf a été protégé par les forces américaines en vertu de cet engagement jusqu’en 2009. A ce moment, tournant le dos aux promesses de protection, les Américains ont transféré le contrôle aux forces irakiennes, dont les dirigeants avaient reçu leurs formations doctrinales et entrainements au terrorisme auprès des Gardiens de la révolution iraniens. Depuis, deux massacres se sont produits à Achraf en juillet 2009 et les forces irakiennes ont fait 11 morts parmi les habitants, et en avril 2011 ils ont tués 36 résidents et blessé des centaines.
L’engagement de l’ONU
Sous la pression de la communauté internationale, l’ONU s’est engagée à intervenir pour éviter d’autres massacres. En septembre dernier, le HCR a reconnu les habitants d’Achraf comme des demandeurs d’asile et a voulu commencer ses travaux pour leur permettre de quitter l’Irak vers des pays sûrs. Mais le gouvernement de Nouri Maliki, qui est sous l’influence direct de Téhéran, n’a pas permis au HCR de commencer ses opérations tant que les habitants n’ont pas été déplacés vers ce fameux camp Liberty. Une exigence étrange et injustifiée puisque cela a retardé jusqu’à aujourd’hui, le départ des habitants d’Irak que le gouvernement prétend vouloir. D’autre part ce déplacement est suicidaire puisqu’aucune garantie de sécurité n’a été donnée aux habitants.
Les véritables intentions irakiennes
D’après un document que la Résistance iranienne a pu obtenir de l’intérieur du Corps des pasdarans, après le transfert d’un premier groupe des résidents d’Achraf au Camp Liberty (CL), le bureau du premier ministre irakien a assuré la Force Qods et l’ambassadeur du régime iranien à Bagdad que les membres de l’Organisation des Moudjahidine du peuple seraient paralysés et transformés en cadavres politiques à Liberty. Ce document choquant ne laisse aucun doute sur le fait que le projet du transfert des résidents d’Achraf au CL est entièrement au service des objectifs du régime des mollahs qui vise à anéantir l’opposition démocratique et légitime à ce régime.
Le document dont un exemplaire a été envoyé au bureau du guide suprême Ali Khamenei, précise : « le transfert des membres des Moudjahidine au Camp Liberty sous le contrôle direct des forces irakiennes va entraîner la paralysie de l’organisation. Pour le gouvernement irakien, la durée éventuelle de leur séjour au camp importe peu, tant qu’ils seront dans l’incapacité de faire quoi que ce soit. Ils seront des cadavres politiques au Liberty ». Ailleurs, il ajoute : « nous envisageons tout d’abord de séparer les responsables de l’OMPI des membres ; ce sera l’étape la plus difficile dans l’opération du transfert car il se peut que les membres et responsables créent quelques problèmes à cet égard. Cette étape ne se déroulera pas en douceur ». Il est d’ores et déjà clair à travers ces lignes que les forces irakiennes préparent une nouvelle tuerie.
Les 400 résidents d’Achraf ont finalement accepté d’aller à Liberty après que le représentant spécial de l’ONU, Martin Kobler, mais aussi des Etats-Unis à travers l’ambassadeur Daniel Freed au nom de Mme Clinton ont donné des assurances, et que l’UE, à travers la voix de Mme Ashton, la haute représentante pour les affaires étrangères et la sécurité ait encouragé ce déplacement inutile. La mission de l’ONU en Irak (UNAMI) a même annoncé que les normes humanitaires étaient conformes à Liberty et que le camp était prêt à accueillir les habitants d’Achraf. Bien que leur exigences minimum de sécurité n’ont pas été garanties. La présidente de la Résistance iranienne, Mme Maryam Radjavi et les représentants des résidents d’Achraf ont accepté de convaincre 400 habitants à se déplacer vers Liberty en signe de bonne volonté. Ce qui fut une tâche rude. Mais 400 se sont portés volontaires, comptant sur les promesses et les engagements de l’ONU, des Etats-Unis et de l’UE.
Traitement dégradant réservé aux résidents
Avant de partir d’Achraf, le 18 février dernier, les choses ont très mal commencé : les résidents ont subi pendant 11 heures une fouille draconienne imposée par l’armée irakienne. Dans de nombreux cas, les agents irakiens les ont harcelé, ont saisi les effets personnels ou les ont détériorés. Pendant les fouilles, les agents menaçaient constamment les résidents en lançant, entre autres : « on va vous tuer tous, vous êtes des terroristes, nous allons nous débarrasser de vous, vous êtes des « hypocrites » (terme utilisé par le régime iranien pour désigner l’OMPI) ». C’est après un pénible périple de près de 24 h dans des bus que finalement les habitants arrivent à Liberty. Là, les forces irakiennes veulent à nouveau les fouiller, ce qu’ils refusent. La situation aurait pu tourner au drame, si les dirigeants de l’OMPI n’étaient pas intervenus pour calmer la tension.
Liberty, un centre de détention rien de plus
Les nouveaux arrivants découvrent alors non pas un camp pour des demandeurs d’asile prêt à les accueillir, mais un véritable camp de détention, avec plusieurs postes d’hommes armés à l’entrée et à l’intérieur du camp pour les surveiller. Même un poste de contrôle est placé de manière à ce que les habitants soient obligés de le traverser tous les jours pour aller au réfectoire. Des hommes en armes patrouillent constamment à l’intérieur du camp à bord de véhicules équipés des mitrailleuses lourdes.
Un camp sous haute surveillance
En outre, les forces irakiennes ont installé des dizaines de caméras de vidéo-surveillance, toutes positionnée en direction de la section habitée du camp. Ces caméras ne laissent aucun espace privé pour personne. Des appareils d’écoute sont également placés autour du camp pour espionner les habitants. Des mûrs en béton de 3m60 de haut entourent cet espace.
Les résidents sont privés de la liberté de déplacement exigée par le HCR et ne peuvent sortir du camp. A plusieurs reprises les autorités irakiennes ont empêché les journalistes étrangers d’approcher le camp et de parler avec ses habitants. L’Irak a refusé des visas aux avocats, alors que dans une prison ils auraient eu droit de visiter leurs clients. Même les visites des familles sont interdites.
Contrairement aux assurances du chef de l’UNAMI, les conditions sont insalubres
La première nuit, les habitants ont dû coucher dans les bus, puisque rien dans le camp ne fonctionnait. Les habitations ne sont que des bungalows vétustes et insalubres. La plupart manquent d’installations électriques, et sont donc sans lumière ou chauffage, car les appareils de chauffage sont électriques. Le camp manque surtout d’eau courante, et absence totale d’eau potable. Le système des égouts ne fonctionne pas, causant une absence sérieuse d’hygiène qui menace la santé des habitants.
La responsabilité de l’ONU
Beaucoup d’observateurs à travers le monde s’étonnent et s’interrogent : comment l’ambassadeur Kobler, a-t-il pu déclarer que le camp était conforme aux standards humanitaires. Ce dernier a eu une connaissance totale des conditions, mais a semble-t-il délibérément induit les résidents en erreur. Il avait même refusé de soutenir la demande des résidents de visiter le camp avant d’y être installés.
Cette affaire est en train de se transformer en un scandale international. Les Nations unies et plus spécifiquement l’ambassadeur Kobler portent la responsabilité entière de cette situation. Beaucoup se demandent si la communauté internationale est en train de cautionner l’envoi de résistants iraniens vers l’abattoir ? Ou du moins vers une détention pénible, pour les transformer comme le dit le rapport de bureau du Premier ministre irakien à ses chefs à Téhéran, en « cadavres politiques » ? Ce rapport confidentiel dévoile également : « Dans de nombreux cas, les Nations unies justifient les conditions irakiennes et demandent aux membres de l’OMPI de les accepter » Le gouvernement irakien se plaint du fait que « tous les membres de la mission de l’ONU en Irak ne sont pas en accord total avec notre gouvernement » mais ajoute « M. Kobler, le Représentant spécial du Secrétaire général, confirme souvent les demandes irakiennes. Nous pensons qu’il ne veut pas entrer en conflit avec le gouvernement irakien ou laisser ses relations avec ce dernier se dégrader à cause de l’OMPI ». Si c’est le cas, l’ONU devrait répondre de la sécurité des 3400 personnes qu’elle s’est engagée à protéger, qui doit être sacrifiée pour maintenir de bonnes relations avec le gouvernement de Maliki.
S’il s’agissait d’un déplacement provisoire vers un camp de transit, il y a lieu de se demander pourquoi les habitants n’ont pas été autorisés à emmener leurs véhicules. Pourquoi l’ONU, les Etats-Unis et l’UE sont restés silencieux sur les violations par l’Irak de l’accord l’engageant à traiter humainement les habitants?
Les locataires de Liberty ont très vite alerté leur mouvement et demandé aux résidents d’Achraf de ne plus déménager vers le Camp Liberty. La Résistance iranienne a immédiatement appelé le Secrétaire général des Nations Unies et le gouvernement des Etats-Unis d’empêcher le gouvernement irakien de mettre en œuvre son plan et les appelle à fournir les garanties minimales pour assurer les résidents d’Achraf et de Liberty. Celles-ci incluent le retrait total des forces armées irakiennes du Camp Liberty, la liberté du transfert des véhicules et de biens mobiliers des résidents au CL, l’accès direct et libre aux soins médicaux, la liberté du mouvement ou au moins l’élargissement de la superficie accordée aux résidents pour atténuer la dureté des conditions de vie à la prison de « Liberty ». Faute de ces assurances, pas un seul des autres résidents d’Achraf ne se rendra au CL a-t-on précisé.
Tout au long de son histoire, l’OMPI a montré sa détermination dans son combat contre la dictature en Iran. Elle a pu miraculeusement surmonter les bombardements injustifiés, le désarmement et les pressions multiples imposées par le régime iraniens et ses alliés. Les résistants iraniens ont toujours refusé de se mettre à genoux devant les épreuves les plus terribles. Il n’y a pas de raison que cette fois, ceux qui ont l’intention de les faire plier trouvent gain de cause. Alors toutes les parties engagées dans le processus de Liberty, devrait plutôt penser à trouver une solution rapide à la crise, avant que Liberty deviennent un piège fatal pour leur réputation et leur carrière personnelle.