« Mohcen, nous ne t’abandonnerons pas », et : « Le peuple veut un nouveau Maroc. » C’est en brandissant ce mot d’ordre que des milliers de Marocains sont descendus dans les rues d’Al Hoceima, de Tétouan, Casablanca, Marrakech, réclamant « justice » et la « fin de la hogra » (du mépris et de l’humiliation). Ils protestaient à la suite de la mort à Al Hoceima – une destination touristique du Nord marocain – d’un vendeur de poisson, Mohcen Fikri, broyé dans une benne à ordures alors qu’il tentait de sauver sa marchandise confisquée par des policiers qui lui refusaient de vendre du saumon, interdit de pêche dans cette saison.
Les images atroces de l’homme transformé en bouillie sanglante ont fait le tour des réseaux sociaux. Ils ont provoqué une indignation considérable à travers le Maroc, alors que le roi se trouvait à l’étranger et que le gouvernement était englué dans des tractations sans fin avec les partis à l’issue des élections législatives. Le ministre de l’Intérieur Mohammed Hassad, homme du makhzen, a ordonné une enquête pour, a-t-il dit, déterminer les circonstances exactes du drame. En réalité, il voulait surtout gagner du temps, calmer le jeu, prévenir un embrasement et identifier un bouc émissaire idéal. Profitant de la tragédie, certains opposants auraient voulu s’organiser pour relancer le « printemps arabe » dans un pays qui n’a pas connu un tel soulèvement. Mais les expériences malheureuses des voisins ont rapidement étouffé leurs voix.