Ces Algériens qui partent s’abreuver aux sources du wahhabisme.
« Ici en Mauritanie, les gens sont salafistes, mais ne prônent pas la violence. C’est une chose tout à fait normale, notre pays est régi par la loi islamique», c’est un journaliste mauritanien rencontré à Nouakchott, il y a quinze jours, qui annonce la couleur le premier jour de notre arrivée dans la capitale mauritanienne.
Il travaille dans une radio privée, Mauritanid, qui vient de commencer à émettre ses programmes. Dans ce pays où l’éducation religieuse prend la part du lion dans la société mauritanienne, et où les familles préfèrent envoyer leurs enfants dans les Madaras, des écoles coraniques qu’à l’école publique, être salafiste ne veut absolument rien dire. Seulement, lesdites écoles coraniques, ayant longtemps échappé à l’emprise du wahhabisme, ont fini par céder et ont produit des adeptes du djihad qui ont rejoint les groupes d’Al Qaîda activant au Sahel en général et particulièrement au Mali. Selon une source sécuritaire rencontrée en Mauritanie, dix élèves des Madhras ont pris, durant le mois de février dernier, le chemin du Nord pour intégrer les groupes terroristes activant dans la région. Ils ont pris contact d’abord avec le chef terroriste, Abou Zeid, qui les a orientés vers un autre groupe, Ansar Eddine, dirigé par un Targui, Ayed Ag Ghaly.
Selon nos sources, le chef du groupe terroriste Abou Zeid les a rejetés pour une raison d’équilibre de forces. Il craint en fait de perdre la direction de son groupe par le fait du nombre de plus en plus important de mauritaniens engagés par Al Qaîda au Maghreb islamique. Il y a quelques années, ils formaient 35% des effectifs des groupes terroristes activant dans le Sahel. Ils sont aujourd’hui majoritaire, indiquent nos sources avec 70% des effectifs. Ayant une formation religieuse de base, bon nombre d’entre eux activent comme exégètes. Mais rares sont ceux qui sont tentés de faire des attentats en Mauritanie, parce que l’ascendant tribal prend souvent le dessus nous explique un cheikh Mauritanien qui pense que la tribu est la meilleure assurance pour les Mauritaniens. On entend deux explications à Nouakchott. La première : ceux qui rejoignent les rangs des groupes terroristes le font pour de l’argent «el fedha» parce qu’ils sont très pauvres. La deuxième : c’est la nature de leur formation. La majorité s’est abreuvée aux sources du wahabisme qui finance des Mahdharas en Mauritanie.
D’ailleurs, selon certaines sources, il y a une guerre terrible au tour de l’Institut des études islamiques saoudien situé à Nouakchott que les autorités mauritaniennes veulent délocaliser à Naâma. Cet institut a été fermé sous le règne de Maâouwia Ould Sid Ahmed Taya et rouvert par ceux qui lui ont succédé. C’est une véritable bataille qui se livre autour du contrôle des esprits. A Nouakchott, nous apprenons que de plus en plus d’Algériens sont attirés par l’enseignement religieux que dispense l’école wahhabite, dans l’institut en question, et certaines Madaras. Des sources bien informées, qui ont requis l’anonymat, indiquent qu’ils sont 35 à suivre un enseignement religieux en Mauritanie. Comment sont-ils venus ? Pourquoi ? Qui leur a montré le chemin ? Toutes ses interrogations restent en suspens. Ce qui est certain, indiquent nos sources, il doit y avoir tout de même une filière.
Cet enseignement, affirment nos sources, n’est même pas reconnu en Algérie. D’ailleurs, ses apprentis salafistes ont, à chaque fois, sollicité les services consulaires et les autorités algériennes pour la reconnaissance de l’enseignement dispensé par l’Institut saoudien des études islamiques et les Madaras. Vainement.
Selon les mêmes sources, parmi les Algériens, il y a ceux qui affichent ouvertement leur radicalisme religieux. Et surtout cet énigmatique diplômé d’une licence de droit de l’université de Constantine qui fréquente depuis des années les Madaras, et a fait un passage par le fameux Institut saoudien de Nouakchott. Selon des indiscrétions, il est toujours à Naâma, une région à haut risque, une sorte de base arrière des salafistes. Il est le condisciple de l’homme qui a commis en 2011 un attentat contre l’ambassade de France à Bamako, Mali. Le terroriste est de nationalité tunisienne, c’est l’âme intime de l’Algérien qui ne s’en cache d’ailleurs pas, indiquent nos sources. Ils étaient toujours ensemble, inséparables. Le Tunisien s’éclipsera subitement jusqu’au jour où il commet une attaque contre la représentation diplomatique française dans la capitale malienne.
Said Rabia (El Watan) 03 mai 2012