LA DÉLÉGATION emmenée par le président du Sénat, Gérard Larcher, et Jean-Pierre Raffarin, son président de la commission des affaires étrangères, a pris ses quartiers à Téhéran au lendemain de la résolution de l’ONU sur la Syrie.
L’occasion pour les Iraniens de faire quelques mises au point dans une ambiance très cordiale, à presque un mois de la visite en France du président Rohani. « Nous pouvons nous mettre d’accord sur la liste de ceux qui pourraient participer à une gouvernance transitoire, a indiqué le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, à ses hôtes. Cette concession encourageante pourrait cependant être un trompe-l’œil. Elle est vite balayée par l’affirmation des priorités du régime : la lutte contre Daech, qui passe par « la reconstruction de l’armée syrienne », a indiqué le président de l’Assemblée, Ali Larijani. « Pour se battre au sol, la meilleure force reste l’armée syrienne, elle est motivée, car elle a intérêt à gagner », a martelé Larijani. « Il y a 140 000 hommes, ils sont en train de reprendre confiance depuis trois mois », a précisé le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, le vice-amiral Ali Shamkhani, homme clé du régime. Vaincre un ennemi aussi « insaisissable », n’est pas possible sans « mener le combat au sol », ajoute-t-il. Or, Bachar el-Assad en est « le seul chef possible », a-t-il ajouté.
D’un interlocuteur à l’autre, c’est ce même argument qui revient en dernier ressort : « Dites-nous par qui vous le remplacez ! », demandent à chaque fois les Iraniens. Une fois le dossier Daech sous contrôle, ceux-ci sont prêts à envisager une « formule évolutive de transition politique à Damas », résume un diplomate qui assistait aux entretiens. Mais Téhéran met en priorité l’accent sur la lutte sans merci contre Daech, dont l’armée syrienne est à ses yeux l’instrument principal.
Endoctrinement
« Il y a deux événements qui ont fait évoluer les esprits : l’intervention russe pour la Syrie, et les attentats de Paris », a précisé de son côté le président Hassan Rohani. « Il faut fermer la boîte à fabriquer Daech », a répété Ali Shamkhani. Pour y parvenir, il insiste notamment sur l’interruption des financements extérieurs. Les Iraniens pointent le doigt vers les pétromonarchies du Golfe, l’Arabie saoudite en premier lieu. Mais ils visent aussi la Turquie, assurant « avoir des preuves de circuits financiers ». Ali Velayati, le conseiller diplomatique d’Ali Khamenei, le guide suprême, a illustré son propos en descendant une carte de la région, qu’il a commentée au stylo laser : « La menace terroriste se répand désormais de l’Afghanistan à l’ouest de la Chine, et les talibans sont remplacés par les réseaux de Daech. » Selon lui, « tout cela est le résultat du travail d’endoctrinement des madrasas wahhabites. » Le message est clair : les terroristes contre lesquels l’Occident se bat ne sont pas chiites, mais sunnites. L’un des interlocuteurs a affirmé avoir des indications précises que « les terroristes impliqués dans les attentats du 13 novembre ont été formés par l’Arabie saoudite ».
Daech est « comme des morceaux de vitres cassées dans notre pain quotidien », a conclu l’ayatollah Rafsandjani, le vieux sage de la Révolution islamique.
Le Figaro