L’annonce a été faite en début de semaine, alors que la Grèce négociait à Bruxelles avec ses partenaires européens et le Fonds monétaire international (FMI), un accord dans le cadre du « programme de sauvetage » qui expire fin juin : les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ont proposé à Athènes de devenir membre de leur banque de développement créée en juillet dernier et basée à Shanghai, dont l’objectif est de créer un contre poids au FMI et au système financier occidental.
Une « heureuse surprise » a déclaré le Premier ministre grec, Alexis Tsipras décidé à « étudier la proposition en détail ». Cette opportunité sera discutée au forum économique réuni à Saint-Pétersbourg du 18 au 20 juin.
Était-ce vraiment une surprise ? Étranglés par l’Europe et le FMI, les Grecs ont massivement voté pour Syriza, la coalition de la gauche radicale et leurs partenaires de l’Independent Greeks, en juillet 2014, sur un seul mot d’ordre : « ochi ! (non) aux oppresseurs étrangers ». Un gouvernement de « salut » a été mis en place qui a tenu ses promesses et tient tête aux bureaucrates de la Commission Européenne, à Angela Merkel et au FMI. Conduit par Alexis Tsipras, le nouveau gouvernement avait déclaré haut et fort, qu’il n’acceptait pas le memorandum de la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, FMI) et ses exigences d’austérité et de réformes structurelles, inacceptables pour le peuple grec. Les dirigeants grecs ont continué à tenir bon face aux pressions européennes et réaffirmé leur volonté d’adopter une politique étrangère « multidimensionnelle ».
Les signes d’un rapprochement de Moscou et Athènes sont apparus dès l’annonce de la victoire de la gauche grecque, Alexis Ttsipras recevait, en effet, un message de soutien de Vladimir Poutine qui exprimait sa « confiance dans la poursuite du développement de leur coopération traditionnelle dans tous les domaines et dans les efforts communs réels pour résoudre les problèmes européens et du monde ». Quelques jours plus tard, le ministre russe des Finances, Anton Siluanov, déclarait à la chaine CNBC que « si la Grèce faisait une demande formelle de prêt, la Russie la prendrait certainement en considération. » La « nouvelle » Grèce s’est également opposée aux sanctions occidentales contre Moscou liées à la crise en Ukraine.
Si, officiellement le voyage d’Alexis Tsipras à Moscou, début avril, vécu comme une trahison par l’Union européenne en pleine négociation avec Athènes, n’avait pas pour but la demande d’une aide russe à la Grèce, la situation économique grecque a été au centre des discussions entre les deux chefs d’État et il n’y a été question que de coopération économique. « Si nous réalisons tel ou tel projet important qui apporte des revenus à la Grèce, cela signifie que ces revenus pourront être utilisés pour le remboursement des crédits dont nous avons brièvement parlé aujourd’hui », a déclaré Vladimir Poutine, ajoutant : « Nous sommes d’accord pour prêter une plus grande attention aux investissements, nous avons discuté de coopération dans le secteur de l’énergie et de la possibilité de fournir du gaz russe à la Grèce via le Turkish Stream (futur gazoduc) ». A l’issue de cette rencontre, l’embargo sur les produits agricoles européens imposé par la Russie en réponse aux sanctions occidentales contre Moscou, ont été levées pour les produits grecs et le seront, également, pour ceux en provenance de Chypre et de Hongrie qui avaient également exprimé leur opposition à ces mesures.
Alexis Tsipras a été clair, une aide russe directe ne se fera que « dans le cadre européen ». Ce qui, par ailleurs, n’interdit en rien à la Grèce, « pays souverain qui a le droit de défendre les intérêts de son peuple et de sortir de la crise », de devenir membre de la Banque de développement des BRICS. Le soutien de la Chine est acquis et sans aucun doute des autres membres. La Chine, également, avait salué, également, avec enthousiasme, la victoire de Syriza, par la voix de Hua Chunying, son ministre des Affaires étrangères. « Les Chinois expriment leurs félicitations ; la Chine et la Grèce se réjouissent d’une longue amitié entre les deux peuples étroitement liés. Les Chinois attachent une grande importance aux relations avec la Grèce et espèrent travailler avec le nouveau gouvernement grec pour élargir les échanges et la coopération dans différents domaines et continuer de faire avancer le partenariat stratégique de la Chine et la Grèce », avait-t-il dit alors.
Il était clair qu’un développement des relations avec la Chine, la Russie et les autres pays BRICS était à l’ordre du jour. Le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Kotzias est, d’ailleurs, un expert des BRICS et, en tant que professeur de politique étrangère, un spécialiste de la Chine et de la Russie. Déjà, au début de l’année, le groupe chinois China Pacific Construction (CPCG) qui construit le Nicaragua Inter-Oceanic Grand Canal, annonçait son intention d’investir dans des infrastructures en Grèce. L’annonce d’une adhésion à la banque de développement BRICS arrive, donc, en toute logique et à point. Un nouveau pas dans la tentative de créer une alternative à l’oligarchie financière occidentale, synonyme aujourd’hui plus que jamais d’instrument de guerre et de destruction des États et des peuples ?