Mais quant à Hollande, je lui recommanderais instamment (bien qu’il n’ait certainement pas besoin de mes conseils) de modérer sa modestie. Il ne faut pas s’orienter sur Sarkozy et faire exactement le contraire. Le juste milieu est la meilleure des solutions dans le cas présent.
Richard Nixon a connu le Watergate. Ronald Reagan a marqué son époque par l’Irangate. Et le nouveau président français François Hollande vient d’être victime du Coussingate. Après avoir récupéré les clés de l’Elysée, Hollande s’est mis à jouer sur le contraste avec son prédécesseur. Nicolas Sarkozy adorait le luxe et le glamour. François Hollande a commencé à montrer les miracles de la modestie individuelle, digne de Boris Eltsine à l’époque de ses voyages dans les transports en commun. Hollande a réduit son salaire de 30%, ainsi que le nombre de ses gardes du corps. Le président a ordonné à son cortège de s’arrêter aux feux rouges. Sarkozy préféraient pour ses déplacements l’avion et l’hélicoptère. Hollande utilise la voiture et même le train. Sarkozy passaient ses vacances dans les villas les plus luxueuses des stations balnéaires étrangères. Hollande a préféré passer ses vacances dans la résidence présidentielle du sud de la France. Le fort de Brégançon est un endroit magnifique extérieurement, mais avec un intérieur plutôt modeste et des chambres minuscules. D’après la légende, le général Charles de Gaulle n’a pu passer qu’une seule nuit au fort de Brégançon. N’ayant jamais réussi à s’endormir, le général a juré de ne plus jamais revenir ici. Mais aujourd’hui, l’image du « président modeste » a subi un terrible préjudice. Connu pour ses révélations politiques, l’hebdomadaire Le Canard Enchaîné a révélé aux Français que leur président n’était pas du tout aussi modeste qu’il ne voudrait paraître. Spécialement pour les congés de Hollande un lot de coussins de luxe d’une marque espagnole très chère a été livré au fort de Brégançon. On pourrait trouver cela amusant, mais toute la France en parle très sérieusement. Comment ça! Le pays se tord dans les étaux de la crise économique. Le déficit budgétaire est immense. Le taux de chômage a atteint 10%. Et le président se divertit avec des coussins! Mon point de vue concernant cette tempête dans un verre d’eau est le suivant: les accusations portées contre Hollande sont injustes et en même temps tout à fait attendues. De plus, le président a lui-même donné les verges pour se faire battre. La modestie excessive peut être tout aussi dangereuse pour un homme politique que son absence totale. Parfois, l’habitude d’un dirigeant d’avoir un mode de vie luxueux peut nuire à son Etat. Non, je ne veux pas parler du roi Louis II de Bavière. Quand bien même son programme de construction des châteaux a vidé les caisses de l’Etat. Mais aujourd’hui ces constructions incroyablement magnifiques demeurent le principal atout de l’industrie touristique de la Bavière. Depuis neuf ans, les mots « la modestie individuelle des membres de la classe politiques » me rappellent la scène suivante. Février 2003. Les derniers jours de paix du régime de Saddam Hussein en Irak. Je franchis le contrôle de sécurité à l’aéroport de Bagdad avant un vol national à destination de Mossoul. Dans le reste du monde, les agents de sécurité des aéroports s’intéressent aux explosifs, aux couteaux, aux révolvers et autres. Mais à l’aéroport Saddam Hussein tout était différent. Les gardes exigeaient de voir les appareils photos et retiraient furieusement les piles. La confusion n’a pas duré longtemps. Immédiatement après le décollage j’ai vu dans le hublot un bâtiment en marbre géant. Comme vous l’avez déjà deviné, il s’agissait de l’un des palais du président Hussein. Deux jours plus tard, une mise en scène similaire s’est produite dans l’ancienne ville de Babylone reconstruite par les Irakiens. « Il ne faut pas y aller! Il y a rien d’intéressant à voir là-bas! », cherchaient à me dissuader les agents des services de sécurité qui accompagnaient notre groupe. Mais ma curiosité était immense. Et le nombre de journalistes dans le groupe était trop important pour qu’on puisse tous les surveiller. J’ai finalement réussi à passer dans un recoin et j’avais devant moi un autre palais présidentiel luxueux d’une valeur architecturale douteuse. Mais les gouvernements similaires au régime de Saddam Hussein sont aujourd’hui l’apanage du Tiers monde. Dans les pays développés tels que la France, les dépenses pour l’entretien du chef de l’Etat représentent une part microscopique du budget. Et peu importe si le président nage dans le luxe comme Sarkozy, ou vit dans la modestie rurale comme Hollande. Cela ne fait ni chaud, ni froid au trésor public. En revanche, le comportement du président influe directement sur un indice très important tel que l’humeur de la société. Et il est primordial d’éviter les extrêmes. Le président confond sa fonction avec le rôle de monarque absolu blasé? C’est évidemment une mauvaise chose. Mais lorsqu’un président se comporte comme s’il n’était pas président ne paraît attrayant qu’à première vue. A la charnière des années 1970 et 1980, le siège présidentiel aux Etats-Unis était occupé par Jimmy Carter. Il se comportait exactement de la même manière que François Hollande aujourd’hui. Carter a déclaré qu’il mettrait un terme à la « présidence impériale ». Le nombre d’employés de la Maison blanche a été réduit d’un tiers. Le yacht présidentiel Sequoia a été mis en vente. Les ministres ont été privés de chauffeurs gracieusement offerts par l’Etat. Carter leur a recommandé de conduire eux-mêmes leurs véhicules. Et le président avait formellement interdit à son personnel de porter ses bagages pendant ses déplacements. Carter et son épouse Rosalynn, et même leur fille Amy portaient toujours eux-mêmes leurs valises. Est-ce que cela a apporté un succès plus important à la présidence de Carter? Au départ, oui. Mais rapidement, la joie a cédé la place à la perplexité. Tout s’est passé dans l’esprit de la plaisanterie de Winston Churchill au sujet de son remplaçant au poste de premier ministre britannique Clement Attlee. En présence de Churchill quelqu’un s’est mis à vanter la modestie d’Attlee. Et connu pour son sens de l’humour Churchill n’a pas pu s’empêcher de répondre: « Attlee est un homme modeste mais il a de bonnes raisons de l’être! ». Pendant les années difficiles de l’administration de Carter les Américains attendaient de leur président un leadership marquant et enthousiaste. Au lieu de cela, Jimmy Carter leur donnait d’autres exemples de sa modestie individuelle. La cote de popularité du président n’était pas la seule à chuter. Finalement, les Américains ont dit adieu à Carter dans un état de profonde dépression nationale. Mais le successeur de Carter, Ronald Reagan, y a rapidement remédié. Le président ne cherchait pas à gérer les affaires quotidiennes du gouvernement. Cela relevait de la compétence des ministres à qui on avait rendu leurs limousines aux frais de la princesse. Par contre, Reagan enchaînait les discours enthousiastes. Et, ô miracle! Les Américains ont retrouvé leur optimisme. François Holland n’a passé que cent jours au poste de président. Mais il est déjà victime du « syndrome Carter ». D’après les sondages, plus de la moitié des Français désapprouvent ses actions. 51% estiment que la situation en France empire. Comme l’a brillamment prouvé Ronald Reagan, la politique est comme le show-business. Et les personnes trop modestes n’ont rien à faire dans le show-business. A toute époque et dans tout pays la population attend du gouvernement du « pain et des jeux ». Hollande a des problèmes avec le « pain ». Dès septembre, le gouvernement devra trouver environ 33 milliards d’euros en augmentant les impôts et en réduisant les dépenses budgétaires. Et dans ces circonstances Hollande prive également ses concitoyens de jeux! Evidemment, cela ne concerne pas les hommes politiques russes. Mais quant à Hollande, je lui recommanderais instamment (bien qu’il n’ait certainement pas besoin de mes conseils) de modérer sa modestie. Il ne faut pas s’orienter sur Sarkozy et faire exactement le contraire. Le juste milieu est la meilleure des solutions dans le cas présent. Pour cette raison, divertissez-vous, monsieur le président, avec des coussins, et ne vous arrêtez pas aux coussins! La France ne s’en portera que mieux.
Par Mikhaïl Rostovski (Ria Novosti)