Le Roi Mohammed VI est en colère contre la faillite du gouvernement islamiste en matière d’Education. Et il l’a fait savoir mardi dans un discours à la Nation, à l’occasion du 60e anniversaire de « la Révolution du roi et du peuple. »
Sans prendre de gants et n’hésitant pas à parler de sa propre expérience en matière d’éducation, le souverain marocain a livré un réquisitoire en règle contre le manque d’action et d’imagination du gouvernement d’Abdelilah Benkirane dans l’un des secteurs marocains les plus déterminants, lui reprochant sur un ton direct de ne pas avoir poursuivi les efforts entrepris précédemment sur ce chantier prioritaire. « Le gouvernement actuel aurait dû capitaliser les acquis positifs cumulés dans le secteur de l’éducation et de la formation, d’autant plus qu’il s’agit d’un chantier déterminant s’étendant sur plusieurs décennies », a-t-il déploré.
Et d’asséner : « Il faut renoncer à la polémique stérile et détestable qui n’est d’aucune utilité, si ce n’est le règlement de comptes étriqués et la pratique de l’injure et de la calomnie. La stigmatisation des individus ne contribue pas à régler les problèmes, mais plutôt à les exacerber », faisant explicitement allusion à la « Charte nationale d’éducation et de formation« , pilotée par l’ancien l’ancien ministre de l’Enseignement, d’Ahmed Akchichine, et abandonnée par l’actuel gouvernement islamiste.
Mohammed VI a n’a pas hésité à étayer ses propos par le travail mené par les « gouvernements successifs » qui s’étaient « attachés à mettre en œuvre les préconisations de cette charte, surtout le gouvernement précédent » d’Abbas El Fassi (2007-11). Alors que « le gouvernement actuel aurait dû capitaliser les acquis positifs cumulés » sur ce « chantier déterminant », « les efforts nécessaires n’ont pas été entrepris pour (les) consolider« , a-t-il constaté avec amertume.
« Pire encore, sans avoir impliqué ou consulté les acteurs concernés, on a remis en cause des composantes essentielles de ce plan« , a déploré le roi du Maroc, notant que l’Education ne devait pas « être l’objet de surenchères ou de rivalités politiciennes« .
« Si ton serviteur ne vit pas les difficultés sociales ou matérielles que connaissent certaines catégories de la population, cher peuple, il n’en reste pas moins que nous partageons tous les mêmes préoccupations concernant l’enseignement dispensé à nos enfants« , a dit Mohammed VI, qui fête ce mercredi son 50e anniversaire.
« Pour toutes ces considérations, a-t-il poursuivi, il n’est pas raisonnable que tous les cinq ans, chaque nouveau gouvernement arrive avec un nouveau plan, faisant l’impasse sur les plans antérieurs, alors qu’il ne pourra pas exécuter le sien intégralement, au vu de la courte durée de son mandat. Par conséquent, le secteur de l’éducation ne doit pas être enserré dans un cadre politique stricto sensu, pas plus que sa gestion ne doit être l’objet de surenchères ou de rivalités politiciennes ».
Pour le Roi du Maroc, « le chemin à parcourir reste long et ardu pour que ce secteur puisse remplir son rôle de locomotive du développement économique et social« . En effet, a-t-il reconnu, le secteur pâtit de multiples difficultés, notamment, l’adoption de programmes et de cursus qui ne sont pas en adéquation avec les exigences du marché du travail et des problèmes inhérents au changement de la langue d’enseignement dans les matières scientifiques avec un passage de l’arabe, aux niveaux primaire et secondaire, à d’autres langues étrangères dans l’Enseignement supérieur avec cela implique en terme d’adaptation pour une mise à niveau linguistique des étudiants .
Le souverain marocain n’a pas manqué non plus de relever la situation peu réjouissante de certaines filières universitaires qui sont devenues des usines à produire des chômeurs, surtout, dans certaines spécialités dépassées.
Pour que ce discours qui tire la sonnette d’alarme soit suivi d’effet immédiat, le souverain marocain a nommé dans la foulée son conseiller, le Pr Omar Azziman, au poste de président délégué du Conseil supérieur de l’Enseignement.
Cette nomination consiste à opérationnaliser le Conseil supérieur de l’Enseignement, une instance créée en 2006, en attendant l’adoption des textes juridiques relatifs au Conseil supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche scientifique et ce, en application des dispositions transitoires prévues dans la Constitution.
En dressant ce diagnostic « fort et sévère » de la situation de l’éducation et de la formation au Maroc, le Roi n’a pas manqué de rappeler qu’il n’est affilié à aucun parti, ni ne participe à aucune élection. « Le seul parti auquel je suis fier d’appartenir, c’est bien le Maroc« . « Cette démarche émane en toute sincérité et en toute responsabilité du cœur d’un père qui, comme tous les parents, porte l’affection la plus tendre à ses enfants« .
Légende : Le Roi Mohammed VI a vertement tancé son premier ministre islamiste en matière de gestion du dossier sensible de l’éducation.