Pour la chroniqueuse Lale Kemal, le gouvernement turc cherche à créer une alliance avec son ancien adversaire, l’armée, pour affaiblir son ancien allié, le mouvement Hizmet.
Alors que le gouvernement turc cherche à créer une alliance avec son ancien adversaire, l’armée, pour affaiblir son ancien allié, le mouvement Hizmet, les forces armées turques ont récemment pu bénéficier de plus grands privilèges économiques. Et ce, grâce à l’adoption d’une loi par le Parlement fin février qui introduit des modifications pour certaines lois militaires et qui confère un plus grand pouvoir à l’armée.
Ces mesures prises par le gouvernement pour obtenir le soutien de l’armée ont entraîné d’autres changements légaux, ouvrant la voie à la libération de plus de 50 accusés dans l’affaire Ergenekon, dont l’ancien chef d’état-major et général à la retraite, Ilker Basbug.
La Cour constitutionnelle s’est prononcée en faveur des plaintes déposées par les condamnés, au motif que leurs droits n’avaient pas été respectés. En agissant ainsi, le gouvernement turc a montré que les anciennes réformes en faveur de l’affaiblissement du rôle de l’armée dans la politique étaient de moins en moins pertinentes.
Un budget qui manque de transparence
Une étude du professeur Nurhan Yentürk de l’université Bilgi d’Istanbul confirme que les privilèges qui existaient déjà pour l’armée ont été élargis par la législation. Intitulée «Calculer les dépenses de défense turques» et publiée par l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm ce mois-ci, cette étude donne un précieux aperçu du budget de l’armée turque.
Un budget qui manque de transparence, étant donné que certains chiffres ne sont même pas rendus disponibles aux législateurs. La première catégorie d’institutions citées dans le rapport rassemble les organismes dont les dépenses sont totalement transparentes comme le ministère de la Défense qui comprend l’état-major et l’armée de terre, de mer et de l’air, ou encore le commandement général de la gendarmerie (JGK), le commandement des garde-côtes et le Sous-secrétariat pour l’industrie de la défense du ministère de la Défense (SSM).
La deuxième catégorie comprend les institutions dont l’accès aux informations budgétaires est limité. Elle regroupe le Fonds de soutien de l’industrie de la défense (SSDF), la société d’industries chimiques et mécaniques (MKEK), les gardes de village, le fonds secret, la recherche et le développement militaires, les prêts étrangers destinés aux dépenses de défense et les transferts financiers à la République turque de Chypre du Nord à des fins militaires.
La troisième catégorie, dans laquelle très peu d’informations sont disponibles, comprend la Fondation de renforcement des forces armées turques (TSKGV) et les pensions pour le personnel militaire et civil à la retraite et anciennement employé dans l’armée.
Les dépenses militaires : 2,4 % du PIB
D’après le rapport, l’un des objectifs du TSKGV est de créer des entreprises de défense privées ou d’établir des partenariats avec des sociétés. Le TSKGV possède directement ou indirectement des actions dans 18 entreprises. Ces entreprises ont une activité régie par les lois privées mais dirigées par des fonctionnaires.
Aucune ressource n’est allouée à ces entreprises et à leurs filiales de la part du gouvernement, mais le TSKGV contribue de façon importante à différents types de dépenses de défense. Les versements des retraites représentent la troisième dépense la plus importante après celles destinées au ministère de la Défense et à la gendarmerie.
Si on ajoute les pensions et les contributions du TSKGV aux projets militaires, le budget militaire monte à 2,4 % du PIB. Ce taux est proche de la moyenne des 2,9 % des dépenses militaires chez les pays-membres de l’OTAN. Même si la Turquie est membre de l’OTAN, souligne l’étude, elle n’a pas réussi à contrôler totalement son armée, mais a plutôt élargi le statut privilégié de l’armée turque.
«Si quelques détails concernant les dépenses de défense sont disponibles en ligne – comme le budget du ministère de la Défense nationale – l’accès aux informations concernant d’autres branches est limité voire impossible […] Même si les dépenses militaires sont retombées depuis la fin des années 1990, la Turquie continue d’avoir un poids relativement élevé dans les dépenses de défense – en 2012, la Turquie était classée 15e des pays ayant les plus importantes dépenses militaires.
Il y a un objectif de réduction de ces dépenses, en particulier vis-à-vis du personnel de même que celui d’une réduction de la taille de l’armée. Il est tout aussi important d’améliorer le contrôle démocratique de l’armée et d’augmenter la transparence des données militaires», cite notamment le rapport.
Source : Zaman France