Si l’on s’attend à ce que le président américain Donald Trump définisse sa stratégie pour l’Afghanistan lors de la réunion du sommet de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord à Bruxelles (25-26 mai), cela pourrait ne pas être le cas. Le secrétaire général Jens Stoltenberg, lors de sa conférence de presse habituelle avant le sommet au siège de l’Alliance a déclaré, en fait, que l’ordre du jour du sommet se concentrera sur deux questions : a) le renforcement de la contribution de l’OTAN à la lutte contre le terrorisme. L’OTAN ne procédera pas à des missions de combat et son rôle est de « traiter les causes profondes du terrorisme, la formation des forces locales est l’un des meilleurs outils dont nous disposons » ; et b) « partage du fardeau », ce qui signifiait tenir la promesse que les pays membres avaient faite en 2014 d’arrêter les coupes dans les budgets militaires, et « augmenter progressivement et se diriger vers » l’objectif de consacrer 2% du PIB à la défense en une décennie.
C’est essentiellement un sommet pour faire connaissance avec Trump. Les alliés des Etats-Unis » espèrent ardemment que Trump donnera une sépulture décente à sa célèbre description de l’OTAN qui serait « obsolète » et, en particulier, réaffirmera la fidélité à l’article V de la charte de l’alliance sur la sécurité collective. Il y a forcément un certain malaise parce que Trump peut être très imprévisible.
Stoltenberg était circonspect sur l’Afghanistan, en disant :
- Mais la situation sécuritaire reste difficile. Nous avons récemment terminé l’examen ordinaire de notre mission de formation. Et nos commandants militaires ont demandé quelques milliers de soldats de plus. Nous sommes actuellement dans le processus de génération de force et j’espère que les décisions finales seront prises le mois prochain.
Il semble que Trump est déjà en train de prendre une décision finale concernant les troupes américaines en Afghanistan et / ou sa stratégie pour la guerre.
Fait intéressant, au cours des Questions/Réponses, Stoltenberg a pris ses distances par rapport aux allégations contenues dans les médias américains (attribuées à des hauts gradés du Pentagone) accusant la Russie de donner un soutien clandestin aux talibans pour saper les opérations de l’OTAN. Il a dit : « Nous avons vu des rapports, mais nous n’avons pas de preuves tangibles de soutien direct de la Russie aux talibans. »
Plus important, Stoltenberg a ajouté : « Nous exhortons la Russie à participer à un processus de paix dirigé par les Afghans » pour réconcilier les talibans. Cette remarque est importante, parce que le Secrétaire général de l’OTAN s’inspire habituellement de Washington. Cette remarque peut-elle être considérée comme une prémonition de Stoltenberg d’une sorte de coopération russo-américaine en vue en Afghanistan à court terme ? C’est une hypothèse plausible, si seulement, dans ce qui se passe en-dessous du radar, la coopération américano-russe en Syrie au niveau militaire gagne du terrain dans la lutte contre l’Etat Islamique. Les États-Unis, semble-t-il, acceptent enfin de s’engager.
Plus tôt aujourd’hui, devant la Chambre haute du parlement russe à Moscou, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou a fait une révélation étonnante, disant que les militaires russes et américains sont engagés dans des discussions sur la situation syrienne dans un « mode round-the-clock » [NDT : 24h/24] et préparent un « projet commun » sur la zone sud très controversée de « désescalade » où les intérêts divergents des différents protagonistes extérieurs – Israël, la Jordanie, l’Iran, les Etats-Unis et le Hezbollah – menacent de tout mettre à sac. (Voir mon blog plus tôt Les Etats-Unis, l’ Iran se croisent en Syrie .)
Pour citer Choïgou,
- Nous n’avons pas arrêté les contacts et la coopération avec eux (les Américains), cela arrive presque continuellement (24h/24), nous parlons avec eux de jour comme de nuit, et nous nous réunissons à différents endroits. Un grand travail est en cours avec eux. Nous voudrions qu’il soit achevé et présenté comme un projet prêt à être mis en œuvre. Mais nous travaillons avec eux et nous travaillons naturellement sur la zone sud de désescalade.
Le « grand travail » en cours en Syrie peut stimuler une coopération similaire en Afghanistan. En effet, les Etats-Unis et l’OTAN ont snobé pendant des années les nombreuses ouvertures russes pour la coopération en Afghanistan, y compris au niveau de l’Organisation du Traité de sécurité collective dirigée par Moscou. Mais Trump est parfaitement capable de décider que l’aide russe est utile et nécessaire en Afghanistan dans la lutte pour vaincre l’Etat Islamique et de mener la guerre à son terme par un règlement négocié avec les talibans.
Soit dit en passant, les 48 minutes de la conférence de presse de Stoltenberg aujourd’hui à Bruxelles étaient dépourvues de toute rhétorique contre la Russie comme il en avait l’habitude par le passé. Il sera intéressant de voir ce que, le cas échéant, Trump aura à dire demain sur « l’agression russe », qui avait été le leitmotiv dans de tels des événements de haut niveau de l’OTAN ces dernières années au cours de l’administration Barack Obama. La vidéo de la conférence de presse de Stoltenberg est ici :
https://www.nato.int/cps/en/natohq/opinions_144081.htm
M K Bhadrakumar
Blog Indian Punchline
Source : https://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2017/05/24/a-nato-summit-for-the-donald-trump-era/
Traduit par Avic – Réseau International