Vous avez bien lu. Même si nous n’avons pas de détails sur ce qui se passe réellement à Riyad en ce moment, cette annonce-là provient d’une source institutionnelle. Pourquoi les médias grand publics sont-ils restés aussi discrets face à une attaque contre des gros intérêts privés qui les aurait fait hurler à la mort en chœur si elle s’était produite, disons, au Vénézuela ?
En novembre dernier, parmi les milliardaires arrêtés en Arabie Saoudite au prétexte de « corruption », outre la détention du prince Al-Walid ben Talal ben Abdelaziz Al Saoud, un autre nom imprévu a émergé, celui de Bakr ben Laden, le PDG du géant du bâtiment Saudi Binladin Group (Groupe Saoudien Ben Laden) et frère d’Oussama ben Laden. Étant donné que la vraie raison des arrestations en cascade était d’extorquer leur argent à ces milliardaires, l’arrestation de ben Laden est logique : après tout, le Groupe Ben Laden est l’une des plus grosses entreprises de bâtiment d’Arabie Saoudite, avec un chiffre d’affaires annuel de 30 milliards de dollars.
Ou plutôt était, parce que selon une dépêche de Reuters, l’Arabie Saoudite est en train de confisquer de prendre le contrôle du Saudi Binladin Group et discute en ce moment d’un transfert de quelques-unes des actions du géant du bâtiment à l’État, alors que son PDG et d’autres membres de la famille ben Laden sont toujours en détention.
Comme nous l’avions dit en novembre dernier, le Groupe ben Laden, qui comptait plus de 100 000 employés au faîte de sa gloire, est le plus gros constructeur du pays et l’un des plus importants pour les projets immobiliers, industriels et de tourisme censés aider l’économie du pays à se diversifier dans le futur. Malgré tout, au cours des deux dernières années, le groupe a été mis à mal par un ralentissement de l’industrie locale du bâtiment et une exclusion temporaire des contrats d’État à la suite de l’effondrement d’une grue à la Mecque en 2015, un accident qui avait fait 107 tués. Il avait dû licencier en masse.
Pourquoi cette nationalisation [au moins partielle, NdT] ?
Selon une suggestion offerte par des sources de Reuters, la prise de contrôle par Riyad semble « destinée à s’assurer que le groupe continuera de servir les plans de développement de l’Arabie Saoudite ». Selon une hypothèse plus réaliste, l’Arabie Saoudite veut échanger des avoirs privés contre la liberté de Bakr ben Laden.
De fait, la confiscation semble en cours depuis un certain temps : depuis la détention de membres de la famille ben Laden, le ministère des finances saoudien a formé un comité de cinq membres, dont trois représentants du gouvernement, pour superviser les affaires du groupe et ses relations avec les fournisseurs et sous-traitants.
Des officiels saoudiens tentent de négocier des accords avec les détenus, disant qu’ils veulent remettre la main sur quelques 100 milliards qui appartiennent de plein droit à l’État. Les discussions sur l’avenir du groupe ben Laden font partie de cet effort.
Que se passe-t-il ensuite ?
Bien que la propriété du Binladin Group reste entre les mains de la famille, la compagnie est en négociations avec le gouvernement sur le transfert potentiel de quelques-unes de ses actions à l’État, ou peut-être sur la réduction ou l’élimination de la dette de l’État saoudien à la compagnie Binladin, a rapporté Reuters.
Selon une source, la dette en question s’élève à quelque chose comme 30 milliards de dollars – l’héritage d’une période, il y a dix-huit mois, où le gouvernement avait suspendu le paiement de ses dettes à cause de la chute du prix du pétrole.
Quoi qu’il en soit, il est impossible de savoir si le traitement du groupe Ben Laden peut constituer un précédent pour les cas des autres hommes d’affaires détenus au cours de la purge anti-corruption. Comme cela a été abondamment rapporté, ils comprennent l’un des principaux hommes d’affaires du pays, le prince Al-Walid ben Talal, le PDG et propriétaire de la firme d’investissements mondiale Kingdom Holding. Il n’est toujours pas arrivé à un accord avec MBS.
A cause de l’importance stratégique du Groupe Binladin dans l’industrie du bâtiment et les projets de développement, il est à présumer qu’il fera l’objet d’un traitement différent des autres détenus.
Les représentants du gouvernement du nouveau comité directeur comprennent Abdulrehman al-Harkan, un ancien cadre supérieur de la compagnie de gestion d’immobilier Dar Al Arkan, et Khaled Nahas, un membre du conseil d’administration du producteur pétrochimique Saudi Basic Industries Corp, selon les sources. Y siègent également deux membres de la famille : Yehia ben Laden et Abdullah ben Laden. Avant, la famille contrôlait totalement le groupe, et Bakr ben Laden en prenait la plupart des décisions.
Pour finir, bien qu’Oussama ben Laden ait fait partie de la famille, le Groupe Ben Laden ne lui est pas lié.
[MAJ d’Entelekheia] Le Figaro et d’autres réfutent la thèse de la prise de contrôle du Saudi Binladin Group (voir par exemple ‘Arabie Saoudite : Binladin Group nie être passé sous le contrôle de l’État’, le Figaro du 13 janvier 2018), mais admettent que « certaines actions auraient été transférées au gouvernement en guise de règlement de ‘cotisations non acquittées’ », et que « la part des actions passant à l’État n’a pas été spécifiée. » Nous voulons bien croire que MBS (le boucher du Yémen) qui a décidé de traire des milliardaires saoudiens au prétexte de lutte contre la corruption, y compris, selon le Daily Mail, en faisant torturer les récalcitrants par des mercenaires américains, s’est contenté d’une prise de participation symbolique ou juste suffisante pour « régler des cotisations non acquittées », mais nous attendrons d’en savoir plus avant d’en être assurés. Surtout tant que Bakr ben Laden restera en détention.
Paru sur Zerohedge sous le titre Saudi Arabia Is Taking Over The Binladin Group
Traduction et note d’introduction Entelekheia