La visite au Maroc de M. Juppé, ministre des Affaires étrangères et européennes, début mars, a été l’occasion de signer les conventions de financement du Plan Maroc Vert, en faveur des exploitations familiales du Nord du pays. La subvention à l’Etat marocain s’élève à 300 000 euros et le prêt, concessionnel (taux d’intérêt réduit), à 50 millions d’euros.
Le Maroc, conscient de l’importance de l’agriculture dans le développement économique et social du pays, a adopté en avril 2008 le Plan Maroc Vert, véritable stratégie de relance et de réforme du secteur agricole, considéré comme un moteur de croissance et d’emploi et un moyen de lutte contre la pauvreté.
Véritable plan de relance des investissements et de réforme du secteur agricole destiné à accroitre sa productivité, la richesse et l’emploi qu’il crée, cette nouvelle stratégie repose en particulier sur une forte mobilisation de fonds publics nationaux et internationaux en faveur de la petite agriculture familiale.
Le premier employeur marocain
Le secteur agricole contribue en effet à hauteur de 16 % à la création de la richesse nationale, avec des variations très importantes (12 à 24 %) liées aux fluctuations climatiques interannuelles. L’agriculture représente par ailleurs près de 18 % de la valeur des exportations marocaines dont 60% vers l’Union européenne.
En procurant un revenu à près de 43% de la population active marocaine, taux qui atteint 80% en zone rurale, l’agriculture reste surtout le premier pourvoyeur d’emplois au Maroc, dans un contexte de chômage urbain important (près de 15%).
L’élaboration de cette stratégie a fait l’objet d’un diagnostic approfondi des opportunités qui s’offrent à l’agriculture marocaine et des contraintes auxquelles elle est confrontée, réalisé par le cabinet Mc Kinsey en 2007. Elle a été validée par le ministre de l’Agriculture et de la pêche maritime, M.Aziz Akhannouch, et présenté au Roi Mohammed VI en avril 2008 à l’occasion des Assises de l’agriculture. Le Plan Maroc Vert s’est ensuite décliné dans chacune des seize régions en plans agricoles régionaux, définissant, selon leurs spécificités, les filières prioritaires à soutenir.
Une nouvelle approche Maroc : le développement de la filière agricole
En effet, alors que les interventions publiques précédentes en matière de développement agricole reposaient essentiellement sur le développement des capacités d’irrigation et sur une approche relativement « techniciste », le Plan Maroc Vert s’intéresse au développement de l’ensemble des filières agricoles, de l’approvisionnement en intrants à la commercialisation des produits agricoles.
Des modèles innovants d’intégration (« l’agrégation ») des agriculteurs dans les filières sont ainsi recherchés pour permettre d’améliorer le lien entre la production et le marché, le conseil aux producteurs, l’accès au financement agricole,… En finançant les projets productifs présentés par les groupements d’agriculteurs, le Plan Maroc Vert reconnait le rôle des agriculteurs et de leurs organisations dans la réussite des projets de développement agricole. Il attache une importance particulière à la formation des agriculteurs pour la mise en oeuvre de leurs projets mais aussi à la structuration des interprofessions agricoles.
Investissements publics et incitation des financements privés
Le Plan Maroc Vert repose sur la relance des investissements publics et l’incitation des financements privés en faveur de l’agriculture marocaine, de manière différenciée selon les acteurs et les régions.
Deux « piliers » sont ainsi définis, ainsi qu’un axe transversal :
– un ensemble d’incitations à l’investissement privé pour le développement de l’agriculture à haute valeur ajoutée dans les zones favorisées et les agricultures les plus avancées : 400 000 à 600 000 exploitations doivent ainsi bénéficier d’investissements privés à hauteur de près de 7 milliards d’euros en 10 ans (« pilier 1 »)
– des investissements publics importants en faveur des exploitations familiales des zones défavorisées : 600 000 à 800 000 exploitations doivent bénéficier d’investissements publics de 1 à 1,8 milliards d’euros en 10 ans (« pilier 2 »)
– un axe transversal d’interventions concernant principalement l’aménagement et la réhabilitation de périmètres agricoles, l’amélioration de l’immatriculation foncière, la recherche-développement, …
Agences, centre de ressources et déconcentration
La nouvelle stratégie de développement agricole comprend, par ailleurs, un ensemble de réformes institutionnelles du Ministère de l’agriculture et de la pêche maritime:
des agences spécialisées sous tutelle du ministère ont par ailleurs été crées en 2008 : l’Agence pour le Développement Agricole (ADA) pour la coordination du Plan Maroc Vert et l’Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (ONSSA)
une partie des services du Ministère de l’agriculture et de la pêche maritime a été déconcentrée dès 2009 au niveau des directions régionales de l’agriculture, en charge notamment de la planification des interventions publiques agricoles
un groupement d’intérêt public, le « Centre de ressources pilier 2 », a été constitué à partir d’établissement d’enseignements et de recherche pour renforcer les capacités des services de conseil agricoles
la réforme du conseil aux agriculteurs est en cours pour permettre la redynamisation des services publics de proximité et le développement du conseil privé
Mobilisation de fonds nationaux et internationaux
Le gouvernement mobilise des financements importants en faveur du Plan Maroc Vert :
le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime et le ministère des Finances ont signé en avril 2009 un accord cadre de financement pluriannuel 2009-2015 permettant la mobilisation du budget national en faveur du pilier I et II et des financements extérieurs exclusivement en faveur du pilier II
le Royaume du Maroc recourt à près de 498 millions d’euros de subventions (Millenium Challenge Corporation, Union européenne, Coopération belge) et 350 millions d’euros de prêts (Banque mondiale, Agence Française de Développement) en faveur des exploitations agricoles des zones défavorisées.
Premières évaluations positives
S’il est prématuré de dressé le bilan de l’ensemble du Plan Maroc Vert, on petut toutefois relever des premiers éléments d’évaluation du « pilier 2 » du Plan Maroc Vert montrent :
la pertinence d’une stratégie de développement agricole en faveur du revenu des petites exploitations et du rééquilibrage des territoires (notamment dans le contexte des printemps arabes)
la mise en oeuvre effective de nombreux projets productifs liées à la production et à la transformation des produits agricoles mais une prise en compte encore insuffisante des questions de commercialisation et d’appropriation des projets par les bénéficiaires
une forte mobilisation de financements nationaux et internationaux rétrocédés sous forme de subventions aux investissements des petits producteurs mais une mobilisation encore modeste des financements bancaires locaux
de nouvelles institutions et de nouvelles procédures assez efficaces et conscientes de leurs faiblesses et des nécessités d’une meilleure coordination
Le financement de l’AFD en faveur du « pilier 2 » du Plan Maroc Vert
L’AFD soutient la mise en œuvre du Plan Maroc Vert depuis 2010 par le financement, au travers d’un prêt concessionnel souverain de 40 millions d’euros et d’une subvention de 500 000 euros, du projet d’aménagement de la seconde tranche du périmètre irrigué du Moyen Sébou et de l’Inaouen aval, au Nord de Fès.
Ce projet, visant le développement d’une irrigation économe en eau et sa gestion par les associations d’usagers de l’eau, contribue aux axes transversaux du Plan Maroc Vert.
A la demande du gouvernement marocain, l’AFD accompagne désormais la mise en oeuvre effective du « pilier 2 » du Plan Maroc Vert en finançant un programme d’appui dans le Nord du pays.. La définition de ce programme a fait l’objet d’une étude de faisabilité approfondie réalisée de janvier à avril 2011 par un bureau d’études français recruté par les autorités marocaines sur appel d’offres international, ainsi que plusieurs missions d’évaluation de l’AFD, en étroite collaboration avec le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime.
Réduire la pauvreté rurale et la vulnérabilité des agriculteurs
Le programme ainsi défini visera la réduction de la pauvreté rurale et de la vulnérabilité des agriculteurs aux aléas économiques et environnementaux, le développement des filières agricoles pour l’approvisionnement des marchés nationaux et l’exportation des produits à valeur ajoutée et la préservation des ressources naturelles. Il financera les projets productif conçus et identifiés à travers le dispositif national existant et contribuera à son amélioration par la mise en œuvre d’actions pilotes et le renforcement des capacités des acteurs.
Pour quelles filières prioritaires ?
Le Programme interviendra dans les trois régions de Tanger-Tétouan, Fès-Boulemane, et Taza-Taounate-Al Hoceima, sur une durée de 4 ans, et pourrait toucher 30 000 exploitations, soit 150 000 personnes environ.
Le programme contribuera au financement des projets productifs des filières prioritaires définies dans le cadre des Plans agricoles régionaux présentés par des groupements d’agriculteurs, tels que la construction et l’équipement de petites unités laitières, la plantation de vergers d’oliviers, d’amandiers, de pruniers et de pommiers, l’installation de petites unités de transformation de fruits, l’acquisition de ruches améliorées et la construction d’unités de production de miel, …
Les investissements et les mesures d’accompagnement des groupements de producteurs qui en sont promoteurs prioritaires identifiés (olives, ovins, caprins, bovins lait, câpres, miel…).
Le Programme financera ces projets au travers d’une approche programme en deux phases, la première correspondant aux projets déjà identifiés et programmés dans le cadre du budget 2012 et la seconde, correspondant aux projets qui seront identifiés avec l’appui de l’assistance technique, à partir de 2013.
Tester de nouvelles approches
Le programme contribuera au financement d’actions pilotes destinés à tester un nombre limité de nouvelles approches, de méthodes, d’outils, d’organisations de développement agricole portant sur des problématiques relativement nouvelles.
Le programme appuiera ainsi des appuis à la commercialisation et à la valorisation des produits (études de filières et de marchés, constitution de groupements d’intérêts économiques, mise en place de sites internet ou de boutiques dédiés, contractualisation avec des agro-industriels). Il financera des actions en matière de développement des produits de terroir (identifications des produits et des terroirs, labellisations, élaboration de chartes de qualité, marketing…).
Améliorer l’accès au financement
Le Programme contribuera par ailleurs à l’amélioration de l’accès au financement (analyse des outils et produits bancaires agricoles, identification de sources de financement du besoin de fonds de roulement des unités de transformations, mise en place de centres de conseil de gestion aux exploitations agricoles et aux organisations professionnelles. Il mettra enfin en œuvre des actions de recherche-développement, en particulier pour une meilleure maitrise des risques environnementaux (techniques de semis sans labour et autres mesures de conservation, techniques de transformations des produits,…).
Renforcement de capacités des acteurs
Le programme contribuera au financement d’actions de renforcement des capacités des promoteurs de projets et des services agricoles en charge de les conseiller.
Il est ainsi prévu la formation des cadres de l’ADA et des directions régionales et provinciales de l’agriculture et l’accompagnement des nouvelles structure en charge de l’appui-conseil de proximité aux agriculteurs, par la mobilisation d’une expertise nationale et internationale (analyse technico-économique des projets, l’analyse des filières, contractualisation et négociation commerciale au sein des filières, ingénierie sociale et l’approche participative, labellisation et la certification des produits de qualité, conseil de gestion agricole, maitrise des risques environnementaux,…)
Coût et financement
D’un coût total de 68 millions d’euros, le programme est financé par l’AFD, au travers d’un prêt concessionnel (dont une partie du coût est pris en charge par l’Etat français) de 50 millions d’euros au Royaume du Maroc. En outre, une subvention de 300 000 euros a été accordée pour permettre la mobilisation de moyens d’expertises supplémentaires. Le programme est par ailleurs financé par l’Etat marocain à hauteur de 18% et par les bénéficiaires à hauteur de 8%. Il sera mis en œuvre par le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime et ses services déconcentrés, sous la coordination de l’Agence pour le Développement Agricole (ADA).
En finançant la déclinaison de ce plan dans trois régions du nord du Maroc, l’AFD soutient les efforts du Royaume en faveur du développement de la petite agriculture familiale et de la réduction des inégalités territoriales et sociales.
Cohérence
Cette contribution est cohérente avec l’accompagnement des autres grands plans sectoriels du Maroc (Plan solaire, Plan émergence industrielle, Plan Halieutis) et aux stratégies du Royaume en matière sociale (santé, éducation, formation professionnelle) qui caractérise désormais les interventions de l’AFD au Maroc.