
– L’affiche de la 11ème édition du Festival
Louxor – Mahmoud Al-Rashed
Il n’est pas exagéré de dire que le Festival du film africain de Louxor, qui s’est tenu du 5 au 9 mars 2022, sur les bords du Nil et dans l’un des hauts lieux de l’histoire égyptienne multimillénaire, s’est imposé, en peu de temps, comme l’un des rendez-vous les plus prisés du cinéma du continent noir. Dès sa première édition, il y a une décennie, il s’est fait remarquer par son organisation, la qualité de ses participants, et par le choix des œuvres qu’il avait présentées à un public exigeant et par son emplacement majestueux. Il vient d’atteindre, avec sa onzième édition l’âge de maturité devenant la Mecque des cinéastes, producteurs, réalisateurs, acteurs, producteurs, scénaristes venus essentiellement du monde arabe et de l’Afrique mais aussi des quatre coins du monde.

– Mahmoud HEMIDA, président d’honneur du festival
Avec 35 pays arabo-africains qui avaient participé cette année à cet événement et 57 films qui y avaient concouru pour différents prix, les organisateurs avaient réussi à renouer avec la vocation traditionnelle de l’Égypte comme passerelle entre le monde arabe et l’Afrique. Et ce n’est pas un hasard s’ils ont choisi l’Ouganda comme invité d’honneur et dédié cette édition au grand réalisateur et homme de lettres sénégalais, disparu en 1998, Gabriel Mbete.
Le gouvernorat de Louxor s’est déployé sans compter pour assurer l’accueil, les moyens logistiques et les facilités techniques aux organisateurs et aux hôtes de cette manifestation. Des efforts méritoires ont été également déployés pour assurer le bon déroulement des activités, notamment sur le plan sanitaire et au niveau des précautions prises pour se prémunir de la pandémie du Covid -19. Ce soutien public s’insérait d’ailleurs dans la nouvelle stratégie gouvernementale de relance de l’activité touristique, dont le Louxor est le centre névralgique, lourdement affectée par cette pandémie.

– Azza EL-HUSSEINI, fondatrice et directrice du festival
La séance inaugurale s’est tenue en présence de Mme Enas Abdel Dayem, la ministre de la culture, du président d’honneur du festival, le grand artiste Mahmoud Hemida, du président en exercice du festival, le scénariste Sayed Fouad, et de sa directrice, la réalisatrice Azza El Husseini. Quant à la présentation et l’animation de la cérémonie d’ouverture, elle a été assurée par l’artiste et la speakerine de radio marocaine Wafaa Miras.

– De gauche à droite, Sayed Fouad, directeur du festival, Dr Enas Abdel Dayem la ministre de la Culture, Azza EL-HUSSEINI
La cérémonie a été précédée d’une promenade fluviale sur le Nil, aux rythmes du Luxor Folk Musical Instruments Band, qui a enchanté les invités. A tel point que l’artiste Hussein Fahmy, qui fera l’objet d’un hommage spécial lors du festival, n’a pu résister à l’ambiance festive pour danser aux rythmes envoûtants de la rababa et du mizmar (flûte), des instruments mythiques en Haute-Égypte. Quant à la cérémonie inaugurale proprement dite, elle a officiellement démarré par la projection d’un court métrage passant en revue les dix précédentes éditions du festival, suivie de spectacles de danses et de chants traditionnels du répertoire de la région interprétés par la Troupe des arts folkloriques du Louxor.

– Un hommage a été rendu par le festival à Hussein FAHMY, doyen des acteurs égyptiens
Président d’honneur du festival, le cinéaste et producteur égyptien Mahmoud Hemida, en sa qualité de président d’honneur du festival, et qui a beaucoup donné pour la réussite de cette aventure, a pris la parole pour souhaiter la bienvenue aux invités et pour saluer le parcours méritoire de ce festival qui « a franchi avec succès le cap de sa première décennie, a grandi et mûri et atteint l’âge de la maturité. Un âge qui lui permettra de s’affranchir de l’emprise des pères fondateurs et s’émanciper de toute tutelle, volant de ses propres ailes vers de nouveaux horizons et espaces de la culture et du savoir »
Le scénariste Sayed Fouad, fondateur et président du festival, a, de son côté, remercié la ministre de la Culture, Dr. Enas Abdel Dayem, et Mohamed Abdel Qader, le vice-gouverneur de la province de Louxor, pour leur contribution à la réussite du festival. Il a aussi rendu un hommage appuyé au dévouement de l’équipe organisatrice qui avait assuré la pérennité du festival tout au long de ses onze éditions successives. Il a eu une pensée particulière pour les artistes pionniers, dont certains ne sont plus de ce monde, dont la contribution à la création et au succès du festival a été méritoire. Parmi eux, il a tenu à souligner le rôle joué par le critique de cinéma Samir Farid, le réalisateur Bishara Shukri et la journaliste Rehab Badr. Un hommage appuyé a été également rendu à la réalisatrice Azza Al-Husseini qui a par sa combattivité et son implication dans la fondation et le fonctionnement du festival aura joué un rôle de premier plan dans sa réussite.

De droite à gauche, le critique de cinéma Gamal Abdel Nasser, Sayed Fouad, président du festival, l’actrice Nahed El Sebai et le critique Ahmad Chawqi.
Prenant la parole, la réalisatrice Azza El-Husseini, directrice du festival, a déclaré : S’il est vrai que l’Afrique est au cœur des préoccupations du festival, qu’elle est sa raison d’être, il convient de souligner que c’est la femme africaine qui est célébrée dans cette onzième édition. A travers la célébration de la Journée internationale de la femme, nous mettons cette année à l’honneur les femmes cinéastes qui ont joué, et qui jouent toujours, un rôle important dans l’essor de l’industrie cinématographique dans le continent noir. C’est le cas notamment de la cinéaste et ethnologue sénégalaise Safi Faye, de la productrice tunisienne Dora Bouchoucha, de la productrice burkinabé Apolline Traoré. Le festival cherche également cette année à « soutenir les jeunes réalisatrices d’Afrique. » Avant de passer la parole à la ministre de la culture pour déclarer solennellement l’inauguration du festival, elle a remercié chaleureusement son équipe, certes peu nombreuse mais très efficace, sans laquelle, dit-elle, cet événement n’aurait jamais pu se concrétiser. Elle a aussi réitéré sa reconnaissance pour toutes les parties embarquées dans cette passionnante aventure, notamment le gouvernorat de Louxor, le ministère de la Culture, du Tourisme, des Antiquités, de la Jeunesse, des Sports, des Affaires étrangères, ainsi que les efforts de l’Autorité générale du Livre et l’UNESCO.
Le mot de la fin dans cette séance inaugurale est revenu à la ministre de la Culture, Dr. Enas Abdel Dayem, elle-même issue du monde du spectacle et de la musique. Elle n’a pas caché son admiration pour la ténacité, l’opiniâtreté et le dévouement des initiateurs et des continuateurs de cette entreprise exaltante au service du 7ème, du dialogue entre les peuples et les cultures. Car malgré les difficiles moments qui avaient ébranlé le monde durant la décennie écoulée, le festival a réussi à s’y maintenir volant d’une réussite à l’autre.
Mais loin des cris d’autosatisfaction des intervenants, au demeurant fort justifiés, la question qui se pose est : Quel est le vrai bilan de ce festival dix ans après sa naissance ?
Pour la réalisatrice Azza El-Husseini, fondatrice et directrice du festival, la moisson a été féconde. En dix ans, révèle-t-elle, le festival a aidé à la production de quatre longs métrages. Il a également directement produit 12 œuvres de fiction, et contribué à la mise en route de plus de 18 projets de longs métrages. De son côté, l’Atelier international pour l’industrie du court métrage, fondé par le festival, a produit pas moins de 85 court-métrages et un long film documentaire. A cela s’ajoute la projection, depuis sa création, de centaines d’œuvres cinématographiques africaines, rendu hommage à d’innombrables grands acteurs de l’industrie cinématographique africaine et créé une riche bibliothèque dédiée au cinéma africain.
Le Festival est devenu, au fil des ans, un acteur incontournable du cinéma en Afrique. Et à ce titre, il a assumé, l’année dernière, la présidence de la prestigieuse Association des festivals africains et a noué des partenariats avec le monde du cinéma en Europe et en Asie. A cela s’ajoute la création de trois cinéclubs en Égypte-même (au Caire, à Louxor et à Alexandrie) pour faire découvrir aux cinéphiles égyptiens et au grand public le cinéma africain.

– Quelques personnalités arabes et africaines qui avaient participé au Festival.
« La notoriété du cinéma africain, poursuit la directrice du festival, Azza El-Husseini, s’est accrue et un certain nombre de chercheurs ont pu, grâce au festival de Louxor, se familiariser avec l’industrie cinématographique africaine. »
La vocation du Festival du Louxor ne se limite pas à son volet international. Elle est aussi pédagogique. « Pendant la décennie écoulée, des dizaines d’ateliers ont été créés à l’intention du public égyptien de tous les âges et de toutes les catégories sociales afin de le sensibiliser à notre appartenance au continent africain et de lui faire découvrir un cinéma différent de celui qui prévaut en Égypte. Ces ateliers visent également à découvrir et développer les talents de notre communauté locale et à l’inciter à sortir du carcan local vers le global, particulièrement vers la culture africaine qui complète et enrichit la culture égyptienne.
Organisation à but non lucratif, le Festival de Louxor étale ses activités sur deux axes : le local et le régional. Les deux axes fusionnent en fait pour mettre en valeur l’une des dimensions les plus importantes de la culture et de l’identité égyptienne, à savoir sa dimension africaine.

– L’actrice Nahed El Sebai, petite-fille de Hoda Sultan
Une vocation à la fois géopolitique et culturelle. « Nous essayons, affirme Azza El-Husseini, d’influencer et de créer un espace nous permettant de jouer le rôle qui nous est confié en tant qu’artistes et intellectuels avec des partenaires et supporters éclairés qui croient en ce message de rencontre interculturelle. »
L’ambition est grande, mais les moyens fort limités. Ils n’ont pas suivi l’évolution et l’extension des activités. Le festival continue certes à fonctionner normalement grâce à l’austérité, au professionnalisme et au dévouement de l’équipe, bien réduite, qui le dirige avec abnégation. « Nous gérons cet événement et les autres activités tout au long de l’année avec un budget modeste qui ne prend pas en compte l’augmentation constante des prix et des coûts, révèle Azza El-Husseini. Pour que le Festival perdure, s’acquitte de mieux en mieux des objectifs qu’il s’était fixé, il est vital de se donner les moyens matériels nous permettant d’aller toujours plus loin, plus haut…Si nous voulons que ce festival perdure, nous devons répondre à ses besoins et le soutenir comme il se doit ».
Mahmoud Al-Rashed. LOUXOR
Hollywood sur Nil : quand le cinéma égyptien brillait sur l’Orient et le monde…

– Mahmoud Morsi et Faten Hamama, deux acteurs de légende.
En 1954, le réalisateur, producteur et scénariste américain Howard Hawks se lance dans une des entreprises les plus étonnantes de sa carrière : le tournage en Égypte d’une super-production hollywoodienne sur la construction d’une pyramide, « La Terre des Pharaons ». On lui doit l’invention de l’expression Hollywood sur Nil, que de nombreux historiens du cinéma égyptien avaient repris à leur compte pour décrire l’extraordinaire élan de cette industrie culturelle qui avait envahi le monde par sa production prolifique, sa qualité technique, ses scénarios mythiques, ses chansons culte, et la propulsion sur la scène arabe, africaine et mondiale de stars mythiques qui enchantent jusqu’aujourd’hui l’imaginaire des cinéphiles et du grand public. Elle fait référence aussi à l’attrait qu’exerçait la civilisation égyptienne multimillénaire sur d’innombrables écrivains, scénaristes et réalisateurs de renommée mondiale et ce depuis l’avènement du cinéma. L’expression est donc loin d’être usurpée aujourd’hui puisqu’elle fait référence à la deuxième renaissance de l’industrie cinématique sur les bords du Nil, une ambition portée aujourd’hui à bout de bras par les décideurs égyptiens.

– Scène du film hollywoodien Terre des Pharaons de Howard Hawks. Photo DR.
Rappel. L’Égypte a été, après la France, l’une des premières destinations des Frères Lumière. Soit moins d’un mois après la projection de leur premier film d’animation Sortie d’usine le 28 décembre 1895 au Salon Indien du Grand Café, à Paris. Selon certains historiens du cinéma, la première projection cinématographique en Égypte aurait eu lieu « dix jours après celle organisée à Paris ».
Force cependant est d’admettre qu’il faudra attendra l’année 1932 pour assister à la vraie naissance de l’industrie cinématographique en Égypte. Cette année le réalisateur Muhammad Karim signa le premier film proprement national avec Awlad Al-Zawat (Les Enfants gâtés ou les Fils à papa) mettant en vedette le doyen du théâtre, Youssef Wahbi, la jeune actrice Amina Rizk et l’acteur Anwar Wagdy. Tous les trois connaitront une ascension cinématographique foudroyante. Depuis, le réalisateur Muhammad Karim n’a cessé de voler de succès en succès. Il révèlera l’actrice égyptienne Faten Hamama dans son film Yawm Said (Jour heureux -1940) et, cinq ans plus tard, il signera son chef d’œuvre Dunia, premier film égyptien en compétition au Festival de Cannes en 1946, année de sa création.

– Capture d’écran des premières projections des Frères Lumières. L’Égypte a été, après la France, l’une des premières destinations des Frères Lumière. Soit moins d’un mois après la projection de leur premier film d’animation Sortie d’usine le 28 décembre 1895 au Salon Indien du Grand Café, à Paris. Selon certains historiens du cinéma, la première projection cinématographique en Égypte aurait eu lieu « dix jours après celle organisée à Paris ». Pont de Kasr-el-Nil. Photo DR.
En quelques années le Caire s’imposera comme la capitale incontestée du cinéma dans tout l’Orient. Elle connaitra son zénith dans les années 50 et 60. Dans cette période, l’industrie cinématographique égyptienne produisait annuellement près de 65 films.
Dans les années 70 et 80, de nombreux festivals de cinéma ont vu le jour dans toutes les grandes villes égyptiennes, notamment le Festival international du film du Caire, le Festival d’Alexandrie, le Festival d’Ismaïlia, le Festival du court métrage, et récemment, le Festival d’El Gouna (ville située au bord de la mer rouge). En trois ans d’existence, ce dernier-né des festivals égyptiens s’est fait connaître et imposer sur le plan national et international grâce à l’implication personnelle et au dynamisme de son président Inteshal Al-Tamimi.
Parmi tous ces festivals, celui du Louxor, avec ses onze printemps, est incontestablement le plus chargé de sens et d’histoire. Situé au sud de l’Égypte et sur le flanc nord du continent noir, la ville qui l’héberge évoque l’époque nassérienne tri-dimensionnelle que le président Gamal Abdel Nasser, dans son livre La Philosophie de la révolution faisait asseoir sur trois piliers : le panarabisme, le panafricanisme et l’islam. Elle évoque aussi la plus splendides des civilisations qui avaient laissé ses empreintes indélébiles sur la personnalité de l’Égypte, sur sa géopolitique et sur la culture mondiale.
Autre particularité du Louxor, capitale de la Haute-Égypte, elle recèle sur son sol (et surtout son sous-sol) pas moins d’un tiers des trésors archéologiques connus de l’humanité. Du temple funéraire d’Hatchepsout au temple du Louxor voué au culte d’Amon dont l’entrée est gardée par Thoutmosis II avec sa stature majestueuse, au temple de Karnak. Une route dite des béliers, jadis connue sous le nom d’avenue des sphinx, bordée de centaines de statues de sphinx à tête de bélier, relie les deux temples (Karnak et Louxor). La ville de Louxor, l’ancienne Thèbes, est, depuis pas moins de trois siècles, un chantier archéologique à ciel ouvert. C’est, disent les égyptologues, une malle aux trésors sans fond. Elle est bien loin d’avoir révélé tous ses monuments immortels enfouis.
C’est dans cette ambiance majestueuse et festive, sous les regards des Anciens Immortels, qui avaient bâtis sur ces lieux chargés d’histoire la plus brillante civilisation, que le festival dédié au film africain s’est déroulé dans la joie et le recueillement.

– Vue de la majestueuse route des Sphinx, lors de son inauguration en 2021. DR
Les organisateurs du festival avaient choisi cette onzième édition pour rendre hommage à trois grands noms du cinéma arabo-africain qui y avaient laissé leurs marques indélébiles avant de quitter la scène. D’abord à Mahmoud Morsi. Né à Alexandrie en 1923, diplômé de philosophie, il avait étudié le cinéma à Paris et la mise en scène théâtrale à Rome avant de rejoindre la BBC en 1950, puis la radio nationale égyptienne en 1956 au moment où l’Égypte s’imposait sur la scène arabe et africaine comme le porte étendard de la lutte anti-coloniale. Ce n’est cependant qu’en 1963 qu’il joua son premier rôle dans le cinéma dans Le Fugitif qui fut un grand succès populaire et le début d’une longue et riche carrière cinématographique. Il s’éteint en 2014.
Le deuxième hommage fut rendu au célèbre réalisateur et scénariste marocain Mohamed Ismaïl (décédé en mars 2021) qui avait produit, depuis son intégration en 1974 à la télévision publique marocaine, de nombreux films, séries, pièces de théâtre, téléfilms et émissions de variété. Sa renommée va au-delà des frontières marocaines, puisque certaines de ces œuvres ont été primées dans plusieurs festivals sur la scène internationale. Il a reçu le Prix du meilleur scénario au festival du film indépendant de Bruxelles pour son film Ici et là, l’Étoile d’or du meilleur téléfilm pour Allal al Kalda et le Prix de réalisation et Grand prix du festival international des télévisions arabes au Caire.
Hoda Sultan, de son vrai nom Jamalat Abdel-El-Aâl El-Haw, est la troisième star emblématique disparue en 2006 à qui le festival de Louxor a rendu hommage cette année.
Née le 15 août 1925 au sein d’une famille paysanne dans un village de la région de Tanta (au nord de l’Égypte), elle commence sa carrière comme animatrice et chanteuse à la radio nationale. Elle fait ses débuts au cinéma en 1950. Un an plus tard elle obtient un rôle principal dans Houkm al-qawi (La Raison du plus fort), film de Hassan al-Imam. Elle fut remarquée par le réalisateur populaire et prolifique Niazi Mostafa qui va faire appel à elle régulièrement, lui confie aussi un rôle principal dans Hamido en 1953, puis dans Taxi al-gharâm (Le Taxi de l’amour), en 1954. Elle enchaîne ensuite les tournages, chantant bien souvent dans ses films, interprétant des rôles d’innocente, ou encore de séductrice.
En 1973, elle joue dans El Soukkareya, une saga couvrant un demi-siècle de l’histoire égyptienne populaire, d’après la trilogie de Naghib Mahfouz (3e épisode). Elle joue aussi en 1985 le rôle de Nefissa dans Adieu Bonaparte, un drame historique franco-égyptien réalisé par Youssef Chahine.
Le cinéma égyptien doit beaucoup à cette légendaire interprète de cinéma, mais aussi de théâtre, de radio et de chanson. C’est à sa petite-fille, l’actrice Nahed El Sebaï, qu’est incombée le rôle de recevoir au nom de sa grand-mère cet hommage posthume.
« Je suis heureuse et fière de recevoir le prix décerné par le festival à ma défunte grand-mère, dit-elle d’emblée. J’ai lu également le livre « Une femme en une » que le festival lui a consacrée, écrit par le grand critique de cinéma Kamal Ramzi. En effet, ma grand-mère Hoda Sultan était une femme multiple. Elle était une grande dame qui a guidé et qui guidera mes pas et que j’espère pouvoir suivre ses traces. Je suis sûre qu’elle aurait été heureuse de cet hommage qu’on lui rend aujourd’hui. Nous ne l’oublierons jamais. Son art restera en nous éternellement ». Outre ces hommages posthumes rendus à ces trois géants du cinéma égyptien, le festival a également honoré cinq artistes et réalisateurs arabes et africains de premier plan : ·
La grande star Hussein Fahmy primé pour l’ensemble de sa carrière. Surnommé le Prince du cinéma arabe, il est né au Caire en 1940, dans une famille aristocratique, son grand-père, Muhammad Pacha Fahmy, était chef du Conseil de la Choura (parlement) sous le règne du Khédive Tawfiq. Hussein Fahmy aimait le cinéma depuis son enfance, ce qui l’a poussé à intégrer l’Institut supérieur de cinéma dont il est sorti avec une licence de réalisation en 1963. Il se rend par la suite aux États-Unis d’Amérique, où il a poursuivi ses études de troisième cycle à l’Institut de Pasadena, Californie. De retour en Égypte vers la fin des années 60, il postule pour travailler comme assistant réalisateur avec les grands réalisateurs de l’époque. Il sera remarqué par le réalisateur Hassan Al-Imam qui a découvert en lui un acteur talentueux fort prometteur. Il le sollicite pour jouer dans le « Dalal Al Masrya » (Dalal l’Egyptienne) aux côtés de Hoda Sultan et Magda Al-Khatib en 1969. Le film connut un immense succès propulsant Hussein Fahmy comme grande vedette de cinéma. Pendant sa longue carrière d’acteur, il jouera dans une centaine de films, de pièces de théâtre et de production télévisuelle, avant de diriger, des années durant, le prestigieux Festival international du film du Caire. ·

– Hussein Fahmy entouré de Sayed Fouad (à sa droite) et du critique de cinéma Ahmad Shawqi.
L’Algérienne Baya Bouzar dite Biyouna a été également primée par le festival pour l’ensemble de son oeuvre. Chanteuse, danseuse, actrice et dramaturge, née le 13 septembre 1952 dans le quartier algérois de Belcourt (Belouizdad), elle s’intègre, très jeune, dans plusieurs troupes de chants et de danse, avant d’en diriger une elle-même avec une amie. A 17 ans, elle danse et chante déjà dans des cabarets d’Alger et notamment à 19 ans au Copacabana. En 1973, elle est remarquée par le réalisateur Mustapha Badie. Cette rencontre sera l’occasion pour Biyouna d’obtenir un premier rôle dans un téléfilm intitulé La grande maison (inspiré du roman de Mohammed Dib) et de connaître la célébrité. Elle tournera ensuite deux films pour le cinéma algérien, tout en se produisant dans des one-woman-show. Elle quitte l’Algérie pour la France dans les années noires du terrorisme pour revenir en 1999. Elle joue dans le film Le harem de Madame Osmane de Nadir Mokneche. On la verra ensuite dans Viva Laldjerie en 2003. Mais entretemps, en 2001, Biyouna sort un album Raid Zone, réalisé avec John Bagnolette et participe au spectacle de Fellag Opéra d’Casbah, mis en scène par Jérôme Savary. En 2005 sort un nouvel album, Une blonde dans la Casbah, qui fait la part belle au répertoire franco-algérien. En 2007, elle retrouve Nadir Mokneche pour le film Délice Paloma et se lance dans le théâtre en 2007 en jouant dans la pièce Electre de Sophocle, aux côtés de Jane Birkin. En 2009, elle a le rôle principal dans La Célestine au Vingtième Théâtre. En 2011, elle revient au cinéma dans le film La source des femmes de Radu Mihaileanu. Puis, en 2012, 1er spectacle en solo au théâtre Marigny, mis en scène par Ramzy. Parmi ses succès cinématographiques, il convient de citer : Leila et les autres (1978), Le harem de Madame Osmane (2000), Viva Laldjerie (2000), Delice Paloma (2007), Holiday (2011), La source des femmes (2011) et Beur sur la ville (2012…Mais le vrai succès fut entre 2002 et 2005 dans la série comique « Nas Mellah City », qui connut un grand succès en Algérie et dans le Maghreb, puis dans de nombreuses émissions et séries télévisées ramadanesques sur les chaînes algériennes et françaises. ·

– L’Algérienne Baya Bouzar dite Biyouna
La renommée de la réalisatrice Apolline Traoré du Burkina Faso, née en 1976 à Ouagadougou, a traversé les frontières de l’Afrique par ses films engagés. Sa famille s’installe, alors qu’elle avait juste 17 ans, aux États-Unis où elle avait poursuivi ses études à l’Emerson College de Boston, un établissement réputé dans les domaines de l’art et de la communication. Elle réalise plusieurs courts métrages dans les années 2000, notamment The Price of Ignorance (Le Prix de l’ignorance) en 2000, (sur la victime d’un viol à Boston), et Kounandi (La Personne qui porte chance) en 2003, sur une naine rejetée de tous, film sélectionné pour le festival international du film de Toronto 2004. Elle produit son premier long-métrage en 2004 : Au clair de la lune. Elle est distinguée en 2019, Chevalier de l’ordre du mérite, des arts, des lettres et de la communication et en 2020, elle est nommée Ambassadrice du Musée National de Burkina Faso. Lors du Festival de Louxor, elle a présenté des longs métrages, dont Kunandi, Au clair de lune et Desrance avec Jimmy Jean-Louis, qui a remporté de nombreux prix, dont le prix du meilleur film dans la compétition Diaspora. Le Festival du film africain du Louxor lui a décerné la Médaille pour le combat des femmes dans le cinéma. ·

Photo de droite à gauche, l’acteur Mohie Ismaïl, reconnu comme le « tsar du cinéma égyptien » ou le « roi du psychodrame », l’actrice Nahed Elsebai et le réalisateur sénégalais Teemour Mambéty.

l’équipe du film primé N° 2 Talaat Harb Square entourant le metteur en scène Magdy Ahmad Ali.

– La Burkinabé Apolline Traoré recevant son prix.
Professeur de cinéma à l’Université de Tunis et critique du 7ème art, le réalisateur tunisien Férid Boughedir a été lui aussi à l’honneur à Louxor. Il commence sa carrière comme depuis 1971 comme critique cinématographique et comme auteur spécialiste de l’histoire du cinéma africain et arabe.Il réalise deux longs métrages documentaires présentés en sélection officielle au Festival de Cannes : Caméra d’Afrique (1983)et Caméra arabe (1987). C’est son film Halfaouine,l’enfant des terrasses,sa première œuvre de fiction (1990) qui lui ouvre la porte de la renommée internationale. Cette œuvre est couronnée de plusieurs récompenses, dont le Tanit d’Or aux Journées cinématographiques de Carthage(JCC), et demeure à ce jour le film tunisien le plus vu dans le monde. Son deuxième long métrage de fiction, Un été à la Goulette est sélectionné en compétition officielle à la Berlinale 1996 avant de recevoir, la même année, le Prix de la biennale des cinémas arabes de Paris. Son troisième long métrage de cinéma, Zizou (Parfum de printemps dans sa version française), remporte en 2016 le prix du meilleur film arabe de l’année au Festival international du film du Caire. ·

– Le Tunisien Férid Boughedir, réalisateur de Halfaouine.
L’acteur et scénariste égyptien Amr Saad a été primé par le festival. Né en 1977 au Caire, il est diplômé du département de décoration de la faculté des arts appliqués. Il commence sa carrière au théâtre et à la télévision. Quant au cinéma, il a d’abord tenu deux seconds rôles dans les films Al Madina (la cité) du réalisateur Yousry Nasrallah, et Al Akhar (L’Autre) de Youssef Chahine. Ce n’est qu’avec Khiana Mashrou’a (une trahison justifiée), puis Dekkan Shehata (Shehata’s Shop) avec le réalisateur Khaled Youssef qu’il a commencé à jouer les premiers rôles. Il a également participé à de nombreuses séries télévisées depuis 2010, à commencer par Mamlakat Al Jabal (Royaume de la montagne) Kingdom of the Mountain) et Share’h Abdel Aziz (Abdel Aziz Street).
Hussein Fahmy : « le cinéma égyptien a besoin d’un nouveau souffle »

– Hussein Fahmy : « la bureaucratie a détruit le cinéma égyptien »
Le lendemain de l’ouverture de la onzième édition du festival du film africain de Louxor, la direction du festival, au grand complet, a organisée une conférence de presse autour de Hussein Fahmy, une grande icône du cinéma égyptien.
Autour de la grande star Hussein Fahmy se trouvait le président du festival, le scénariste Sayed Fouad, le critique cinématographique Ahmed Shawky, auteur du livre Hussein Fahmy, histoire d’un demi-siècle de cinéma égyptien, le président d’honneur Mahmoud Hemida, le réalisateur Omar Abdel Aziz, le Dr Khaled Abdel Jalil, responsable du cinéma au ministère de la culture, et les artistes Salwa Mohamed Ali et Basma. De nombreux journalistes spécialisés, des hommes de média et de cinéma dont la célèbre Poussy Shalabi.

– Mahmoud Hemida, véritable colonne vertébrale du Festival du Louxor.
Avant de répondre aux questions, Hussein Fahmy n’a pas pu retenir son éblouissement et sa fierté de se trouver dans un lieu si majestueux, si chargé d’histoire. « C’est, dit-il, la première fois que je tiens une conférence de presse sur cette route des béliers, bordée des centaines de statues de sphinx à tête de bélier. C’est sublime ! Le voyage entre Louxor et Assouan, traversé par ces temples grandioses est fabuleux. Je suis émerveillé et fier de mon pays qui a donné au monde de telles merveilles ».
Il a par la suite exprimé sa gratitude à la direction du festival, et en Mahmoud Hemida qui l’avait informé, le premier, de l’hommage dont il a été l’objet. « Ce festival dédié au film africain, enchaina-t-il, est une bonne initiative dans la mesure où il permet de lier le cinéma égyptien au cinéma africain. C’est une fenêtre très importante pour la communauté de destin entre des peuples appartenant même continent. »
Le cinéma égyptien aujourd’hui reflète fidèlement la réalité égyptienne. Il dispose d’énormes capacités, d’équipements technologiques de pointe et de grands talents. Il a cependant besoin, assène-t-il, de se renouveler et de se remettre en cause. Les sujets sont épuisés et rassasiés. Il a besoin d’un nouveau souffle avec des idées nouvelles et des initiatives audacieuses. « Nous disposons aujourd’hui d’une technologie qui pourrait servir notre industrie cinématographique, mais les sujets traités manquent de dimension humaine. Je peux regarder un film japonais qui me fait pleurer d’émotion alors que je ne comprends pas un mot de japonais ».
. Et d’ajouter : « Certes nous avons des acteurs doués, des réalisateurs inventifs et créatifs et des studios dernier cri, mais le problème n’est pas là. Il est dans la bureaucratie qui est à l’origine de la destruction du cinéma égyptien ».

– Inteshal Al Tamimi, Président du prestigieux festival du film d’El Gouna, dernier-né des festivals égyptiens dédiés au 7ème art
« Le cinéma, tel que je le comprends, ajoute-t-il, est une étude, une quête et une recherche. J’ai refusé beaucoup de propositions de rôle car les personnages qu’on me demandait d’incarner ne me convenaient pas. (…) J’avais l’habitude d’étudier et de comprendre les personnages avant de les présenter pour mieux fusionner avec eux. Quand j’incarne un rôle, j’essaie de comprendre et d’étudier le personnage avant de le présenter (…) Quand on m’avait proposé un rôle dans le film Jari al-wouhoush (Les monstres), je me suis tourné vers un médecin pour qu’il m’explique quelles sont les caractéristiques du malade que je devais jouer ». (…)
Et Fahmy de poursuivre sur sa lancée : « J’ai été la cible de beaucoup de critiques au cours de ma carrière artistique, surtout après avoir préféré être acteur plutôt que réalisateur. Cela m’a valu beaucoup de sarcasmes de la part des médias et des critiques. Plutôt que de me démoraliser, j’ai redoublé d’effort pour me prouver à moi-même et à mes détracteurs que j’avais fait le bon choix. La pluie de médailles que j’ai récoltées m’a réconforté et a fait taire les méchantes langues qui m’attendaient au tournant. »
Concernant les festivals d’art, Hussein Fahmy estime qu’il est possible de créer un festival dédié au cinéma n’importe où dans le monde « à condition de sortir des sentiers battus, de choisir le bon thème, le bon message, la bonne forme et l’emplacement adéquat. Pourquoi pas un festival dédié aux films comiques, ou aux films d’horreur etc… Un de mes amis s’est dit prêt à créer un festival cinématographique à Hurghada, une station balnéaire sur la mer Rouge. Je lui ai dit sans ménagement que l’idée est saugrenue, car il existe déjà un remarquable festival du film à El Gouna, une station touristique égyptienne à 20 kilomètres de Hurghada ! » Plutôt que de faire des doublons, il faut être imaginatif dans le choix des thèmes. Il faut certes encourager la multiplication de ces événements dédiés au cinéma un peu partout sur l’étendue du territoire égyptien. Il est possible d’en créer à Tanta, ou à Banha, ou à Assiout, à condition de diversifier les thèmes et les vocations. Car le cinéma, conclue-t-il, « est un monde infini de beauté, d’évasion et de création. »
Palmarès du Festival du film africain de Louxor 2022

– Les lauréats du 11ème Festival du film africain du Louxor au complet.
Longs métrages ·
Meilleur film : Communion, de Nejib Belkadhi, 2021, Tunisie·
Prix du jury : The Gravedigger’s Wife, de Khadar Ahmed, 2021, Somalie·
Mention spéciale : L’Accord (The Agreement), de Frank Thierry Léa Malle, 2022, Cameroun·

– L’Affiche du Film Talaat Harb 2 qui porte, à travers la vie du grand économiste égyptien Talaat Harb, fondateur de la Banque Misr (Banque d’Égypte), l’histoire de l’Égypte de la révolution nationaliste de 1919 jusqu’à l’ère Moubarak.
Mention spéciale N° 2 : Talaat Harb, de Magdy Ahmed Ali, Égypte

– Le film “Communion” (Qorban) de Nejib Belkadhi a remporté le Grand prix de la 11ème édition de Luxor African Film Festival
Prix de la Fondation indépendante pour la jeunesse
Talaat Harb 2, de Magdy Ahmed Ali, Égypte
Prix FIPRESCI :
La femme du fossoyeur, de Khadar Ahmed, 2021, Somalie

– Affiche du film somalien « The Grave Digger’s Wife » réalisé par Khader Aydro qui a obtenu le prix du jury
Documentaires long métrage ·
Meilleur film : Faya Dayi, de Jessica Beshir, 2021, Éthiopie·
Prix du jury : Etoile du matin (Aza Kivy), de NANTENAINA Lova, Madagascar, 2020 ·
Mention spéciale : Le dernier abri, d’Ousmane Samassékou, 2021, Mali.
Courts métrages ·
Meilleur film : Tender Threads, de Ouijdane Khaled (Maroc)·
Mention spéciale : Sixteen Rounds, de Loukman Ali (Ouganda)·
Prix du jury : Baby Blues, de Mamadou Socrate DIOP (Sénégal / France)·
Meilleur film représentant des femmes : Batool, de Mohamed Zahran (Égypte)

– Le jeune acteur syrien Wasseem Al-Dakkak a été la révélation du festival. Dans le film plusieurs fois primé Talaat Harb 2, il joue le rôle d’un militant libanais qui a combattu avec les Palestiniens contre l’invasion israélienne du Sud Liban dans les années soixante-dix, avant de rejoindre l’Égypte.
Diaspora ·
Premier prix : As Far As I Can Walk, de Stefan Arsenijević (Serbie)·
Deuxième prix : A Brighter Tomorrow, de Yassine Qnia (Algérie)

– Scène tirée du film de l’Algérien Yassine Knia, réalisateur du « Brighter Tomorow ».