La junte lâche le pouvoir, tandis que l’Azawad se veut un relais anti-Aqmi. Du rififi en perspective…
À Bamako, un problème a été à demi réglé, mais une multitude d’autres embûches hypothèquent plus que jamais l’avenir du Mali. Si la junte au pouvoir a accepté de signer le document de la Cedeao, portant le transfert du pouvoir « dans les prochains jours », au civil avec la désignation d’un président et d’un premier ministre de transition, le problème de la sécession de l’Azawad et de la collusion MNLA-Ansar Edine reste posé. Selon les observateurs, une lutte sans merci devra commencer très bientôt entre les deux mouvements Touaregs pour le contrôle du vaste territoire contigu de l’Algérie.
Vendredi soir, le capitaine Amadou Haya Sanogo, chef de la junte qui avait renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré (ATT), accusé « d’incompétence » dans sa gestion de la situation dans le Nord du Mali, est apparu à la télévision nationale malienne pour annoncer le transfert du pouvoir aux civils. Ce transfert, qui prévoit la désignation d’un président de la République et d’un premier ministre de transition jusqu’à la tenue d’élections (présidentielle et législatives) est contenu dans un « accord-cadre » conclu avec les représentants de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Après avoir imposé le 2 avril un embargo diplomatique, économique et financier « total » à la junte, la Cedeao, qui a dépêché à Bamako des négociateurs conduits par le ministre burkinabé des Affaires étrangères Djibrill Bassolé, a décidé la levée « immédiate » de ses sanctions, juste après l’accord. Aux termes de cet accord, les auteurs du coup d’État se voient offrir l’amnistie. Le document de cinq pages précise que l’ancien président ATT doit pouvoir être protégé et libre de choisir sa résidence.
Conformément à la constitution malienne, l’accord stipule que le poste de chef de l’État intérimaire doit être occupé par le président de l’Assemblé nationale, Dioncounda Traoré, qui, avec son premier ministre et le gouvernement qu’il va former, aura 40 jours maximum pour organiser des élections.
Curieux compromis lorsqu’on sait qu’il était plus facile de remettre le pouvoir entre les mains de son détenteur légitime, la président Amadou Toumani Touré, pour qu’il termine son mandat qui expire à la fin du mois d’avril, avec une possibilité de prolongation exceptionnelle, eu égard à la situation chaotique dans le Nord du Mali. Mais, l’option du retour d’ATT a été dès le début de la crise malienne écartée par l’ancienne puissance coloniale, la France et même la Cedeao. Une victoire pour les putschistes.
Oumar Mariko, vice-président de l’Assemblée nationale, dirigeant de Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), l’un des rares partis à avoir approuvé le coup d’État, a déclaré que l’accord « est un bon compromis entre les différentes parties » qui permet à la Cedeao d’arrêter « son entreprise criminelle contre le Mali » (sic).
Interrogé par Radio France internationale (RFI), Tiébilé Dramé, chef de l’un des plus importants partis politiques maliens, le Parti pour la renaissance nationale (Parena), a salué « les efforts énormes accomplis » par la Cedeao pour parvenir à cet accord, ainsi que « l’esprit de sagesse de la junte ». «L’heure est à l’union, la réconciliation et la tolérance », a-t-il dit, ajoutant: «nous devons avoir une pensée émue pour la partie de notre peuple qui vit aujourd’hui dans les trois régions du Nord, coupée du reste du pays ».
Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a « salué » un accord qui « permet le retour à l’ordre constitutionnel au Mali » et « crée les conditions pour avancer vers la recherche d’une solution politique concernant le Nord ». Dès l’installation des autorités civiles, « la France reprendra sa coopération bilatérale civile et militaire » interrompue après le putsch, a-t-il ajouté.
Au Nord du pays, coupé du reste du Mali, après la proclamation par le MNLA de l’indépendance de l’Azawad, la confusion est totale. Les dissensions entre ce mouvement dirigé par Billal Ag Acherif et le mouvement Ansar Edine de Iyad Ag Ghali sont fondamentales : le premier se dit laïc tandis que l’autre se réclame du salafisme, le MNLA lutte pour l’indépendance de l’Azawad, alors que Ansar Edine veulent appliquer la charia dans un Mali unifié.
Et comme pour se donner une légitimité qui ne pourra jamais avoirle MNLA propos ses services à toutes les parties pour combattre Aqmi dans la région. En créant un « Etat de facto », les Touaregs de l’Azawad tentent de monnayer leur propre existence en retournant leurs armes contre leurs frères de Ansar Edine. Les risques d’une plus grande confusion au Mali sont plus que jamais à l’ordre du jour. Aux pays limitrophes d’imposer leur paix, il y va de leurs intérêts vitaux.
Le Jeune Indépendant, Alger.