Aujourd’hui, rétrospectivement, de nombreux libanais rendent ainsi hommage au général Emile Lahoud. Ils ont raison ! Père de la nouvelle armée au sortir de la grande guerre civilo-régionale, il fut certainement l’un des grands présidents du Liban.
Le général Jean Kahwagi, commandant en chef de l’armée libanaise et Walid Salmane, chef d’Etat-major, ont été reconduits dans leurs fonctions pour une période de deux ans. Cette mesure prendra effet le 23 septembre 2013 et s’étendra jusqu’au 22 septembre 2015 pour le commandant de l’armée. Elle sera effective du 8 août 2013 jusqu’au 7 août 2015 pour le chef d’état-major. Dans le contexte actuel de paralysie gouvernementale et de risque de propagation de la crise syrienne au pays du Cèdre, cette décision revêt une importance politique majeure tout en constituant un hommage appuyée au général Emile Lahoud, président de la République du 24 novembre 1998 au 23 novembre 2007. C’est lui qui a véritablement reconstituée l’armée libanaise sortie exsangue des quinze années de la guerre civilo-régionale (1975 – 1990).
« Cette reconduction à leur poste de ces deux officiers généraux est la meilleure nouvelle que le Liban ait enregistrée depuis bien longtemps », nous explique l’ancien premier ministre Najib Mikati, exprimant un point de vue majoritairement partagé : « Les Libanais ont certes des points de vue divergents, mais ils restent tous attachés à l’institution militaire en tant que garante non seulement de la sécurité, mais également de l’État dans le sens le plus large du terme ». En effet, l’armée libanaise est en première ligne depuis le début de la crise syrienne. Elle gère les débordements du conflit sur le territoire libanais, notamment dans la région de Tripoli (nord du pays) par laquelle transitent mercenaires et armements à destination de la rébellion syrienne. Dans le reste du pays – notamment les villes côtières de Beyrouth à Tyr -, elle exerce une surveillance continue pour prévenir les attentats salafistes qui ont repris depuis le printemps dernier. Cette stratégie de la tension vise à faire basculer le pays du Cèdre dans le chaudron syrien en visant principalement le Hezbollah et les intérêts chi’ites du pays.
Le 24 juin dernier, après une trentaine d’heures de violents combats, l’armée libanaise a pris le contrôle du quartier général de cheikh salafiste Ahmed al-Assir à Abra, dans la banlieue Est de Saïda (Liban-Sud). Le général Jean Kahwagi a félicité les soldats pour avoir sauvé le Liban de l’implosion : « vous avez accompli une mission difficile et délicate (…) alors que l’institution militaire est la cible d’une campagne et d’accusations concernant sa neutralité…Vous avez prouvé au monde que l’armée est unie, qu’elle ne prend pas parti et ne représente pas une communauté contre une autre. Elle a uniquement riposté à l’attaque lancée par un groupe armé contre des intérêts nationaux ».
Création du Qatar, ce cheikh cherchait à « faire payer au Hezbollah son aide au régime impie de Bachar al-Assad », au lendemain de la bataille de Qousseir (début juin 2013) durant laquelle la milice chi’ite a reconnu officiellement son engagement opérationnel aux côtés de l’armée gouvernementale syrienne. Au deuxième jour des violents combats dans la grande ville du Liban-Sud (l’armée libanaise déplorait 16 morts dans ses rangs), l’état-major déclarait vouloir « en finir » avec les partisans armés du cheikh al-Assir : « les forces armées (…) doivent poursuivre leur action jusqu’à maîtriser et neutraliser le phénomène des groupes armés en anéantissant le quartier général du cheikh el-Assir et en arrêtant ceux qui ont agressé des éléments de notre armée nationale », pouvait-on lire dans un communiqué publié par les principaux responsables sécuritaires à l’issue d’une réunion d’urgence le 1er juillet dernier.
Ces missions se déroulent dans un contexte qui voit également un regain de pression sur la frontière sud. En effet, les violations de l’espace aérien et des eaux territoriales libanaises par la chasse et les vedettes israéliennes sont permanentes et quotidiennes. En sous-effectif chronique et manquant cruellement d’équipements et de systèmes d’armements modernes, l’armée libanaise entretient, de fait, une collaboration suivie avec les unités des forces spéciales du Hezbollah qui assurent effectivement la stabilité opérationnelle de cette frontière sud (la Ligne bleue qui va de Tyr à Khiam aux environs de la citadelle de Beaufort). Dans ce contexte pourquoi l’armée libanaise reste-t-elle à ce point sous-équipée ? Justement parce que son Livre Blanc tacite continue à considérer Israël comme une puissance ennemie, tout poursuivant une coordination ininterrompue avec la Résistance (qualificatif libanais désignant le Hezbollah). L’armée libanaise n’a pas cédé aux pressions qu’elle subit depuis 2005 pour la détourner de ce positionnement stratégique.
C’est pour ces mêmes raisons que le général Emile Lahoud, même après son accession à la présidence de la République, a toujours été vertement critiqué par les forces dites du « 14 mars » et les chancelleries occidentales. Non seulement il s’obstinait à refuser les valises d’argent par lesquelles le premier ministre de l’époque Rafic Hariri tentait de l’acheter, mais de plus, il s’obstinait à vouloir défendre la souveraineté de son pays contre les incursions quotidiennes des forces israéliennes…
Aujourd’hui, rétrospectivement, de nombreux libanais rendent ainsi hommage au général Emile Lahoud. Ils ont raison ! Père de la nouvelle armée au sortir de la grande guerre civilo-régionale, il fut certainement l’un des grands présidents du Liban.
*Richard Labévière est Rédacteur en chef Grand reporter à la TSR, rédacteur en chef à RFI et de la revue Défense de l’IHEDN. Il est aujourd’hui consultant en relations internationales. Collaborateur du mensuel Afrique-Asie, il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont « Les dollars de la terreur », « Le grand retournement / Bagdad-Beyrouth », « Quand la Syrie s’éveillera » et « Vérités et mythologies du 11 septembre ».
Source : espritcors@ire>
https://www.espritcorsaire.com/?ID=122/Richard_Labévière/
04/08/2013