Pendant que l’ingérence étrangère dans les élections américaines domine la politique intérieure aux USA, le gouvernement américain ne semble pas se rendre compte que ses efforts apparents de contrôler la politique irakienne pourraient favoriser un véritable mouvement de résistance aux conséquences désastreuses pour les États-Unis.
Une nouvelle vague de manifestations violentes est en cours à Bassora, une ville du sud de l’Irak riche en pétrole, où les forces locales ont tué six manifestants civils et blessé 65 autres.
Ces habitants de Bassora réclament de l’eau potable, de l’électricité, du travail et une infrastructure municipale de base qui leur manquent en raison de la corruption omniprésente et de l’incompétence des décideurs et des dirigeants. Ces manifestations contribuent à l’embarras du gouvernement actuel dirigé par le premier ministre par intérim Haidar Abadi, l’homme des USA au pouvoir en Irak.
Ces manifestations n’ont rien à voir avec le bras de fer auquel se livrent les USA et l’Iran quant à l’identité de la nouvelle personne appelée à gouverner la Mésopotamie. En effet, un groupe de partis irakiens ont proféré une menace claire contre « les USA, le R.U. et les politiciens irakiens s’ils continuent de s’ingérer dans le processus politique », notamment dans l’élection du nouveau gouvernement et de ses dirigeants. Nous assistons à la montée d’un mouvement de résistance contre les USA et l’administration américaine ne semble pas s’en apercevoir. Certains Irakiens sur place n’excluent pas qu’une révolution soit en train de naître en 2018 à Bassora contre les USA et leurs alliés au sein du gouvernement, qui rappelle la grande révolution de 1920 contre les Britanniques qui a commencé à Bagdad.
En 2003, lorsque les forces américaines ont annoncé leur intention d’occuper l’Irak, ils étaient nombreux dans le pays à croire que la présence américaine mettait fin à une époque terrible sous Saddam Hussein et qu’un nouvel avenir s’offrait à eux. Au départ, la majorité des Irakiens appuyaient le contrôle de l’Irak par les USA et les Britanniques. Mais avec le temps, une résistance patriotique contre l’occupation étrangère s’est développée, qui mettait dans l’embarras ceux qui soutenaient la présence anglo-américaine dans le pays. Cette résistance s’est toutefois retournée contre la population et s’est transformée en guerre sectaire menée par le sanguinaire Abou Moussab al-Zarqaoui, qui a tué de nombreux chiites, mais aussi des sunnites, des Kurdes laïques et d’autres minorités. Il souhaitait une guerre entre sunnites et chiites malgré l’avertissement de son émir, Oussama Ben Laden, relayé par son commandant en second, Ayman al-Zawahiri. Zarqaoui a ignoré l’avertissement de son émir et a réussi à provoquer une réaction sanglante des chiites contre les sunnites, créant ainsi une fracture sectaire en Irak en l’espace de quelques années seulement, ce que Saddam Hussein n’était pas parvenu à accomplir en 23 ans de règne.
Quelques années plus tard, les chiites ont créé leur propre mouvement de résistance contre les forces d’occupation soutenu et financé par l’Iran. Ils ont mené de nombreuses attaques contre les forces occupantes (la plus frappante étant l’attaque en plein jour d’Asaïb Ahl Al-Haq à Karbala, qui a tué un marine US et pris en otages quatre soldats et officiers de la municipalité où ils étaient basés, qui ont été tués par la suite), mais ce mouvement s’est estompé après le retrait des forces américaines et britanniques du pays en 2011.
Avec la montée de Daech et son occupation de Mossoul et du tiers de l’Irak en 2014, la résistance chiite a soutenu les Forces de mobilisation populaire (Hachd al-Chaabi), en réponse à l’appel lancé par le grand ayatollah Sayyed Ali Sistani. De concert avec l’armée irakienne réorganisée et la police fédérale, ils ont tous réussi à défaire Daech, mais sans avoir mis fin à son insurrection sous forme de guérilla qui avait cours avant 2014.
Bon nombre de ces combattants ont rejoint les forces régulières officielles, mais bien d’autres ont regagné leurs partis politiques et gardé leur indépendance. Ces combattants ont aujourd’hui une nouvelle raison de prendre les armes et de livrer une nouvelle guerre contre les forces américaines ou ceux qui les représentent.
En effet, Asaïb Ahl al-Haq, l’Organisation BADR, Kataeb Hizballah Irak, Harakat al-Jihad wal Bina’, Kataeb sayyed al-Shuhada’, Harakat al-Nujabaa, Jund al-Imam et d’autres groupes ont averti les USA et le R.U. « de cesser de s’immiscer dans les affaires locales ».
« Une autre sale conspiration se révèle, qui montre les USA, le R.U. et des politiciens irakiens chercher ouvertement à mettre en place un gouvernement faible. Cette conspiration est dirigée par Brett McGurk (l’envoyé des USA en Irak) et Thamer al-Sabhan (l’ancien ambassadeur saoudien en Irak, aujourd’hui ministre). Nous avons le pouvoir d’intervenir au moment propice pour déjouer cette conspiration, car nous sommes aujourd’hui plus forts que jamais. Notre but est de protéger les intérêts de notre peuple et de maintenir le processus électoral démocratique à l’abri de toute ingérence », peut-on lire dans leur communiqué.
Ces groupes exigent que « le parti Da’wa mette fin au comportement irresponsable de certains de ses leaders (Haidar Abadi) » et que Sayyed Moqtada al-Sadr « s’oppose à cette conspiration repoussante et à la présence illégale de forces étrangères (US) en Irak ».
Soixante-dix pour cent des réserves pétrolières se trouvent dans la ville de Bassora, qui est dirigée par des tribus locales et des militants qui avaient déjà demandé à plusieurs reprises au gouvernement de soutenir la province et de s’attaquer aux causes profondes de la crise actuelle. Abadi s’est rendu à Bassora en juillet dernier et a fait plusieurs promesses de dégager suffisamment de fonds pour répondre aux demandes locales, mais sans résultats apparents.
L’Iran a cessé de fournir de l’électricité à Bassora après avoir réclamé le paiement de factures impayées s’élevant 1,5 milliard de dollars. Mais cet approvisionnement en électricité de Bassora et des autres provinces du sud a repris après que Sayyed Ali Khamenei en eut donné l’ordre.
L’influence iranienne en Irak, y compris à Bassora, ne doit pas être ignorée. Plus de 150 députés ont voté contre le candidat des USA Haidar Abadi, qui bénéficie du soutien d’aucune province en Irak et dont la coalition s’est amenuisée (aujourd’hui 14 députés sur les 42 qu’elle comptait avant que Faleh al-Fayyad ne quitte sa coalition) à un point tel qu’elle compte moins de députés que le groupe de Sayyed Ammar al-Hakim (19 députés).
Si les USA croient encore qu’ils peuvent imposer leur candidat, ils doivent tenir compte des premiers signaux de la résistance, qui est prête à frapper non seulement les forces américaines, mais aussi leurs alliés irakiens. La question qui se pose maintenant est la suivante : Les USA sont-ils prêts à répondre à un nouveau soulèvement contre leurs forces en Irak?
Par Elijah J. Magnier (à Bagdad): @ejmalrai
Traduction : Daniel G.