Ceux qui avaient parié sur le repli de l’Algérie sur elle-même suite à une année de hirak, une crise économique générée par la chute des prix des hydrocarbures et la pandémie du covid-19, auront été pour leurs frais. Contrairement aux cassandres médiatiques, issus majoritairement du microcosme néocons, qui n’avaient cessé de surfer sur ces questions dans l’espoir de déstabiliser un pays qui tient à sa souveraineté et à son rôle d’état pivot notamment dans le Maghreb, la Méditerranée, l’Afrique sub-saharienne et dans le reste du monde, l’Algérie est non seulement debout, mais s’en sort plutôt mieux que la plupart des pays avancés, que ce soit dans la lutte contre la pandémie, la diversification de son économie et l’application de la feuille de route concernant la réforme de ses institutions et la révision de sa constitution. Mais aussi et surtout par son rôle grandissant dans le concert des nations.
Philippe Tourel
A peine investi à la tête de la magistrature suprême, le président Abdelmadjid Tebboune s’est attaqué à la mise en œuvre des réformes structurelles qu’il avait inscrites dans son programme de campagne : réforme de l’État, de l’économie et, surtout, la révision de la constitution, prélude à l’avènement de la nouvelle république. La machine à réformer est en marche. Il ne se passe pas un jour sans qu’il n’aille à la rencontre des représentants de la société et de l’administration, suivant scrupuleusement l’application des directives présidentielles et ministérielles : gestion de la pandémie, satisfaction des doléances de la population, inciter les forces vives de la nation à renouer avec une économie nationale diversifiée, la seule à même de relancer un nouvel appareil productif de richesses à partager, tourné vers la satisfaction des besoins marché intérieur en réduisant drastiquement l’importation de produits que l’Algérie peut -et doit- produire elle-même. C’est le cas du blé dont la facture pesait lourdement dans le déficit de la balance commerciale. Faut-il rappeler que l’Algérie faisait partie du top 5 des importateurs mondiaux de blé. Rien qu’en 2019, le pays a ainsi dépensé la bagatelle de 2,7 milliards $ pour ses achats. Une anomalie qu’Abdelmadjid Tebboune s’est engagé à éradiquer avec des résultats prometteurs. Selon l’agence Ecofin, la tendance baissière des importations céréalières se poursuit et s’accélère. « Sur les deux premiers mois de 2020, la valeur des achats de blé, semoule et farine a atteint environ 398 millions $, soit 8,5 % de moins qu’un an plus tôt (435,8 millions $).
Une Algérie forte, souveraine et respectée sur la scène internationale
Malgré les défis colossaux auxquels l’Algérie fait face, et que le nouveau locataire d’El-Mouradia a hérité, le pays, toujours debout, voit son horizon s’éclaircir grâce à un volontarisme sans faille. Novembriste, comme il s’est définit lui-même à plusieurs reprises, le président Tebboune veut renouer avec les deux premières décennies de l’indépendance, ces années héroïques qui ont construit l’état algérien fort, souverain, craint et respecté par le monde entier.
Cet engagement pour une nouvelle république solidaire et prospère, qui s’inspire des fondamentaux du 1er Novembre et qui se traduit par une mise en application des revendications politiques, sociales, économiques du « Hirak béni » (selon la propre expression du président-lui-même), a mis en échec les tentatives déstabilisatrices de certaines officines étrangères qui manipulaient les courants les plus nihilistes au sein du Hirak. Les chancelleries occidentales, qui gardaient au départ un attentisme réservé sur la suite des événements, ont vite changé de posture, s’empressant à faire un come-back clair et net en Algérie en qui elles voient désormais un interlocuteur incontournable dans la région. Signe tangible de ce retournement de situation : on ne compte plus le nombre de médias internationaux qui font la queue pour arracher une interview avec le président algérien. A commencer par les médias français qui faisaient partie des plus virulents critiques de ce qu’ils appelaient le « système algérien », notamment Le Figaro, l’Opinion, France24 etc…
Retour à l’esprit de Bandung
Dès son élection Abdelmadjid a clairement défini les grandes lignes de sa politique étrangère, une politique née dans la guerre de libération nationale, quand une délégation du FLN avait participé à la Conférence de Bandung en 1955. Non-ingérence, respect du droit international, construction d’un nouvel ordre politique et économique mondial, droit des peuples à l’autodétermination, soutien aux peuples colonisés…
La Conférence de Berlin sur la Libye en janvier dernier a donné une tribune mondiale à l’Algérie à travers laquelle le nouveau président a fait entendre la voix de son pays. Il y a réaffirmé ce qu’il avait toujours répété, à savoir qu’il revient aux seuls Libyens -tous les Libyens sans exclusive- de prendre leur destin en mains, avec l’aide des pays voisins. Il a martelé que le recours aux armes ne règlera rien. L’évolution de la situation sur le terrain lui a donné raison. Les Libyens, qui voient en Algérie une vraie amie et partenaire pour la paix, ont reçu le message cinq sur cinq. Ils n’ignorent pas que, contrairement aux faux-amis qui avaient brisé leur pays en 2011 sous prétexte de les sauver de pseudo massacres imaginaires, l’Algérie a – et avait toujours – condamné cette agression atlantiste soutenu hélas par certains pays arabes. Le Maroc, qui abrite des pourparlers de paix sur son territoire, faisait partie de ceux qui avaient soutenu la guerre contre eux. Idem pour certaines monarchies du Golfe, la Ligue dite arabe, la France, le Royaume-Uni et l’Otan conduit par les États-Unis. L’Allemagne, qui a pris l’initiative de la conférence de Berlin faisait, elle, partie des rares pays occidentaux qui n’avaient pas soutenu cette guerre d’agression. La suite des évènements a donné raison à la diplomatie algérienne. C’est sans doute l’une des principales raisons qui fait de ce pays un interlocuteur fiable, visionnaire dont la médiation et l’assistance sont sollicitées par tous les Libyens.
Signe de cette sollicitude : le Chef du gouvernement de l’Union nationale, Fayez Al-Sarraje, avait appelé en premier le président Tebboune pour l’informer de sa décision de démissionner de son poste afin d’ouvrir la voie à une solution négociée de la crise. C’est une source proche de la Présidence algérienne qui a révélé en première cette information exclusive (CF. Afrique-Asie).
Autre signe qui montre la confiance retrouvée entre les deux pays frères. Le chef du gouvernement de Tripoli, qui souhaiterait sans doute se libérer de la pesante alliance avec la Turquie, directement appelé le président Tebboune pour solliciter l’aide de l’Algérie dans la réparation de la principale centrale électrique en Libye en panne. Sans tarder, il a ordonné l’envoi des équipes d’ingénieurs et de techniciens de Sonelgaz à Tripoli pour remettre en marche cette centrale. Entre les Émirats arabes unis et la Turquie, qui n’envoient que des armes et des mercenaires, en violation du droit international pour jeter de l’huile sur le feu du brasier libyen, l’Algérie y envoie ses ingénieurs civils pour ramener l’électricité et soulager les souffrances de la population libyenne, otage des milices. Toute la différence est là.
Les contacts avec Tripoli ne sont pas exclusifs. Le président Tebboune maintient des contacts similaires non seulement avec les autres parties libyennes, mais aussi avec des acteurs régionaux et internationaux importants comme l’Égypte, la Turquie, l’Union africaine, les Émirats arabes unis, la Russie, l’Union européenne et les États-Unis.
Parallèlement, la diplomatie algérienne s’active sur le front malien, indissociable du front libyen. Le président Tebboune a dépêché son ministre des Affaires étrangères à Bamako à deux reprises en quelques semaines pour proposer l’activation du plan algérien de paix et de réconciliation, à la demande de toutes les parties maliennes, y compris la nouvelle junte militaire. Même la France, embourbée dans les sables mouvants du Sahel est désormais demandeuse de l’assistance d’Alger.
Algérie-USA : partenaires dans la lutte anti-terroriste
Le retour de l’Algérie sur la scène internationale a été également confirmée par la récente visite du secrétaire à la Défense américain, Mark Esper, la première d’un aussi haut responsable américain depuis 2006 (Visite de Donald Rumsfeild). Elle s’est inscrite dans le cadre d’un périple maghrébin qui l’a conduit à Tunis et à Rabat. Contrairement à ses deux déplacements en Tunisie et au Maroc où l’actuel chef du Pentagone ne s’était pas embarrassé pour exiger de ses hôtes la soumission aux intérêts sécuritaires et commerciaux américains, les mettant même en garde contre « l’influence croissante de la Russie et de la Chine (…) ces rivaux stratégiques des États-Unis » qui « continuent d’intimider les voisins et amis de l’Amérique pour étendre leur influence tyrannique dans le monde, y compris sur le continent africain », ses conversations avec le président algérien étaient teintées de respect et d’admiration. Il ne pouvait pas ignorer le lourd tribut payé par l’Algérie dans sa guerre contre le terrorisme. Il ne pouvait ne pas savoir également que la Russie et la Chine sont des « alliées naturelles » de l’Algérie. Il ne pouvait pas enfin ignorer que malgré les divergences idéologiques et politiques entre les deux pays, l’Algérie, grâce à sa diplomatie, a joué un rôle capital dans la libération des 52 otages américains à Téhéran le 19 janvier 1981 et détenus depuis le 4 novembre 1979. Le président Tebboune n’a pas manqué de rappeler ces faits devant son hôte.
L’APN, facteur de stabilité, est l’une parmi les plus puissantes armées d’Afrique et du monde arabe
Le visiteur américain a loué les efforts algériens dans la lutte contre le terrorisme et demandé même l’aide d’Alger dans le règlement des crises libyenne et sahélienne. Armée parmi les plus puissantes d’Afrique et du monde arabe, l’ANP est considérée par Washington comme un élément essentiel dans la lutte antiterroriste, dans la stabilité de la région et la paix en Méditerranée.
A la sortie de son audience par le président Tebboune, Esper a déclaré : «Nous avons évoqué les voies et moyens de renforcer la coopération bilatérale, notamment dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et la coopération entre les armées des deux pays (…) D’autres thèmes ont été également abordés comme le respect de la souveraineté des États et les libertés, ainsi que les questions d’intérêt commun».
« J’ai également eu l’honneur, ajoute Esper, d’aller au sanctuaire des martyrs pour déposer une gerbe de fleur à la mémoire des martyrs de la Révolution pour l’indépendance de l’Algérie, acquise au prix du sacrifice de 1,5 million de martyrs ».
La longue rencontre avec le chef de l’État Abdelmadjid Tebboune au cours de laquelle il lui a expliqué les fondamentaux et les constantes de la politique étrangère algérienne a séduit et conquis l’hôte américain qui a reconnu le rôle majeur que joue l’Algérie sur la scène internationale.
Diplomate américain à Alger : « Depuis la catastrophe de l’intervention en Libye [en 2011] nous écoutons davantage nos amis algériens qui militent pour des solutions politiques et inclusives »
En tant qu’homme politique qui avait servi dans la première guerre d’Irak (1991), et qui connaît les limites du recours à la force pour régler des questions éminemment politiques, Mark Esper a bien compris l’approche algérienne telle que lui avait expliquée le président. Il avait été sans doute briefé par les diplomates américains en poste à Alger. « Depuis la catastrophe de l’intervention en Libye [en 2011] nous écoutons davantage nos amis algériens qui militent pour des solutions politiques et inclusives », confiait un diplomate US en poste à Alger il y a quelques années. « Nous comprenons aisément pourquoi Alger refuse les projections temporaires comme le G5 Sahel et pourquoi seule une attitude du type »playing the long game », adoptée par Alger, reste la plus pertinente dans des conflits d’une telle complexité », poursuivait le diplomate. L’ex-GI de la première guerre du Golfe Mark Esper a été probablement attentif aux arguments d’Alger. »
New York Times : un média néoconservateur qui couvre l’Algérie depuis Paris !
Cette visite historique qui intervient dans une période charnière de l’histoire des États-Unis, soit près d’un mois avant l’élection présidentielle capitale prévue le 3 novembre, n’est pas du goût de certains médias américains adeptes du regime change, un concept cher aux mal nommés printemps arabes et révolutions de couleur. C’est le cas du New York Times, un média qui s’est très souvent trompé dans ses analyses, particulièrement lorsqu’il s’agit du monde arabe qu’il voit à travers ses lunettes sionistes. Plutôt que de s’acquitter de son devoir d’informer, il se perd dans les méandres du politiquement correct et du conformisme idéologique au service de l’état profond américain. Il s’est trompé sur l’Irak, l’Iran, la Syrie, la Palestine, le Venezuela, la Russie et maintenant sur l’Algérie. Pour ce journal newyorkais, un an après le début du Hirak, rien n’a changé ! Dans un reportage réducteur remplis de clichés écrit par son correspondant à Paris Adam Nossiter, qui puise ses informations des médias parisiens foncièrement anti-algériens et de certains opposants exilés en rupture avec la réalité algérienne, le NYT regrette l’évanouissement du Hirak qui n’a pas porté au pouvoir en Algérie les hommes et les femmes propulsés par les ONG spécialisées dans l’exportation de la démocratie, synonyme, dans leur esprit, de l’effondrement des états et du chaos dit créateur. Or le peuple algérien, qui a commencé à déserter les rues bien avant le début de la pandémie, n’a pas suivi leurs conseils, instruits qu’il est par le précédent irakien, libyen, syrien, yéménite et bien d’autres sous d’autres cieux. Adam Nossiter ferait mieux de s’occuper de la démocratie américaine aujourd’hui en crise, où de la France en ébullition plutôt que de disserter sur l’Algérie, un pays qu’il ne connaît pas, à partir de Paris.
Philippe Tourel