Une charge équivalente à près de 100 kilos de TNT devant l’une des deux mosquées visées par des voitures piégées : 42 morts et des centaines de blessés. C’est l’attentat le plus meurtrier depuis la fin de la guerre civile libanaise en 1989.
Deux attentats à la voiture piégée ont été perpétrés, vendredi à Tripoli, dans le nord du Liban, a affirmé à l’AFP un responsable des services de sécurité.
En soirée, des sources de sécurité avançaient un nouveau bilan de 42 morts. Il s’agit là de l’attentat le plus meurtrier perpétré au Liban depuis la fin de la guerre civile en 1990. Le précédent bilan avancé par la Croix-rouge libanaise était d’au moins 29 tués et 500 blessés, soit l’attaque. Beaucoup de blessés se trouvent « dans un état grave en raison de brûlures et de blessures à la tête », a indiqué Georges Kettané, directeur des opérations à la Croix Rouge libanaise.
Le double attentat a eu lieu peu avant 14h. La première explosion a eu lieu devant la mosquée al-Taqwa, dont le cheikh est Salem Rafei, alors que les fidèles sortaient de la prière du vendredi. A l’instar de cheikh Assir, cheikh Rafei avait appelé, en juin dernier, ses partisans au jihad en Syrie contre les forces de Bachar el-Assad.
Selon un cheikh de Tripoli interrogé par la LBC, cheikh Salem Rafei est sain et sauf et se trouve « dans un endroit sûr ».
La mosquée se trouve dans le centre de Tripoli, près de la maison du Premier ministre sortant, Najib Mikati, qui n’était pas dans la ville, selon les services de M. Mikati.
La deuxième explosion a eu lieu devant la mosquée al-Salam, qui se trouve non loin du port de cette grande ville à majorité sunnite.
Selon le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Marwan Charbel, la charge explosive devant la mosquée al-Salam était d’une puissance équivalente à près de 100 kilos de TNT. Le ministre n’était par contre pas en mesure de préciser la puissance de la charge déposée dans la voiture devant la mosquée al-Taqwa.
Mises en garde unanimes contre la fitna (guerre de religion)
Les responsables libanais ont unanimement condamné les deux attentats sanglants qui ont ensanglanté, vendredi, Tripoli, au Liban-Nord, mettant en garde contre la menace de discorde qui plane sur le pays. Avec un bilan d’au moins 42 morts et des centaines de blessés, l’attaque de vendredi est la plus meurtrière depuis la fin de la guerre civile au Liban en 1990.
Le chef de l’Etat Michel Sleiman, qui a interrompu ses vacances pour rentrer au Liban, a fermement dénoncé « un massacre qui s’inscrit dans le cadre d’une série d’explosions visant à semer la discorde au Liban » et appelé les Libanais « à la vigilance et à la solidarité afin de faire échouer le plan des ennemis de la paix et de la stabilité au Liban ».
Au Liban, les tensions confessionnelles au Liban, déjà fortes, sont exacerbées en raison du conflit syrien qui divise profondément le pays entre pro-Assad, représentés notamment par le Hezbollah, dont les hommes prêtent main-forte aux troupes du régime baathiste, et anti-Assad, représentés notamment par des éléments sunnites qui soutiennent la rébellion syrienne.
Pour le président du Parlement, Nabih Berry, la même main est derrière les attentats de Tripoli, ville majoritairement sunnite, et l’attentat de Roueiss. « Les attentats criminels de Tripoli sont l’œuvre de cette même main meurtrière qui a laissé ses empreintes noires sur les corps des victimes de la banlieue-sud », a déclaré M. Berry. Une voiture piégée a fait 27 morts, le 15 août dernier, à Roueiss, dans la banlieue-sud de Beyrouth, fief du Hezbollah chiite.
Le Hezbollah a d’ailleurs condamné les attentats qui visent à « semer le chaos et la destruction au Liban », exprimant toute sa solidarité avec les habitants de la ville.
Allant dans le même sens, le mufti de la République, Mohmmad Rachid Kabbani, a déclaré que « l’explosion de la banlieue-sud (en allusion à l’attentat de Roueiss, ndlr) n’est pas l’oeuvre des sunnites, celle de Tripoli n’est pas non plus l’oeuvre des chiites ». Il a également appelé les Libanais à l’unité et à la solidarité.
Originaire de Tripoli, le Premier ministre démissionnaire Nagib Mikati, a aussi interrompu ses vacances à l’étranger pour retourner au Liban. « Tripoli et ses résidents montreront une nouvelle fois qu’ils sont plus forts que les complots et qu’ils ne seront pas entraînés dans la discorde », a déclaré M. Mikati. « Nous les appelons à la retenue et nous leur assurons que nous resterons à leur côté à tout moment, spécialement durant cette période critique », a-t-il ajouté.
Le Premier ministre désigné, Tammam Salam, rentré lui aussi précipitamment de Grèce, a également estimé que les attentats meurtriers de Tripoli étaient « inscrits dans un plan diabolique visant à semer la sédition ». Dénonçant la « main de la discorde a frappé Tripoli », l’ancien Premier ministre Saad Hariri a appelé tous les responsables à faire face aux crimes qui visent le Liban.
« Tripoli n’est pas seule visée mais tout le Liban est visé. Ces actes lâches visent à semer la discorde. Nous appelons les citoyens au calme », a déclaré, de son côté, le ministre démissionnaire des Finances, Mohammad Safadi, lui aussi originaire de la capitale du Liban-Nord.
Autre Tripolitain, le ministre démissionnaire de la Jeunesse et des Sports, Fayçal Karamé, a appelé les services de sécurité à lutter contre le terrorisme qui « désormais pullule dans tout le Liban ». « Un gouvernement devrait être formé au plus tôt. Il faut que les responsables sachent que si nous continuons sur cette voie, il n’y aura plus de Liban », a-t-il ajouté.
Même son du cloche du côté du ministre de la Défense, Fayez Ghosn, qui a mis en garde contre davantage d’attentats à la voiture piégée. « Nous mettons en garde contre les attentats à la voiture piégée qui peuvent frapper à n’importe quel endroit », a déclaré M. Ghosn à la chaîne LBC. « Nous mettons en garde tous les Libanais. Nous avons des informations selon lesquelles de nouveaux attentats de ce type vont être perpétrés. Nous nous dirigeons vers plus d’actes terroristes », a-t-il ajouté.
Le chef du Courant patriotique libre (CPL), Michel Aoun, a appelé les Libanais à être responsables et à éviter les « réactions irréfléchies pour ne pas tomber dans une situation plus grave ». Il a aussi estimé que les mesures de sécurité adoptées par les services de sécurité n’étaient pas suffisantes.
Appels à la retenue
Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a, lui aussi, appelé les habitants de Tripoli à la retenue, et à éviter tout recours à la violence et aux armes.
Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, a estimé qu’Israël était « le seul bénéficiaire des divisions interlibanaises et arabes ». « Ce qui s’est passé à Tripoli est un acte criminel affreux », a déclaré M. Joumblatt, appelant à la formation d’un gouvernement d’entente nationale qui « protègerait le Liban et empêcherait de tels attentats ».
Mais pour les responsables tripolitains, « le responsable des attentats de la banlieue-sud et de Tripoli et celui qui tue le peuple syrien est le même », en allusion au régime de Bachar el-Assad. Lisant un communiqué à l’issue d’une réunion de ces responsables de la ville, le député Mohammad Kabbara a appelé les Tripolitains à la retenue et à la coopération avec les services de sécurité.
Les autorités syriennes ont pour leur part dénoncé un « lâche acte terroriste contre nos frères de Tripoli ».
Sur le plan international, la France a pour sa part estimé que « le Liban ne doit pas se laisser entraîner dans une spirale de violence héritée de la crise syrienne ». La chef de la diplomatie de l’Union européenne (UE), Catherine Ashton, s’est, elle, déclarée « horrifiée » et souhaité « une enquête rapide ».
Dans une déclaration unanime, le Conseil de sécurité de l’ONU a « condamné fermement les attentats terroristes », et souligné « l’importance pour toutes les parties libanaises (…) de s’abstenir de toute implication dans la crise syrienne ». Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon avait auparavant « appelé tous les Libanais à faire preuve de retenue, à rester unis et à aider les institutions de l’Etat, en particulier les forces de sécurité, à maintenir l’ordre et le calme à Tripoli et dans l’ensemble du pays ».