Candidat malheureux à la Maison blanche en 2004, ce démocrate résolument anti-guerre (Vitnam, Irak…), comme Obama, qui a été l’un des rares hauts responsables américains à rencontrer le président syrien Bachar al-Assad (février 2009), pourrait favoriser une sortie de crise pacifique en Syrie et en Iran.
A en croire les informations véhiculées par les grands médias américains, Barack Obama a fini par choisir « une colombe », le sénateur John Kerry, pour prendre la succession de Hillary Clinton au poste de secrétaire d’Etat.
C’est du moins ce qu’ont annoncé depuis samedi 15 décembre les chaînes de télévision CNN et ABC.
CNN cite un «démocrate ayant parlé à M. Kerry» à l’appui de son information, tandis qu’ABC évoque des «sources» non identifiées. Sollicitée par l’AFP, la Maison Blanche n’a pas confirmé.
L’actuel sénateur du Massachusetts, candidat malheureux à la présidence américaine en 2004 contre George W. Bush, John Kerry, héros décoré du Vietnam avant de devenir militant anti-guerre, vient d’avoir 69 ans.
Chef depuis quatre ans de la puissante commission des Affaires étrangères du Sénat où il a succédé à l’actuel vice-président Joe Biden, il est considéré comme le favori pour prendre la tête de la diplomatie de la première puissance mondiale depuis l’annonce cette semaine par l’ambassadrice à l’ONU Susan Rice qu’elle renonçait à briguer ce poste.
Susan Rice, pas assez consensuelle
Proche de Barack Obama, Susan Rice avait été visée par des critiques acerbes d’élus républicains pour ses prises de position après l’attentat de Benghazi (Libye) qui avait coûté la vie le 11 septembre dernier à quatre Américains, dont l’ambassadeur Christopher Stevens. Elle avait affirmé le 16 septembre sur des télévisions que cette attaque n’était «pas forcément un attentat terroriste», mais résultait plutôt d’une «manifestation spontanée ayant dégénéré». Depuis, l’administration a reconnu que l’attaque avait été planifiée.
Les élus soupçonnaient Susan Rice et la Maison Blanche d’avoir délibérément cherché à tromper les Américains sur le caractère terroriste de cette attaque, pour ne pas ternir le bilan du président américain quelques semaines avant l’élection présidentielle. D’influents parlementaires, à l’instar des sénateurs John McCain et Lindsey Graham ont pu bloquer la nomination de Susan Rice.
Les nominations aux postes gouvernementaux américains sont en effet soumises à la confirmation du Sénat, chambre où les alliés démocrates de Barack Obama disposent d’une majorité simple, mais pas de la majorité qualifiée nécessaire pour bloquer une obstruction éventuelle de l’opposition.
A ce titre, John Kerry, avec sa longue expérience au Capitole, est considéré comme un candidat bien plus consensuel que Susan Rice à la succession de Hillary Clinton. Cette dernière, après quatre années passées à diriger la diplomatie américaine à un rythme effréné, a dit vouloir prendre du champ, même si son nom est sur toutes les lèvres à Washington pour une éventuelle candidature à la présidentielle de 2016.
Bien que personnalité « consensuelle » et « modérée », qui n’a plus, à son âge, de nourrir une ambition présidentielle, John Kerry n’en reste pas moins une forte personnalité combative qui sait imposer ses choix. Il l’avait montré au début de sa carrière.
Son premier acte de courage fut en pleine guerre du Viet-Nam. Le 22 avril 1971, Kerry est le premier vétéran du Viêt Nam à témoigner auprès d’un comité sénatorial spécial sur des propositions visant à mettre un terme à la guerre en Asie du sud-est. En treillis et arborant ses médailles, il parle pendant près de deux heures avec le Comité sénatorial pour les affaires extérieures (Senate Foreign Relations Committee). Dans son discours, retenu sous le nom de Fulbright Hearing (d’après le légendaire sénateur J.W. Fulbright, directeur des débats), il exprime son opinion sur le fait que la guerre au Viêt Nam est essentiellement civile, et qu’elle ne représente aucune menace pour les États-Unis. John Kerry est persuadé que la guerre continue pour des raisons politiques : « Des hommes doivent mourir afin que le Président Nixon ne soit pas, et ce sont ses propres mots, le premier président à perdre une guerre ». Il conclut par cette phrase : « Comment pouvez-vous demander à un homme d’être le dernier à mourir pour une erreur ? »
Le lendemain de ce témoignage, Kerry participe à une manifestation avec près de 800 vétérans, au cours de laquelle ils lancent leurs médailles sur les marches du Capitole pour marquer leur opposition à la guerre. Kerry déclare, en explication de son geste : « Je ne fais pas cela pour des raisons de violence, mais pour la paix et la justice et pour tenter de réveiller ce pays une fois pour toutes ».
En 2004, face à G.W. Bush, il critique avec virulence la guerre contre l’Irak.
Dans une allocution retentissante faite le 20 septembre à l’Université de New York, Kerry a affirmé que « le président a mal mené, mal calculé et mal dirigé chaque étape de la guerre en Irak, rendant plus minces que jamais les chances de parvenir à un Irak stable, aux frontières sûres, doté d’un gouvernement représentatif ».
Pour lui, « les mauvais calculs de George Bush ne sont pas de petites erreurs. Elles traduisent un colossal manque de jugement… Et un bon jugement, c’est bien ce que chacun attend d’un président. » Et Kerry de stigmatiser les erreurs de Bush en Irak. « Certes, Saddam Hussein était un dictateur sanguinaire qui mérite largement la place spéciale qui lui est réservée en enfer, mais ce n’était pas – je dis bien : ce n’était pas – le motif de cette guerre. La satisfaction ressentie à sa chute ne doit pas cacher l’essentiel : nous avons échangé un dictateur contre le chaos, ce qui rend aujourd’hui les Etats-Unis moins sûrs. »
John Kerry publie le 18 juin 2009, dans le NYT, en tant que président du Comité des Affaires étrangères du Sénat, dans laquelle il encourage vivement le gouvernement Obama à nuancer sa réponse aux protestations qui ont actuellement cours contre les résultats des élections iraniennes.
Il demande à ce que le gouvernement ne se laisse pas influencer par les exigences neo-conservatrices qui veulent que le Président Obama « dénonce le vote comme une fraude et nous embringue directement dans l’agitation en Iran », faisant allusion aux propos du sénateur John McCain en particulier.
Dans cette tribune, Kerry estime qu’« il est clair que les dures paroles que le sénateur John McCain a prononcées ne nous ont menés nulle part ces huit dernières années. Nos rodomontades n’ont fait que renforcer les partisans de la ligne dure et mettre les réformateurs sur la défensive. Un Président iranien qui prônait le « dialogue entre les civilisations » et des réformes de société a été remplacé par un autre qui nie l’Holocauste et appelle régulièrement à la destruction d’Israël.
Idem pour la Syrie. Alors que tous les ponts étaient rompus avec Damas depuis 2005, l’influent sénateur américain a choisi d’y mettre fin en se rendant à Damas fin février 2009 pour rencontrer le président syrien à Damas. Les deux hommes n’ont fait aucune déclaration à la sortie de leur entretien, mais Kerry avait indiqué que cette entrevue «serait un test pour voir si le moment est venu pour un changement» dans les relations entre les Etats-Unis et la Syrie. Il s’était montré confiant sur « l’engagement de la Syrie dans le processus de paix », tout en exprimant son i »nquiétude face au trafic d’armes destiné au Hezbollah, via la Syrie. »
En pleine crise syrienne, alors que les ultras à Washington appelaient au départ du président syrien, John Kerry a réclamé un renforcement des pressions internationales sur le régime du président syrien Bachar al-Assad. « Il est essentiel que nous continuions de soutenir les efforts des Syriens et que nous demandions au gouvernement de mettre fin immédiatement aux violences les visant », estime John Kerry dans un communiqué. Des propos bien mesurés par rapport aux déclarations incendiaires de Susan Rice et de Hillary Clinton.
L’arrivée de Kerry à la tête de la diplomatie américaine va certainement réconforter la Russie. Le journal russe Kommersant indique que la fédération souhaiterait voir John Kerry à la tête du département d’État, plutôt que Susan Rice, jugée “opportuniste“ et trop “ambitieuse“. Mais elle va aussi sans doute ré-engager les Etats-Unis dans le processus de paix entre Palestiniens et Israéliens. Simples vœux pieux ? Wait and see.
Avec les agences
16 décembre 2012