Les rebelles syriens font la loi au Liban et s’attaquent à l’armée libanaise provoquant une crise majeure au pays du Cèdre.
La doctrine officielle du gouvernement libanais en ce qui concerne la crise syrienne est la neutralité absolue. « Se tenir loin du conflit ». Force cependant est de constater que cette doctrine a été systématiquement mise en échec par une partie de l’opposition libanaise conduite par l’ancien Premier ministre Saad Hariri qui vit actuellement en France. Cette opposition soutenue financièrement, militairement et politiquement par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie ne cache plus son implication directe dans le conflit syrien en y acheminant, via les frontières Est et Nord, armes et combattants. De quoi enrager le régime syrien et la grande majorité des Libanais qui ne veulent pas être entraînés dans ce conflit. Et pour cause : l’armée syrienne avait mis en demeure le gouvernement libanais de fermer ses frontières au trafic d’armes et de djihadsites sinon elle serait amenée à faire le ménage elle-même. C’est ce qu’elle fait de temps à autre. Il faut reconnaître que les divisions entre les différentes composantes du pouvoir libanais et des services de sécurité ne facilitent guère la mission de l’armée libanaise, généralement assez soucieuse d’empêcher la transformation du Liban en base arrière de la rébellion syrienne, particulièrement ses composantes les plus ultras (Jabhat al-Nosra).
La localité d’Ersal, qui se trouve à la frontière avec la Syrie, est peuplée majoritairement de Libanais de confession sunnite. Elle est contrôlée par le mouvement anti-syrien et pro-saoudien du 14-Mars. Elle sert traditionnellement de passage obligé de tous les trafiquants en temps de paix. Depuis le début de l’insurrection syrienne, elle est devenue une base arrière des rebelles, une sorte de plaque tournante des trafics d’armes et de combattants vers la région de Damas. Dans le passé, l’aviation syrienne a dû intervenir à plusieurs reprises contre certaines positions tenues par les rebelles dans cette localité. En vain. La présence de l’armée libanaise n’a pas non plus dissuadé les habitants de cette localité de mettre fin à ce trafic.
Le vendredi 1er février, un incident gravissime a opposé l’armée libanaise à ces trafiquants.
Deux soldats, un capitaine et un sergent, ont été tués et plusieurs autres ont été blessées, dont certains grièvement, au cours d’une embuscade menée par des groupes armés contre une patrouille de l’armée. Envoyée en mission pour arrêter un suspect recherché, Khaled Hmayed, le responsable de l’enlèvement des sept Estoniens l’été dernier à Zahlé (Békaa du centre), une patrouille de l’unité des services de renseignements de l’armée est en effet tombée dans une embuscade qui lui a été tendue par un grand nombre de rebelles appartenant à l’armée syrienne libre (ASL) et à Jabhat al-Nousra. Une force de l’armée a alors essuyé des tirs nourris dans le village d’Ersal de la part de miliciens armés. Deux soldats ont été tués (un chrétien et un sunnite) et d’autres ont été blessés. Le recherché Khaled a également trouvé la mort dans cette embuscade.
Dans un communiqué, le commandement de l’armée libanaise a confirmé qu’«une patrouille de l’armée est tombée dans une embuscade qui lui a été tendue par des éléments armés» alors qu’elle «poursuivait une personne recherchée par la justice, accusée de plusieurs actes terroristes».
«Le capitaine Pierre Machaalani, 29 ans, et le sergent Ibrahim Zahraman, 30 ans, sont tombés en martyrs lors des accrochages», précise le communiqué, faisant état de plusieurs autres blessés, dont certains sont dans un état critique.
Le texte, qui fait également état de blessés parmi les «groupes armés», précise que «les véhicules militaires de l’armée ont été fortement endommagés».
«La troupe a réussi à maîtriser la situation après avoir reçu du renfort et aussitôt imposé un cordon sécuritaire autour du village », a-t-il ajouté, soulignant qu’«une importante force de l’armée a mené une campagne de perquisition à la recherche des assaillants».
L’armée a appelé les habitants à «coopérer au plus haut niveau» avec les mesures prises en vue d’arrêter les personnes recherchées qui ont ouvert le feu.
Elle a également mis en garde qu’elle «ne tolèrera point toute tentative facilitant la fuite des hommes armés», avertissant que «les personnes complices seront également poursuivies».
Selon une source de sécurité, les heurts ont impliqué des «extrémistes», car Khaled Hmayed «était un extrémiste et prenait part aux combats en Syrie». D’autres sources citées par la chaîne al-Jadeed ont fait état d’un lien qu’entretiendrait Khaled Hmayed, la cinquantaine, avec le mouvement extrémiste «Fateh el-Islam» ainsi qu’avec «les groupuscules d’Abdallah Azzam» et du «Front al-Nosra», groupes terroristes très actifs en Syrie.
Selon certaines sources locales, les miliciens ont placé les corps des soldats tués sur les capots des voitures et les ont exhibés dans les rues du village. « Des tirs de feu nourris ont été entendus en signe de joie pour cet exploit contre l’armée libanaise», ont-ils souligné.
Outre le fait que ces assassinats perpétrés par les rebelles syriens et leurs protecteurs libanais ont donné crédits aux protestations du régime syrien, ils ont également mis en évidence la fragilité du Liban face à ces bouleversements géopolitiques majeurs. Ils ont surtout ressoudé la classe politique libanaise, avec plus ou moins de sincérité, autour de l’armée.
« Toute main dirigée contre l’armée sera coupée. »
Ainsi, à l’issue d’une réunion tenue le 3 février avec le ministre de la Défense Fayez Ghosn et le commandant en chef de l’armée Jean Kahwagi, consacrée à ces affrontements meurtriers, le Premier ministre libanais Nagib Mikati a assuré que l’institution militaire bénéficie de tout le soutien et de la couverture politiques, appelant les habitants de Ersal à coopérer avec elle.
Prenant la parole au ministère de la Défense, le chef du gouvernement a en outre appelé à livrer le plus vite possible les accusés qui ont tiré sur les membres des services de renseignements de l’armée.
« Il faut permettre à l’armée de régler l’affaire avec sagesse, loin de toute provocation, a ajouté M. Mikati. Nous refusons qu’une partie libanaise se sente visée, mais cette crise ne doit pas s’amplifier. L’armée est la gardienne de la patrie ».
Ces propos relativement modérés tranchent avec ceux du commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, qui a salué les membres de l’institution militaire, pour leurs efforts, face aux tentatives de déstabilisation du pays pour plonger ce dernier dans le chaos régional, duquel l’armée s’acharne de prémunir le Liban.
« Dans cette triste journée, dit-il, nous affirmons à ceux qui comptent prendre pour cible l’armée, que notre comportement sage à l’égard des événements, ne relève guère de la faiblesse. Ceux qui pensent que notre lutte contre le terrorisme visant notre société et notre coexistence, pourrait prendre fin, commettent une grave erreur de jugement. Nos efforts se poursuivront et ne s’arrêteront pas en faveur des intérêts de n’importe quelle partie, quelle que soit son importance locale ou régionale », a martelé le général dans son message.
« Nous affirmons à nos deux confrères martyrs et aux blessés, que le baptême du sang face au complot se poursuivra. Nous ne nous tairons guère et n’admettrons aucun compromis autour du sang de nos deux martyrs, le colonel Pierre Bachaalani, et le sergent Ibrahim Zahraman. Nous refusons toute tentative, quel qu’en soit l’auteur, de minimiser l’ampleur du crime prémédité, commis à l’encontre de l’armée, de manière barbare, loin de nos croyances chrétiennes et musulmanes », a poursuivi le général.
Il a enfin affirmé, que l’armée est déterminée à poursuivre les criminels, quelles que soient leur identité et leur appartenance, et en dépit de la réaction de leurs défenseurs.
Selon le commandant en chef de l’armée, les criminels et leurs complices seront punis, quel qu’en soit le prix payé, pour préserver l’union et la stabilité du Liban.
De son côté, le patriarche maronite Mgr Bechara Raï a déclaré dans son homélie dominicale que « les deux martyrs de l’armée libanaise, Pierre Bachaalani et Ibrahim Zahraman, sont les victimes de ladite sécurité à l’amiable ». Le chef de l’Eglise maronite a ainsi tenu toutes les parties pour responsables de leur mort du fait de la couverture politique assurée à de telles attaques contre l’armée et les forces de sécurité et de l’atteinte au prestige de l’Etat. »
Mgr Raï a également appelé l’Etat à mettre un terme à de tels actes et à se débarrasser des armes illégitimes sur tout le territoire.
Condamnant vivement l’incident, le président Michel Sleiman a pour sa part appelé samedi 2 février l’armée à empêcher toute action qui pourrait porter atteinte à la sécurité du pays.
« Toute atteinte à la sécurité sera combattue fermement », a déclaré M. Sleiman, appelant le commandement de l’institution militaire à empêcher toute attaque « contre les officiers et les soldats ».
Du côté des familles des deux militaires décédés, les adieux sont émouvants.
Ainsi, c’est dans une atmosphère très émouvante que le corps du commandant Pierre Bachaalani est arrivé dimanche matin à son domicile à Ballouneh, au Kesrouan, en provenance de l’hôpital militaire de Beyrouth. Le cercueil du commandant a été tenu sur les épaules par ses proches qui l’ont escorté jusqu’à son domicile. Le militaire tué a été salué par une danse de cercueil sur fond de musique militaire et de feux d’artifice.
Le convoi funèbre s’est ensuite dirigé vers Mrayjate, le village natal de Pierre Bachaalani, où il été accueilli par un rassemblement populaire massif sur fond de tirs nourris avant les funérailles à l’église Saint-Georges. Plusieurs collègues du militaire étaient présents ainsi que le commandant en chef de l’armée qui s’est rendu sur place pour présenter ses condoléances.
« Le crime de Ersal a été planifié à l’avance. Nous refusons toute tentative d’atténuer sa portée », a par ailleurs mis en garde le général Kahwaji dans l’ordre du jour. Et de marteler : « Toute main dirigée contre l’armée sera coupée. »
La même atmosphère de tristesse mêlée de colère régnait samedi au Akkar lors des obsèques du soldat Ibrahim Zahraman, deuxième victime de la troupe.
« L’armée est une ligne rouge et lui porter atteinte c’est souiller l’honneur du pays », ont scandé ses proches, exigeant que ses tueurs soient arrêtés et punis.
En soirée, un calme précaire prévalait dans le village, les habitants ayant refusé catégoriquement de remettre à l’armée les personnes ayant pris part aux affrontements. Faisant bloc face à la troupe, qui a promis de faire preuve de fermeté en cas d’absence de coopération, les habitants continuaient d’affirmer qu’ils n’ont rien à voir avec ce qui s’est passé et que ce sont des « milices armées qui ont tué Khaled Hmayed », lequel « n’a rien à voir avec les accusations qui lui sont imputées et qu’il est une victime ».
En soirée, les habitant de Mrayjate ont coupé la route internationale de Dahr el-Baïdar pour protester contre la mort de Pierre Machaalani, l’une des victimes de l’armée lors de l’incident. Depuis le début du soulèvement en Syrie en mars 2011, des incidents parfois meurtriers ont éclaté à la frontière nord et est du Liban, où transitent de nombreux réfugiés fuyant les violences, mais aussi des combattants hostiles au régime de Bachar el-Assad.
Selon les services de sécurité libanais, des heurts ont régulièrement opposé l’armée syrienne à des groupes armés favorables à la rébellion anti-Assad. Des affrontements ont également eu lieu entre des groupes armés et l’armée libanaise, qui tente d’empêcher l’infiltration de combattants.
LIBAN « Toute main dirigée contre l’armée sera coupée », martèle le général Kahwaji ; adieux émouvants au commandant Pierre Bachaalani.
Après une réunion dimanche avec le ministre de la Défense Fayez Ghosn et le commandant en chef de l’armée Jean Kahwagi, consacrée aux affrontements entre la troupe et des éléments armés vendredi à Ersal (est du Liban), le Premier ministre libanais Nagib Mikati a assuré que l’institution militaire bénéficie de tout le soutien et de la couverture politiques, appelant les habitants de Ersal à coopérer avec elle.
Prenant la parole au ministère de la Défense, le chef du gouvernement a en outre appelé à livrer le plus vite possible les accusés qui ont tiré sur les membres des services de renseignements de l’armée.
« Il faut permettre à l’armée de régler l’affaire avec sagesse, loin de toute provocation, a ajouté M. Mikati. Nous refusons qu’une partie libanaise se sente visée, mais cette crise ne doit pas s’amplifier. L’armée est le gardien de la patrie ».
De son côté, le patriarche maronite Mgr Bechara Raï a déclaré dans son homélie dominicale que « les deux martyrs de l’armée libanaise, Pierre Bachaalani et Ibrahim Zahraman, sont les victimes de ladite +sécurité à l’amiable+ ». Le chef de l’Eglise maronite a ainsi tenu toutes les parties pour responsables de leur mort du fait de la couverture politique assurée à de telles attaques contre l’armée et les forces de sécurité et de l’atteinte au prestige de l’Etat. » Mgr Raï a également appelé l’Etat à mettre un terme à de tels actes et à se débarrasser des armes illégitimes sur tout le territoire.
Condamnant vivement l’incident, le président Michel Sleiman a pour sa part appelé samedi l’armée à empêcher toute action qui pourrait porter atteinte à la sécurité du pays. « Toute atteinte à la sécurité sera combattue fermement », a déclaré M. Sleiman, appelant le commandement de l’institution militaire à empêcher toute attaque « contre les officiers et les soldats ».
Les affrontements de vendredi ont aussi été condamnés par le leader des Forces libanaises (FL) Samir Geagea, le chef des Marada Sleimane Frangieh, le mufti de la République cheikh Mohammed Rachid Kabbani et le Hezbollah qui a estimé que l’attaque contre l’armée porte atteinte au prestige de l’Etat.
Si les appels à la prudence semblent dominer au niveau de la classe politique, les risques de débordements populaires ne sont pas à écarter. D’autant plus que les habitants d’Ersal sont encore réticents à livrer les suspects à l’armée. Ce qui a amené cette dernière à se déployer massivement aux entrées de la localité en vue d’investir les lieux et procéder à une série de perquisitions à la recherche de suspects.
Samedi, l’armée a arrêté plusieurs personnes qui étaient pour la plupart en possession d’armes, a rapporté l’Agence nationale d’information (ANI, officielle). Selon certains médias locaux, le fils du chef de la municipalité de Ersal, Yehya el-Hojeiry, aurait été également arrêté.
La troupe a en outre renforcé sa présence dans la région et dressé des points de contrôle.
Cela n’a pas empêché certains ulémas musulmans salafistes, solidaires des djihadistes syriens et de leurs protecteurs libanais, à « condamner la mort de Khaled Hmayed », « appelant l’armée à lever le siège de Ersal. »
Les familles des deux soldats assassinés et lynchés ne l’entendent pas de cette oreille. Elles exigent une punition exemplaire. C’est ainsi que le père du commandant Pierre Bachaalani a exhorté le président de la République Michel Sleiman à frapper les responsables de ce crime d’une « main de fer » et à ne pas tolérer ceux qui portent atteinte à la loi ou à la sécurité du pays. « Nous demandons que la justice prenne son cours et que les responsables soient arrêtés (…) », a-t-il dit lors des funérailles.
La même atmosphère de tristesse mêlée de colère régnait samedi au Akkar lors des obsèques du soldat Ibrahim Zahraman, deuxième victime de la troupe.
« L’armée est une ligne rouge et lui porter atteinte c’est souiller l’honneur du pays », ont scandé ses proches, exigeant que ses tueurs soient arrêtés et punis.
Depuis le début du conflit inter-syrien en mars 2011, des incidents parfois meurtriers ont éclaté à la frontière nord et est du Liban, où transitent de nombreux réfugiés fuyant les violences, mais aussi des combattants hostiles au régime de Bachar el-Assad.
Selon les services de sécurité libanais, des heurts ont régulièrement opposé l’armée syrienne à des groupes armés favorables à la rébellion anti-Assad. Des affrontements ont également eu lieu entre des groupes armés syriens et l’armée libanaise, qui tente d’empêcher l’infiltration de combattants.