C’est un véritable coup dur pour l’audiovisuel arabe. Pour la première fois de leur histoire, les autorités de Bahreïn ont annoncé hier la fermeture de la chaîne Alarab du milliardaire saoudien Al-Walid ben Talal, lancée le 1er février à Manama.
Son tort avoir donné la parole à un opposant chiite bahreïni dès son premier journal d’information. «Il a été décidé d’arrêter les activités d’Alarab, cette chaîne n’ayant pas obtenu les autorisations nécessaires», indique un communiqué de l’Autorité de l’information de Bahreïn. La chaîne, lancée à grand renfort de publicité, a diffusé des programmes pendant moins de 24 heures avant de devoir les interrompre pour des raisons «techniques et administratives». Dans son communiqué, l’Autorité de l’information de Bahreïn a affirmé avoir tenté d’aider la chaîne à fonctionner «conformément aux règlements, aux accords régionaux et internationaux et en tenant compte du contexte de la lutte antiterroriste», avant de souligner que «ces conditions n’ont pas été remplies». Après l’interruption des émissions d’Alarab, le directeur de l’Autorité de l’information de Bahreïn, Youssef Mohammed, avait affirmé que ses services coopéraient avec la direction de la chaîne pour «la reprise de sa transmission et pour achever les procédures» d’autorisation. Le quotidien bahreïni, Akhbar Al Khaleej, reflétant les vues du gouvernement, avait affirmé que la chaîne n’avait «pas respecté les traditions des pays du Golfe, y compris l’impartialité de l’information et le rejet de tout ce qui est de nature à affecter l’esprit d’unité» régionale. Le premier invité de la chaîne après son lancement avait été l’opposant bahreïni Khalil al-Marzouq. Il avait alors critiqué la décision de Bahreïn de déchoir de leur nationalité 72 personnes. Les autorités de Bahreïn avaient affirmé que cette décision visait entre autres des personnes «impliquées dans des activités terroristes». Le Royaume de Bahreïn, où la dynastie sunnite est contestée par un mouvement de protestation animé par la majorité chiite, est régulièrement accusé par des ONG internationales de violation des droits de l’homme. A la veille de son lancement, le directeur général d’Alarab, le Saoudien Jamal Khasoggi, avait déclaré que la chaîne répondait à «un besoin réel d’une télévision indépendante et impartiale». Le lancement d’Alarab avait été reportée maintes fois depuis l’annonce du projet en 2010 par le prince Al Walid, homme d’affaires saoudien connu pour son franc-parler et actif notamment dans la finance, l’hôtellerie et les médias. Alarab vient s’ajouter à une multitude de chaînes de télévision arabes ou arabophones. Mais c’est la première fois qu’une télévision arabe est suspendue au Bahrein. Depuis la démocratisation de l’audiovisuel arabe, le Bahreïn a été la plate-forme des télévisions arabes toutes politiques et visions différentes. Le droit du sol audiovisuel du Bahreïn était considéré comme un grand acquis pour certains groupes politiques et financiers qui avaient des difficultés à lancer leurs projets audiovisuels. La fermeture de cette télévision financée par un puissant milliardaire saoudien pourrait créer des précédents et bloquer d’autres projets qui étaient inscrits dans la même ligne.
Par Amira Soltane
L’Expression