Chercheur au CNRS et actuellement directeur de l’Institut d’études anatoliennes à Istanbul, l’auteur est un fin-connaisseur de l’aire turco persane, héritière des empires moghol, ottoman, safavide et soviétique. C’est du reste à Boukhara dans l’actuel Ouzbékistan que se situe le mausolée du fondateur de la confrérie nakchibendie, la plus importante du monde islamique. Ayant longuement séjourné à Tachkent et à Bakou ces nombreuses enquêtes de terrain ont donné lieu à un stimulant et didactique essai mêlant à la fois l’histoire, l’anthropologie et la science politique.
En résonnance avec les enjeux de la globalisation du fait religieux, cette étude place sur le temps long les trajectoires de l’islam centre-asiatique et azerbaïdjanais et l’influence plus ou moins active déployée par plusieurs acteurs concurrents depuis la chute de l’URSS, à savoir la Turquie, l’Iran, l’Arabie saoudite et les confréries sunnites du sous-continent indien. Dans ce tour d’horizon des plus instructifs, l’auteur décrypte les fractures et les divisions qui traversent le champ islamique dans ces jeunes Etats-Nations à l’assise fragile, soucieux de contrôler étroitement le champ religieux. Si ces sociétés ont vécu coupées du reste de l’Oumma islamique pendant plus de 70 ans de chape de plomb soviétique, la fin de l’URSS a rompu cette autarcie. Dès lors religieux arabes, iraniens, indiens investissent ces terres de mission en plein contexte de mondialisation.
La quête identitaire, partagée entre une population désorientée et non préparée à l’idée de l’indépendance, a généré au début des années 1990 un formidable élan culturel dans chacun de ces pays. Mais très rapidement, les constructions nationales se heurtent à la nécessité de maintenir ces sociétés en coupe réglée. Ainsi les ouvertures aux influences extérieures vont faire l’objet d’un contrôle toujours plus étroit de la part des pouvoirs en place. S’ils se démarquent dans leur gestion respective du fait religieux (notamment vis-à-vis des Tablighis de l’Inde ou de la confrérie Fethulalh Gülen), les jeunes Républiques musulmanes s’inscrivent dans une sorte de continuité par rapport à l’ancien régime soviétique. Non sans objectivité, l’auteur relativise l’impact de la pénétration wahhabite et iranienne et souligne notamment les difficultés auquel se heurte Téhéran en Azerbaïdjan majoritairement chiite mais foncièrement hostile au pouvoir des Mollahs.
Bayram Balci, Renouveau de l’islam en Asie centrale et dans le Caucase, CNRS éditions, 280p., 25€