Après avoir ouvert les portes au public en mai dernier, l’exposition Afrique, Les religions de l’extase s’installe dans la durée au Musée d’ethnographie de Genève (Suisse) pour se clôturer le 6 janvier 2019.
Sans avoir l’ambition de la synthèse, la manifestation suggère et rend l’image de la diversité et de l’évolution des courants spirituels d’un continent qui demeure le plus encré à ses traditions et la fois le plus ouverts aux apports extérieurs.
Ce qui a fait de l’Afrique, au fil des siècles, la terre du sacré par excellence. La présence de la surnature est immanente au quotidien de ses populations et non circonscrite à la durée des rituels. Ceux-ci établissent et renforcent les liens des vivants avec les forces invisibles du cosmos, les ancêtres du groupe en premier lieu.
D’où des systèmes de croyances complexes et sophistiqués, que l’on appelle souvent « animisme ». Dans ce contexte, l’existence éventuelle d’une divinité primordiale ne saura pas se confondre en la foi en un dieu unique censé s’imposer sur l’ensemble de l’humanité.
Témoignage de la force de cette spiritualité, le rayonnement des dieux d’Afrique hors du continent suite à la traite transatlantique, ou aux flux migratoires anciens et contemporains, a donné lieu à une multiplication de formes religieuses, syncrétiques ou moins, toutes de matrice africaine.
Ces métissages et rencontres des populations on produit une superposition de croyances qui se chevauchent ou coexistent.
Rendre cette richesse et diversité dans la structure d’une exposition, tel a été le pari d’Afrique, Les religions de l’extase. Il s’agissait ainsi de passer en revue les courant différents apparus dans le temps et dans les espaces géographiques suite à la déportation en captivité ou aux mouvements diasporiques, y comprises les formes rares mais importantes à base monothéiste.
Les organisateurs de la manifestation ont concentré l’attention sur la conception d’une scénographie adéquate. Photographies et vidéos ont été privilégiées pour mieux saisir les « instants particuliers » de l’expérience religieuse.
Un regard de choix a été porté sur les communautés des fidèles de la diaspora : le photographe Christian Lutz est parti à la rencontre des kimbanguistes congolais, des mourides sénégalais et des orthodoxes érythréens à Genève.
On pourra visionner des images vidéo avec interview filmées, qui ont été tournées en 2017 en
Zambie et au Bénin et d’autres, moins récentes, reportées d’Haïti et du Québec. Le public pourra notamment apprécier le rituels de sacrifice aux ancêtres des Louvale zambiens, où les masques, « sacrement sur le parcours d’une vie », suscitent effroi ou respect des esprits qui les habitent.
L’exposition est structurée en quatre sections : Les monothéismes en Afrique ; La divination, la mort et les ancêtres ; Faire corps avec les esprits : la transe de possession ; Les univers magico-religieux, un enchevêtrement de forces.
Le troisième volet, avec une vidéo de Theo Eshetu sur le culte des Zar en Ethiopie et des photos sur le vaudou au Bénin et en Haïti, se focalise sur la « transition » (d’où l’expression transe) dans un état second suite à la « descente » sur terre de l’esprit qui saisit le corps de l’humain… Il explique le titre donné la manifestation, l’extase étant un temps de communication intense avec les forces divines, pendant lequel le possédé est hors de soi et en dehors du monde réel.
La section consacrée à La divination, la mort et les ancêtres met en évidence d’autres aspects concernant les contacts avec l’invisible impliquant l’ensemble des communautés dans le déroulement du rite. On comprend ainsi le sens étymologique du mot religion, une pratique qui rassemble les vivants dans les activités cultuelles.
Luigi Elongui