Au début de l’année 2011, dès le 14 janvier, des mouvements de contestation si forts et si amples se sont succédés en Tunisie que le mot de « Révolution » est très vite apparu.
Ces mouvements, commencés dans la partie la plus peuplée du pays, ont eu pour point de départ
factuel, l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, un jeune diplômé réduit à la misère,
dans la ville de Sidi Bouzid, terrassée par une situation économique catastrophique comme
bien des villes de la Tunisie intérieure où la pauvreté et la misère sont le lot commun.
La rapidité avec laquelle la contestation s’est propagée s’explique par le partage,
partout, des mêmes raisons d’exaspération. Chômage, corruption, absence total d’avenir pour
les jeunes, sont apparus d’un coup résumer la réalité du pays au point que la seule réponse du
Président a été de s’enfuir à l’étranger, incapable de faire face à l’exigence d’une Tunisie
enfin démocratique, terre de justice sociale, de dignité, de liberté et de prospérité.
Presque instantanément, le mouvement apparu en Tunisie s’est répandu en Egypte où
la Révolution a provoqué la chute du raïs Hosni Moubarak. Le poids de l’Egypte, pays arabe
le plus peuplé, dont l’influence est à la mesure aussi de la position stratégique, à la charnière
de deux continents, cette conjonction a accéléré encore le processus qui s’est étendu à l’ouest
jusqu’à l’Algérie et au Maroc, à l’est jusqu’au Bahreïn, passant par la Libye, la Jordanie, la
Syrie, la Palestine, l’Irak, jusqu’au Soudan et à la Somalie.
Dans le cadre limité d’un article, il faut se contraindre à n’aborder que les points les
plus saillants. L’article s’en tiendra au cas tunisien, celui du pays qui le premier est entré dans
le processus, et qui à cette date l’a parcouru le plus loin.
1 – Les causes de la révolution en Tunisie
Il convient de revenir au point de départ le plus ancien, qui est marqué par la lutte de
la Tunisie pour acquérir son indépendance, lors de la décolonisation. La révolte avait été
menée par Habib Bourguiba et les autres membres du bureau politique du Néo-Destour. Or,
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dès l’indépendance acquise, Habib Bourguiba et les siens, se sont en priorité attachés à se
débarrasser, politiquement et physiquement, du plus avancé d’entre eux, Salah Ben Youssef,
secrétaire général du Néo-Destour, avec l’aide des colonialistes français qui n’avaient pas
encore évacué le pays.
Sous le prétexte de « complots », les autres opposants ont été vite neutralisés. Le Parti
communiste tunisien, seul parti d‘opposition à Habib Bourguiba, a été interdit, faisant du
Néo-Destour le parti unique en Tunisie. Habib Bourguiba a alors créé le culte de sa propre
personnalité, se faisant désigner comme « le Combattant suprême », alors que le terme
est réservé à ceux qui ont sacrifié leur vie pour la liberté de leur patrie, tel Farhat Hached,
assassiné par la Main rouge, organisation terroriste française.
Puis en 1969 Bourguiba, bien qu’il ait changé la dénomination du Parti destourien en
Parti socialiste destourien, ajoutant le qualificatif « socialiste », modifie l’orientation politique
du pays, sans consulter le parti désormais unique, écartant l’aile gauche du PSD qu’il fait
emprisonner débat. En réponse, est créé dans l’opposition un premier parti : le Mouvement
d’unité populaire, avec pour programme la création d’une nouvelle démocratie tunisienne,
animée par la justice sociale. Bourguiba se fera plus tard nommer président à vie, succédant
ainsi au Bey de Tunis écarté dès 1956. Il nomme aussi pour la première fois un général à
la tête de la police, le général Ben Ali. Celui-ci s’illustrera pendant les événements du 26
janvier 1978, en faisant mitrailler les manifestants depuis son propre hélicoptère. Bourguiba le
nommera alors premier ministre.
Le 7 novembre 1986, le général Ben Ali écarte le président Bourguiba, malade,
pour « incompétence médicale ». Sa déclaration insiste sur le fait que le peuple tunisien
est prêt pour la démocratie et le pluripartisme. Le PSD devient « le Parti démocratique
destourien ». Ben Ali personnalise le pouvoir, recrée à son profit le culte de la personnalité,
concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Il s’intéresse en particulier à faire fructifier sa
fortune et celle de sa famille, confisquant à leur profit et au sien les grands marchés et les
bonnes affaires commerciales, provoquant le mécontentement de la bourgeoisie traditionnelle
dans tout le pays. Il néglige cependant comme trop peu rentable l’intérieur de la Tunisie,
c’est-à- dire les ¾ du pays, réduisant au chômage 25% des moins de 30 ans, soit 700 000
personnes, dont 150 000 jeunes diplômés.
Informations et statistiques sont falsifiées, afin de donner l’illusion d’un pays qui
avance. En réalité, le chômage a été multiplié par 8. Toute opposition, de gauche ou islamiste
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est supprimée, par la mise en prison, par le recours à la torture, jusqu’à la mort. Pendant un
quart de siècle, l’Occident s’accommode de cette politique.
Certes, la Révolution tunisienne a eu en 2011 des conséquences économiques et
sociales graves. Pendant deux trimestres, la croissance économique a reculé de plus de 3%
puis s’est presque stabilisée avec une chute supplémentaire de 0,5 %. Au 3° trimestre 2011
elle n’a atteint que 1,5 %. En mai 2011, le taux de chômage s’était élevé à plus de 18% contre
13 % un an plus tôt. Pendant les dix premiers mois de 2011, les investissements étrangers ont
reculé de plus de 27%.
2 – Chronologie de la Révolution tunisienne
Le déclenchement de la Révolution est le suicide de Mohamed Bouaziz le 17
décembre 2010. Ce vendeur ambulant de fruits et légumes habitait à Sidi Bouzid, dans le
centre de la Tunisie. N’ayant pas obtenu l’autorisation d’exercer, il s’était fait confisquer à
plusieurs reprises sa marchandise par les employés municipaux. Ayant protesté contre cette
confiscation, il avait été brutalisé, et selon les dires, giflé par une femme agent de police. Il
s’asperge d’essence devant la préfecture de Sidi Bouzid, et tente de s’immoler par le feu.
C’est le « Kahar ».
Les 19 et 20 décembre, un mouvement de protestation contre le chômage et la vie
chère débute en réaction à Sidi Bouzid. De violents affrontements opposent forces de l’ordre
et jeunes manifestants. Une vague d’arrestations commence.
Le 24 décembre 2010, la police tire sur les manifestants à Menzel Bouzayane. Le 31
décembre 2010, les avocats manifestent à Tunis et sont violentés par les forces de l’ordre.
Le 5 janvier 2011, Mohamed Bouzid, martyr et humilié, meurt de ses blessures à
l’hôpital Ben Arous. Cependant que du 3 au 7 janvier 2011 éclatent des violences à Saïda,
des manifestations à Thala où des bâtiments officiels sont saccagés et incendiés.
Du 8 au 10 janvier 2011, des émeutes sanglantes éclatent à Kasserine, à Thala, ainsi
qu’à Regueb, faisant 21 morts selon la police et plus de 50 selon une source syndicale. Des
affrontements ont également lieu à Kairouan, au centre du pays.
Le 11 janvier 2011, les affrontements gagnent Tunis et sa banlieue, tandis que les
violences se poursuivent à Kasserine. Les écoles et les universités sont fermées.
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Le 12 janvier 2011, alors que les manifestations font plusieurs morts dans le pays,
l’armée se déploie dans Tunis et dans les cités populaires de banlieue où le couvre-feu est
proclamé et où l’on compte 8 morts. Les manifestants s’acharnent sur les symboles du
pouvoir, de la corruption et de l’argent.
Le 13 janvier 2011, le général Rachid Ammar, chef d’état-major de l’armée de
terre, refuse de tirer sur les manifestants et exprime de façon directe ses réserves quand à
l’utilisation des forces de sécurité. L’armée se retire de Tunis qui demeure quadrillée par les
forces spéciales. On compte ce jour 13 morts à Tunis (source médicale) et 2 morts à Kairouan.
14 janvier 2011, des milliers de manifestants se rassemblent dans toutes les villes
de Tunisie aux cris de « Benali dégage ». Les événements s’accélèrent, l’état d’urgence est
proclamé, Ben Ali s’enfuit et se réfugie en Arabie Saoudite. Mohamed Ghanouchi, premier
ministre, est proclamé Président de la république tunisienne, mais sa nomination n’est pas
validée par la Constitution tunisienne, et la Casbah de Tunis manifeste violemment son
opposition à cette forme de continuité.
15 janvier 2011, le Conseil constitutionnel tunisien annonce « la vacance définitive du
pouvoir », et la nomination du président du Parlement Fouad Mbazaa comme Président de la
République par intérim.
Le Ministère de la Santé publique publie un bilan détaillé des victimes de la
Révolution entre le 17 décembre 2010 et le 25 janvier 2011. 238 personnes ont été tuées,
dont 166 par balles, et 72 détenus sont morts lors de révoltes en prison. Le nombre de blessés
graves soignées dans un hôpital est de 1 207 personnes.
27 février 2011, nomination de M. Béji Caïd Essebsi comme Premier ministre.
Le scrutin et les élections à l’Assemblée constituante se dérouleront le 23 octobre
2011, selon le comité indépendant qui est chargé de ces élections, pour des raisons techniques.
Il s’agira du 1° scrutin libre depuis l’Indépendance de la Tunisie.
20 juin 2011, verdict du procès Ben Ali. L’ex-président Ben Ali et son épouse Leila
Trabelsi ont été condamnés par contumace ce jour à 35 ans de prison chacun, étant poursuivis
pour détournement de fonds publics. Ces peines sont assorties d’amendes : l’une de 25
millions d’Euros pour l’ex-président, l’autre de 20,5 d’Euros pour sa femme. 93 autres procès
sont en cours (usage de drogues, tortures, assassinats, etc…). Ce procès marque la fin du
régime Ben Ali et de la Première république tunisienne.
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3 – La situation actuelle
Cinq mois après la chute de Ben Ali, on peut voir une Tunisie nouvelle, dans laquelle
la liberté d’expression est réelle, notamment dans la capitale où fleurit le dialogue entre
citoyen, ainsi avenue Bourguiba devant le théâtre municipal. Les libraires peuvent afficher en
vitrine des livres interdits par l’ancien régime, ceux consacrés notamment à la vie de l’ancien
président et de sa femme. En juin 2011 on comptait plus de 100 partis politiques reconnus.
Les gens n’ont plus peur des indicateurs de police, lorsqu’ils parlent entre eux en public.
Cependant la situation économique reste difficile, et la sécurité n’a pas été totalement
rétablie dans le pays, ce qui nuit au tourisme. Entre le 1° janvier et le 31 mai 2011, le
nombre de touristes décomptés en Tunisie s’élevait, selon le Gouvernement provisoire, à
670 000, soit une baisse de 54% par rapport à 2010. A la peur de l’insécurité, la situation
dans la Libye frontalière s’ajoute pour expliquer les freins aux nouveaux investissements
extérieurs attendus. Il y a en outre le mouvement social généré par le changement de régime.
Dans ce changement, le mouvement syndical, la jeunesse et les démocrates ont joué un
rôle déterminant. A cette occasion, les salariés ont voulu voir satisfaites leurs légitimes
revendications, et ont organisé des grèves pour les appuyer. En guise de riposte, certains
investisseurs étrangers n’hésitent pas à brandir la menace de fermer leurs usines. Sur 3 200
entreprises étrangères installées en Tunisie, 3 ont déjà fermé. A tout cela il faut joindre la
réelle fracture qui oppose les régions côtières à celles de l’intérieur, minées par la misère,
le chômage et la pauvreté, plongées dans une crise économique et endémique. Le Fonds
Monétaire International prévoyait une croissance de 1,3% en 2011 contre 3,7% en 2010. En
réalité, la croissance pour 2011 sera plus proche de 0,1 %.
Alors que les attentes sociales restent impérieuses, le Premier ministre, M. Béji
Caïd Essebsi, a fustigé les grèves sauvages, qu’il a jugé préjudiciables à une économie guettée
par le ralentissement. Effectivement, les trois premiers mois qui ont suivi la fuite de Ben Ali
ont été très difficiles. L’insécurité avait même atteint un tel niveau que des comités de défense
des quartiers avaient vu le jour. On ne travaillait pratiquement plus.
Cinq mois après la fuite de Ben Ali, les changements tardent à se mettre en place.
L’avenue Habib Bourguiba demeure le rendez-vous à Tunis de toutes les manifestations,
les cafés ne désemplissent pas, les seules marques visibles de l’autorité sont les clôtures
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de barbelés autour du ministère de l’Intérieur et une présence policière renforcée en ville.
Le 5 mai 2011, 60 détenus s’évadaient de la prison de Sfax, alors que des faits similaires
étaient intervenus à Kairouan, à Kasserine et à Gafsa. Du coup, les citoyens se préoccupent
davantage des questions d’ordre et de sécurité. Le départ de 23 800 citoyens du Sud tunisien
vers l’Italie par l’île de Lampedusa montre le niveau atteint par le désordre.
La crise politique en Libye a également sa part de conséquences dans la situation
économique difficile de la Tunisie. Beaucoup d’entreprises et de cliniques étaient en Tunisie
tournées vers la Libye. Le retour de Libye des travailleurs tunisiens qui y étaient employés a
aggravé la chômage. On peut ajouter au tableau les dizaines de milliers de réfugiés arrivés de
Libye, parmi lesquels des ressortissants de pays africains ou asiatiques. On parle de 560 000
personnes au total. 50 000 Libyens ont été hébergés par des familles tunisiennes, dans un
mouvement d’hospitalité qui a frappé le monde.
4 – Les relations franco-tunisiennes
Nous nous limiterons à citer les jugements les plus récents émis par M. Nicolas
Sarkozy et par Mme Michelle Alliot-Marie sur l’ancien régime tunisien à la veille de sa chute.
Le premier, reçu en Tunisie par l’ancien dictateur, s’était félicité sur les progrès accomplis
en matière de démocratie. La seconde, survolant la Tunisie à bord de l’avion privé d’un riche
homme d’affaires proche de Ben Ali, avait proposé l’aide de la France en matière de gestion
des foules pour réprimer les premières manifestations. Seule la rapidité de l’effondrement du
dictateur avait empêché l’aboutissement du projet. Tous deux étaient certes acquis au despote
qui régnait alors, ce qui n’était pas le cas des citoyens français.
Lorsque Nicolas Sarkozy rencontre à Rome Silvio Berlusconi, le 26 avril 2011, pour
évoquer ensemble le problème posé par les réfugiés tunisiens traversant la Méditerranée
au péril de leur vie chassés par la misère, tous deux demandent la révision des Accords de
Shengen afin de renforcer l’imperméabilité ses frontières européennes, mais se gardent
de proposer la moindre aide à la Tunisie qui aurait aidé à fixer en place, par la création
d’emplois, les migrants économiques tunisiens.
Le G 8 avait invité Tunisie et Egypte dans sa réunion à Deauville. Ces 8 grandes
puissances possèdent au total 65% de la richesse mondiale, et le premier ministre du
Gouvernement intérimaire avait été très honoré de l’invitation. Les économistes tunisiens
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avaient préparé un programme de 125 Milliards de $ d’investissements pour les 5 prochaines
années. Le premier ministre l’a présenté au G 8 et s’est dit très satisfait de sa participation.
Mais le G 8 s’est limité à accorder un prêt de 40 Milliards de $, et s’est refusé à réduire la
dette tunisienne.
Pourquoi la France officielle qui s’honore d’être la patrie des Droits de l’Homme,
a-t-elle émis tant de réserves face à la Révolution tunisienne ? Pourquoi s’attache-t-elle
à endiguer cette révolution ? La première explication est sans doute à chercher dans la
sauvegarde de ses intérêts. L’ancien régime tunisien avait pour elle l’avantage d’endiguer
l’expansion de l’islamisme, en l’opprimant par tous les moyens, l’avantage aussi de protéger
l’Europe d’une immigration incontrôlable. Ces raisonnements à courte vue ont porté la France
officielle à commettre des erreurs d’appréciation, et prouvé qu’elle ne s’était pas donné les
moyens de comprendre le Maghreb.
L’avenir de la Tunisie au présent
La Révolution du 14 janvier 2011 s’est faite pour que le peuple tunisien accède enfin
à la dignité, à la démocratie et à la justice sociale. Elle s’est faite aussi pour que la Tunisie
s’achemine enfin vers la prospérité, et notamment la Tunisie de l’intérieur, si longtemps
délaissée par l’ancien régime. Elle devrait aboutir à l’élection d’une assemblée constituante le
23 octobre 2011, une élection très importante, car elle déterminera le choix d’une république
qui aura un long chemin devant elle, une élection qui sera donc un véritable choix de société.
Car le peuple tunisien souhaite en finir avec le régime présidentiel, synonyme de
pouvoir personnel. Il souhaite l’instauration d’un régime parlementaire, et une véritable
séparation des quatre pouvoirs : exécutif, législatif, judiciaire, et de l’information. On constate
une multiplication des partis politiques, de même qu’une multiplication des candidats
indépendants. Mais les nouveaux partis n’ont pas tous les moyens d’être présents dans toutes
les circonscriptions, faute de moyens financiers et humains. On remarque aussi la floraison
d’une multitude d’associations, culturelles et autres, très significative des rapports de force
démocratiques auxquels les Tunisiens aspirent.
Beaucoup des partis qui naissent aujourd’hui seront éphémères, par manque de
ressources financières et humaines, mais beaucoup perdureront au travers des alliances et des
fronts qui se noueront. Dans l’instant présent, le paysage politique tunisien est construit autour
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de plusieurs pôles.
Le premier pôle est islamiste. Il est largement représenté par le parti Ennahda (la
Renaissance). Très bien organisé, il dispose des moyens financiers nécessaires à être présent
dans tout le pays. Il se présente comme un parti modéré. Le discours de ses dirigeants ne
fait pas apparaître la volonté d’établir la charia en Tunisie. Il insiste d’ailleurs sur l’exemple
que donne en Turquie le Parti pour la Justice et le Développement (AKP). Très réprimé par
l’ancien régime, il a été très affaibli par les arrestations, les tortures, les emprisonnements, et
par l’exil. Mais il s’est rapidement réorganisé. Son dernier meeting à Bizerte rassemblait plus
de 10 000 personnes.
Les partis de gauche et d’extrême-gauche restent très divisés. Ils n’ont pas établi entre
eux de front commun, bien que leurs programmes comportent beaucoup de points communs.
Un pôle, Démocratie et Modernité, vient de se constituer entre 12 de ces partis. Il se situe
au centre gauche, avec le Parti Ettejdid, ancien Parti communiste tunisien. Le PACT, parti
ouvrier communiste tunisien, représente l’extrême gauche qui n’a jamais cessé de combattre
le despotisme de Ben Ali et des Trabelsi, mais qui semble vouloir faire cavalier seul.
Une grande majorité des partis politiques tunisiens se présentent comme centristes.
Leurs programmes se ressemblent, ils ne différent que par leurs leaders politiques et par leurs
directions.
Un autre pôle important est constitué par l’Union générale tunisienne du Travail
(UGTT). Pour l’instant, elle reste un syndicat qui représente des syndiqués de toutes
tendances politiques, grâce à la force de ses réseaux de militants formés à l’action syndicale et
à la pratique électorale, et malgré l’apparition d’autres centrales syndicales.
Un autre pôle enfin est constitué par les sympathisants du Rassemblement
Constitutionnel démocratique. Si le RCD a disparu, ses sympathisants existent toujours,
malgré les réactions allergiques de l’opinion et la méfiance qu’il provoque. Les anciens
dirigeants de ce parti vont jouer le rôle d’opposants pendant dix ans au moins, du fait de
l’inéligibilité à laquelle les soumettra le projet de code électoral.
Aujourd’hui, nous n’avons plus à craindre un nouveau despotisme, car le pouvoir
politique et le pouvoir d’information doivent désormais compter et composer avec une
opinion publique consciente des sacrifices du peuple tunisien et de ses martyrs dans la
Révolution qui s’est produite. La montée en puissance de la société civile est le principal
garde-fou contre un éventuel totalitarisme. L’histoire a souvent montré que les armes sont
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impuissantes quand souffle le vent de la liberté. Nul ne pouvait percevoir la puissance d’un
peuple pourtant déjà inscrite dans un des plus beaux vers d’Alboukacem Echehi.
Il est important de recommander au citoyen tunisien, dans la période électorale qui
va s’ouvrir, que la tolérance inspire tous les citoyens dans leurs actes et leurs paroles, et que
chacun doit pouvoir s’exprimer librement, qu’aune réunion ne doit être empêchée ou troublée
quelque soit les désaccords entre partis.
Dans la période transitoire qui s’ouvre, la communauté tunisienne à l’étranger doit
prendre toutes ses responsabilités, s’engager par une mobilisation économique et financière
conséquente, et contribuer à reconstruire la Tunisie nouvelle. La diaspora tunisienne peut
participer à la construction de la démocratie tunisienne au travers de ses réseaux, c’est un fait
indéniable.
La particularité de la Révolution tunisienne réside dans sa capacité à réaliser les acquis
démocratiques, tout en donnant du travail à sa jeunesse, en réalisant la justice sociale, et en
combattant la dictature et la corruption. On ne peut pas séparer la justice politique et la justice
sociale. La démocratie a deux facettes. D’une part, la démocratie politique, avec le droit à
s’exprimer et à s’organiser, d’autre part, la démocratie sociale, avec le droit au travail, la
sécurité sociale, l’enseignement général et l’égalité complète.