Lorsque j’ai rencontré Noam Chomsky, il y a quelques temps, au MIT (Massachussets Institut of Technology) pour écrire un livre, (On Western Terrorism: From Hiroshima to Drone Warfare « À propos du terrorisme occidental : d’Hiroshima à la guerre des drones »), et produire un film sous le même titre, le sujet que nous voulions traiter était celui des innombrables génocides que l’Occident a commis dans le monde depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le second sujet portait sur l’impunité.
Cependant, quelles que soient les atrocités sur lesquelles nous revenions, notre discussion ne cessait de porter sur un thème crucial : la propagande fabriquée par les centres médiatiques comme New York, Paris, Londres et autres villes nord-américaines et européennes : une propagande créée pour manipuler à la fois le passé et le présent. Sans ce lavage de cerveau et l’endoctrinement quasi total de l’opinion publique occidentale et des « élites » dans tous les États « client », aucune politique impérialiste et néo-colonialiste n’aurait pu aboutir.
Nous parlions de la publicité commerciale américaine et de son influence sur la propagande nazie, et de l’influence, en retour, de la propagande nazie sur les fabricants de propagande américains et européens. Noam me questionnait sans cesse sur mon enfance dans la Tchécoslovaquie socialiste, et je lui expliquais, honnêtement, comment j’étais endoctriné lorsque j’étais adolescent. Non par les dogmes communistes, mais par la BBC, la Voix de l’Amérique et Radio Free Europe. Tous ces médias chantaient en continu les louanges de la politique occidentale et de marché dans tous les coins du monde socialiste.
Noam et moi-même avons produit des dizaines d’essais sur le sujet et plusieurs livres. Mon dernier, Exposing Lies of the Empire, qui porte essentiellement sur toutes les parties du monde où l’Empire étend la destruction suivie de l’endoctrinement, fait plus de 800 pages. Et je continue d’avoir le sentiment que même cet ouvrage massif n’aborde que la partie visible de l’iceberg, que ce n’est qu’un début !
La propagande est en réalité un appareil parfait ! Elle est efficace et presque totalement « blindée ». Elle « fonctionne » ! Les empires européens l’ont affinée pendant de longs siècles, et la progéniture européenne – les États-Unis – l’ont élevée pratiquement totalement au niveau de la perfection.
Une précondition de son succès est, bien sûr, que le régime politique et économique de l’Occident possède la quasi totalité des grands médias et des circuits de distribution dans le monde. La pluralité ne peut jamais être tolérée. Elle pourrait écraser l’idiotie ! Une fois acquise cette condition, les choses se passent relativement tranquillement et confortablement pour les démagogues à Washington, Londres et Paris.
Voici un exemple imaginé pour montrer comme il est facile de diffamer un dirigeant qui résiste aux desseins impérialistes de l’Empire : imaginez qu’en ce beau matin ensoleillé, dix grands médias de la presse écrite et de la télévision déclarent que différentes sources anonymes, mais tout à fait fiables à Moscou les ont informées que le président russe Vladimir Poutine est un vampire !
Ce « scoop » s’envolera dans le monde entier. Dans un premier temps, de nombreux lecteurs et téléspectateurs se rouleront de rire par terre. Et plusieurs de ceux qui ont trouvé l’information totalement bizarre et incroyable sentiront à un moment pousser dans leur cerveau la graine du doute. « OK, c’est absurde, bien sûr, mais si c’était vrai ? Comme ce serait horrible ! »
Mais comment peut-on réellement prouver qu’il ou elle n’est pas un vampire ? Ou bien, comment peut-on prouver qu’il ou elle n’a pas été visité par quelque monstre extra-terrestre en soucoupe volante à plusieurs occasions ? À un certain point, le président russe en aura assez de ce gag. Il se rendra au meilleur hôpital universitaire de Moscou pour demander un certificat attestant clairement qu’il n’est pas un vampire. Plusieurs sommités médicales seront impliqués et produiront un rapport scientifique compliqué et rigoureux, concluant fermement qu’il n’est pas un vampire.
Choqués et en réaction à la grossièreté des tsars de la propagande occidentale, la plupart des médias russes poseront des questions de bon sens et logiques, telles que : « Ne pouvons-nous pas tous constater de visu qu’il ne peut pas être un vampire ? Toutes ses dents sont à peu près d’égale longueur, il vit le jour, il ne dort pas dans un cercueil, il mange de l’ail et il n’a pas peur des croix. Et ce, qu’ils soient orthodoxes, protestant ou catholiques ! ». D’autres affirmeront qu’il n’y a tout simplement pas de vampires sur notre Planète.
À ce point de l’histoire, les médias occidentaux passeront à une vitesse supérieure. Ils déclareront de façon sarcastique que les éminences russes, les médecins russes et les médias russes ne sont pas crédibles, qu’ils sont sous la botte de l’État, et en plus, qu’ils sont infiltrés par les services secrets et les anciens agents du KGB. « Et « Vlad » ne ressemble-t-il pas à « Bran », le nom du château en Roumanie, qui, de temps en temps, était le refuge du commandant en chef de tous les activistes vampires, le Conte Dracula ?
Il y aura encore quelque résistance rationnelle : « Non, « Vlad » ne sonne pas comme « Bran », et de toute façon, personne, en Russie n’appelle Monsieur Poutine « Vlad », seuls les médias occidentaux se le permettent ». Mais ces voix de la raison n’atteindront jamais l’opinion publique mondiale ! Et ainsi de suite.
À la fin, quelques milliards de cerveaux humains enregistreront et stockeront la « théorie du vampire », et ils ne regarderont plus jamais le Président de la Russie, ou son pays avec les mêmes yeux !
Après avoir été répétées des centaines de fois, les rumeurs, du moins pour beaucoup de gens, sont confondues avec les faits et finalement acceptées comme faits. Quand il dirigeait encore Cuba, Fidel Castro était toujours « mourant », ou « en train de disparaître ». (…) Le public a été « gavé » par le nihilisme, les « informations » et les scénarios les plus sombres pour éradiquer tout enthousiasme et tout optimisme qui peuvent être générés lorsqu’on construit un grande nation indépendante et égalitaire.
« Je n’oublierai jamais ce jour ! » s’était écrié un caméraman érythréen, lors de ma visite dans ce pays. « Je venais de terminer une mission au Palais présidentiel. J’étais en train de prendre un café avec des amis en face de l’entrée principale lorsque les médias occidentaux ont lancé l’information qu’il y avait « un coup d’État à Asmara ». Les réseaux sociaux sont devenus dingues. C’était le « flash info » partout. Et nous, nous étions ici, juste ici, par un tranquille après-midi d’été, en face du Palais. Je venais de voir le Président. Tout était calme ! Ils avaient tout inventé pour faire sortir les gens dans la rue ! Ils étaient en train d’essayer de fabriquer un coup d’État via leurs réseaux médiatiques ».
C’est principalement la peur implantée dans les cerveaux de ses sujets et esclaves qui permet à l’Empire de contrôler pratiquement toute la Planète ! Il s’agit souvent d’une peur inconsciente, mais c’est néanmoins de la peur. La peur peut être celle de l’Empire globalement, ou de sa puissance et de sa brutalité, voire, même, des alternatives dépeintes avec des couleurs effrayantes et dégoutantes par la propagande.
Les deux plus grandes « menaces » pour l’Empire ont été, bien sûr, les deux sœurs nées sous la même étoile, de la même mère appelée « Humanisme ». Ce sont le Communisme et le Socialisme. Et je ne parle pas seulement du concept occidental du Marxisme. Il y a de nombreux grands concepts qui donne la priorité à la vie et au bien-être des gens à travers le monde.
En fait, il y a quelques dizaines d’années, il est devenu clair comme du cristal que le colonialisme, l’impérialisme et le capitalisme occidentaux avaient fait leur temps. Le socialisme représentait le chemin naturel et logique vers plus d’humanité. Mais, alors, l’Occidentaux et l’Empire se sont défendus. Ils ont employé une violence et une brutalité extrêmes, ainsi que les tactiques fourbes du « diviser pour régner ». Des millions de gens sont morts et les progrès stoppés, heureusement pour une période limitée et pas partout.
L’une des nombreuses raisons pour lesquelles la Russie est perçue comme une « menace » réside dans le fait qu’elle a hérité de l’humanisme et de la politique internationale de l’Union soviétique. Mais, aussi, parce qu’elle se redirige réellement vers le socialisme (même si elle le fait à pas extrêmement lents). La Russie est en train de guérir de façon irréversible des jours sombres de l’adepte du libre marché et laqué de l’Occidentaux, Boris Eltsine.
La Russie est, également, détestée parce qu’elle est « le mauvais exemple » en prouvant au monde qu’on peut se développer et prospérer sans prendre les ordres de l’Occident, sans servir son gouvernement et ses entreprises. La diabolisation de la Russie est permanente. Chaque petit détail négatif est multiplié et grossi par les grands médias et l’industrie du film. L’opinion publique internationale est nourrie sans arrêt par des stéréotypes étranges et des fabrications. Et c’est comme ça que l’une des nations les plus passionnée, compatissante, profonde, artistique au monde, la Russie, est présentée comme froide, mécanique, sans cœur et intrinsèquement mauvaise.
D’importantes forces de l’OTAN sont aujourd’hui déployées le long de la frontière ouest de la Russie, dont des soldats allemands. Périodiquement, il y a des manœuvres et des exercices à proximité de la frontière. C’est une provocation claire, et tout cela nous rappelle terriblement les années qui ont suivi la Seconde guerre mondiale. À quelques centaines de kilomètres au sud, une vieille alliée, ou plutôt une sœur slave, l’Ukraine, est poussée à la confrontation avec la Russie par ses maîtres occidentaux, contre la volonté de la grande majorité du peuple ukrainien.
Les États-Unis sont impliqués fortement dans la déstabilisation de l’Asie centrale, dont un groupe de nations qui faisaient partie de l’Union soviétique. Mais grâce au machiavélisme de la propagande occidentale, c’est en réalité la Russie qui est présentée comme l’agresseur et un danger pour la paix mondiale !
Quant à la Chine, elle est dépeinte comme un monstre impitoyable et imprévisible, prêt aujourd’hui à dévorer le monde ! Mais « prouver » que la Chine n’est pas un pays communiste, et, en même temps, qu’elle est la plus grande menace pour la paix et la stabilité mondiales (comprenez le contrôle du monde par l’Occidentaux), elle l’une des plus importantes missions attribuées aux médias occidentaux, aux spécialistes et aux tsars de la propagande par l’Empire.
Et ils réussissent ! Les tactiques d’endoctrinement marchent parfaitement. Le public occidental a, aujourd’hui, le cerveau lavé (au pire) ou confus (au mieux) quand on parle de la Chine. Dans les dernières années, j’ai discuté avec des centaines de Français, Italiens, espagnols, Allemands, Anglais et Tchèques sur la Chine. À quelques exceptions près, j’ai subi un tir de barrage d’« opinions » standardisées, paternalistes, fabriquées en série. J’avais l’impression de parler à des gens forcés de vivre pendant des décennies sous le régime des Talibans ou sous « la direction spirituelle » de quelque secte fondamentaliste évangéliste protestante. En fait, la Chine (…) est un pays communiste ou socialiste énorme, indépendant, et prospère.
(…) Nous n’entendons pratiquement jamais la plus importante histoire de l’humanité : celle du pillage colonial, de l’esclavage, des génocides qui ont duré des siècles, des famines provoquées par la Grande-Bretagne qui ont tué des dizaines de millions de personnes. On ne nous parle pas de ce qui se passe réellement et qui est toujours en train de se passer pour « protéger » le public occidental de la vérité insoutenable sur le passé et le présent de leurs pays et de leur culture, des histoires sur ces « méchants Autres » sont inventés et diffusées en permanence. (…) La réalité et la fiction sont aujourd’hui systématiquement mélangées et, à la fin, la grande confusion et le chaos intellectuels réussissent à vaincre, et la raison, et la logique.
Source : Information Clearing House
Traduction Christine Abdelkrim-Delanne