L’Agence nationale de sécurité américaine, NSA, livre des informations brutes, non analysées ou censurées à Israël dans le cadre d’un programme de surveillance des Palestiniens par les services israéliens de renseignement. C’est ce qu’a révélé Edward Snowden, ex-consultant de la NSA aujourd’hui, réfugié en Russie, connu pour avoir rendu publiques des dizaines de milliers de documents (WikiLeaks) montrant l’étendue du réseau de surveillance de la NSA à travers le monde.
Cette contribution américaine au renseignement israélien, déjà révélé par le Guardian, en septembre 2013, et reprise et complétée par le New York Times du 17 septembre, dure depuis, au moins mars 2009, date d’une note échangée entre les deux services établissant le partage des informations sur toutes les formes de communications, depuis la transcription non censurée de documents jusqu’aux télex, fac-similés, enregistrements vocaux et données diverses de renseignement.
Les citoyens américains originaires du Moyen-Orient et de Palestine, échangeant par email ou téléphone avec leurs familles ou relations en Israël et dans les territoires occupés, sont une cible privilégiée de cette « coopération », mettant en danger, sans le savoir leurs interlocuteurs. Les données transmises au renseignement israélien, incluent l’état civil, l’orientation sexuelle, la vie conjugale, l’état de santé des cibles et de leur entourage, « l’un des plus gros abus que nous ayons jamais vus », juge Edward Snowden.
Cette information complétée par le New York Times est tombée quelques jours après la publication d’une lettre adressée par que 43 réservistes israéliens, hommes et femmes, de l’Unité 8200, l’unité la plus prestigieuse du renseignement israélien, au Premier ministre et au chef d’état-major de Tsahal, l’armée israélienne. Ils accusent l’Unité d’avoir commis des « abus » envers la population palestinienne, et faire connaître leur décision de ne plus « servir un système qui porte atteinte aux droits de millions de personnes » refusant d’être « les instruments du régime militaire dans les territoires occupés. »
Selon la lettre, les 43 « refuzknik » révèlent leur rôle de premier plan dans les opérations d’éliminations ciblées pratiquées par l’armée, ayant conduit à de nombreuses erreurs ayant entraîné, entre autres, de nombreux civiles dont des enfants.
« Il existe un sentiment que servir dans le renseignement militaire dispense de tout dilemme moral et ne fait que contribuer à diminuer la violence et la souffrance des gens, écrivent les ex-agents. Mais pendant le service militaire, nous avons appris que le renseignement est inséparable du contrôle militaire des territoires. La population palestinienne est soumise à la loi militaire, complètement exposée à l’espionnage par les services israéliens. Contrairement aux citoyens israéliens ou d’autres pays, il n’existe pas de contrôle des méthodes des services ou d’espionnage et les informations concernant les Palestiniens sont utilisées sans se demander si ils sont liés à la violence ou non. »
Les réservistes expliquent, également, que les informations rassemblées et stockées nuisent aux Palestiniens et sont utilisées dans le cadre de la persécution politique et pour créer des divisions dans la société palestinienne en recrutant des collaborateurs et en montant les Palestiniens entre eux. « Les services autorisent le contrôle de millions de gens et l’intrusion en profondeur qui touche la plupart des aspects de la vie. Tout cela nuit à une vie normale, engendre la violence et ne fait que repousser la fin du conflit d’autant. »
Courageusement, car ils sont passibles de la cour martiale, les 43 signataires appellent les agents ex ou actuels des services de renseignements israéliens à « faire entendre leur voix contre ces injustices et à agir pour y mettre un terme. Nous pensons que le futur d’Israël en dépend », concluent-ils.
Cette prise de position exceptionnelle parce que venant de militaires du renseignement israélien, vient s’ajouter aux critiques nombreuses – sans toutefois aucune condamnation officielle de la part des gouvernements occidentaux – auxquelles a été confronté le gouvernement israélien lors de l’ s attaque « Barrière protectrice » lancée contre la bande de Gaza fin en août. Elle s’est soldée par la mort de 2127 palestiniens dont 616 « combattants identifiés », et donc une majorité de civils dont de nombreuses femmes et enfants. Et ce ne sont pas les 99 enquêtes ouvertes par Tsahal sur les « abus » commis… par Tsahal qui changeront l’image de l’État d’Israël dirigé par la droite dure sinon extrême du Premier ministre Netanyaou.
Les deux principales organisations israéliennes de défense des droits de l’Homme en Israël et en dans les territoires occupés, Yesh Din ( www.yesh-din.org ) et BTselem (www.btselem.org ), ont dénoncé le système judiciaire militaire « incapable d’enquêter sur les questions de police ou de violation de la loi par des gradés ». Une enquête sur des centaines de cas, menée par les deux ONG indépendantes conclut que « les autorités israéliennes ne veulent pas enquêter sur les violations des droits de l’Homme commises par les forces de sécurité contre les Palestiniens. » Sollicitée par l’armée concernant des « incidents irréguliers » au cours de « Barrière protectrice », BTselem, a refusé de collaborer et dénoncé la démarche de l’armée. « Une structure ne peut enquêter sur elle-même, c’est du simple bon sens, a déclaré Hagai El-Ad, son directeur. Malgré cela, l’armée va enquêter sur sa propre conduite dans l’opération Barrière protectrice et ces enquêtes ne seront supervisées par personne en dehors de l’armée. » Et dans son rapport sur les crimes des Forces de sécurité, Yesh Din écrit « La plus part des cas des crimes violents contre les Palestiniens non seulement restent impunis, mais sont souvent complètement ignorés des autorités. C’est une violation évidente des droits de l’Homme des civils palestiniens vivant en Cisjordanie et des devoirs d’Israël en matière de loi internationale sur les droits humains ».
L’espionnage systématique des Palestiniens par la NSA au profit des services de renseignement israéliens et de Tsahal se place dans cette stratégie israélienne d’élimination physique des civils palestiniens en toute impunité. Cela s’appelle pourtant des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité avec un fond à peine caché de volonté génocidaire. La NSA en est complice.