L’ancien président yéménite a été tué à Sanaa, alors qu’il essayait de fuir pour rejoindre le camp pro-saoudien après avoir rompu avec ses « alliés » de circonstance, les Houthis.
Avec l’exécution de l’ancien président yéménite Ali Abdullah Saleh, avec quelques uns de ses plus proches lieutenants alors qu’ils s’apprêtait à fuir la capitale Sana pour rejoindre les unités de l’armée qui leur étaient restées fidèles avec quelques combattants de sa propre tribu, une page capitale est en train de se tourner dans l’histoire déjà très tourmentée du Yémen.
L’histoire retiendra qu’Ali Abdallah Saleh (né en 1942), un officier ambitieux issu de la puissante fédération tribale, les Hached, a pu se maintenir pendant 33 ans au pouvoir au prix d’incroyable acrobaties, de retournements de vestes spectaculaires et d’alliances contre nature. Ali Abdallah Saleh était tour à tour républicain nassérien, adulateur de Saddam Hussein, anti-saoudien viscéral puis leur principal pion au Yémen, avant que le Royaume saoudien ne le lâche en 2012, l’obligeant à se rallier à ses pires ennemis, les Houthis, dont il avait assassiné le fondateur, Hussein Badreddine al-Houthi, en 2004. Cette alliance contre-nature est le fruit de la myopie politique des monarchies du Golfe qui avaient opté pour son remplacement par des personnalités insignifiantes (le parti islamiste Al-Islah dirigé par le clan Al-Ahmar et l’actuel président fantoche, Abd Rabbo Mansour Hadi, une marionnette entre les mains des Saoudiens. En déstabilisant le Yémen, les monarchies du Golfe, soutenues par les pays occidentaux, ont conduit les Houthis, une organisation armée née dans l’une des provinces les plus marginalisées du pays (le gouvernorat de Sa’dah dans le nord-ouest, après s’être mis en rébellion contre le pouvoir central en 2004, avec des revendications purement sociales et économiques, à s’emparer en 2014 de la capitale et à s’étendre dans l’ensemble du pays. L’ancien président déchu n’avait d’autre choix que de rallier les nouveaux maitres du pays. En 2015, avec la nomination du Prince inexpérimenté et aventurier Mohammed Ben Salman à la tête du ministère de la défense, l’Arabie saoudite, inspirée par les Emirats arabes unis, déclare la guerre au Yémen avec la participation d’une dizaine d’armées supplétives. Deux ans et demi plus tard, cette guerre s’avère un véritable bourbier où des centaines de milliards de dollars sont engloutis en vain.
C’est pour sortir de ce bourbier que les « stratèges » en herbe à Riyad et à Abou Dhabi se retournent vers Ali Abdallah Saleh. Leur plan consistait à exfiltrer l’ancien président, qui avait deux jours auparavant déclaré la guerre aux Houthis et appelé les pays de la coalition à « négocier » avec lui une sortie de guerre, afin qu’il retourne ses armes contre ses anciens alliés. En contrepartie, son neveu Ahmed Ali Saleh serait propulsé au pouvoir. Il n’a pas eu le temps de récolter les fruits de cette énième trahison : les balles des houthis l’avaient mortellement atteint au moment où il tentait de fuir. Le camp de la Coalition saoudienne, après avoir salué le « héros » Saleh, déprime de nouveau. La sortie du bourbier yéménite n’est pas pour demain !
Cette déconfiture saoudienne n’arrive pas seule : elle a été précédée par le fiasco libanais avec le retour triomphal de Saad Hariri, retenu de force en Arabie saoudite, à son poste de Premier ministre. La fin de Daech, allié objectif du royaume wahhabite, en Irak et en Syrie et le probable retour des milliers de « djihadistes » saoudiens chez eux, ne font que compliquer la mission du nouvel homme fort du Royaume, Mohammed Ben Salman dit MBS qui ne rate pas une occasion pour conduire son royaume à sa perte.
Philippe Tourel