Des pays pas vraiment musulmans comme l’Ouganda et le Guyana sont membres de l’OCI quand une nation comme l’Inde – qui compte une « minorité » musulmane de 150 millions d’âmes (sept fois plus que l’Arabie Saoudite et… 160 fois plus que le Qatar) – n’y a que rang d’observateur.
Comme prévu, les pays musulmans réunis à La Mecque « cornaqués » par le Qatar et l’Arabie Saoudite ont exclu officiellement, dans la nuit de mercredi à jeudi, la Syrie de l’Organisation de la Conférence islamique. La raison invoquée pour justifier cet ostracisme est, bien entendu, « la nécessité de mettre fin immédiatement aux actes de violence en Syrie » et donc d’exercer une pression supplémentaire sur lui. Les participants de ce sommet extraordinaire et néanmoins formaté ont oublié de se pencher sur le cas, pourtant intéressant et tout proche de conférenciers, du Bahreïn.
On mesure le degré d’alignement des nations en question par le fait que sur les 57 participants, seul l’Iran s’est élevé, avec vigueur, contre cette décision dictée par les pétro-monarques et leurs parrains occidentaux. Cet unanimisme est certes de façade, et l’on sait que des pays comme le Liban, l’Irak, l’Algérie, le Pakistan, la Mauritanie, l’Indonésie, plusieurs républiques ex-soviétiques ne sont pas, dans les faits, sur cette ligne radicale anti-syrienne. Ajoutons que des pays pas vraiment musulmans comme l’Ouganda et le Guyana sont membres de l’OCI quand une nation comme l’Inde – qui compte une « minorité » musulmane de 150 millions d’âmes (sept fois plus que l’Arabie saoudite et… 160 fois plus que le Qatar) – n’y a que rang d’observateur.
Mais à l’heure de la décision symbolique, tout le monde, fors les Iraniens, s’est « couché ». La coalition anti-syrienne a des arguments forts en sa faveur : les dollars et une force de frappe, ou au moins de déstabilisation éprouvée : la Syrie en est justement, après la Libye, la démonstration.
Rappelons que l’OCI, symboliquement installée à demeure à Djeddah en Arabie Saoudite, a pour raison sociale la « solidarité et l’entraide » entre États musulmans et, un peu plus concrètement, le « renforcement de la coopération (…) dans les domaines économiques, sociaux, culturels, scientifiques », dans les obligations statutaires figurent aussi la sauvegarde des lieux saints de l’Islam et le soutien à la lutte du peuple palestinien.
Bref un énième « machin », aussi dévalué politiquement que la Ligue arabe, et tournant très concrètement le dos, en Syrie, à ses obligations de « solidarité », au profit de la politique régionale des pétro-monarques wahhabites et des Américains.
Mais il n’est aucune décision, particulièrement dans le monde arabe, qui ne se contourne : on sait par exemple que la Jordanie, jusqu’à une date très récente, n’appliquait pas les décisions de boycott de la Syrie édictées par la Ligue arabe : idem pour le Liban. Et de toute façon on ne voit pas ce que l’OCI pouvait de plus – ou de pire – que la Ligue arabe à ce sujet. Si le gouvernement syrien tient, et que l’opposition poursuit sa dérive islamiste radicale, ou confirme – dans le cas du CNS – son incapacité politique, nombre de pays de l’OCI et de la Ligue arabe oublieront leurs votes de convenance.
Une Syrienne à Pékin
À défaut de pouvoir compter sur une solidarité musulmane dont les Palestiniens et les Irakiens ont déjà pu mesurer la réalité, la Syrie peut toujours s’appuyer, outre l’Iran, sur la Russie et la Chine : Bouthaïna Chaabane, l’émissaire spéciale de Bachar al-Assad, est en ce moment à Pékin. Elle en a profité pour saluer l’attitude constante des Russes et des Chinois tout au long de cette crise, estimant dans un entretien accordé au quotidien China Daily, qu’eux du mois ne se comportaient pas en « colonisateurs ». Mme Chaabane a déclaré que son voyage avait pour but « de fournir au gouvernement chinois l’image réelle de ce qui se passe en Syrie ». Elle devait d’ailleurs s’entretenir ce jeudi avec le chef de la diplomatie chinoise, Yang Jiechi. Lequel a lancé ce jeudi un nouvel appel au cessez-le-feu entre les deux parties.
Dans ce même entretien, la conseillère de Bachar indique aux lecteurs chinois que les sanctions occidentales avaient affecté notamment le secteur de la Santé publique en Syrie. Elle dit aussi que les puissances occidentales et l’opposition syrienne se sont mis ensemble « dans une impasse » en exigeant le retrait de Bachar al-Assad.
Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a indiqué que cette visite de la diplomate syrienne s’inscrivait dans la démarche de soutien de Pékin à une solution politique et négociée en Syrie, et que la Chine était prête à recevoir aussi des opposants.
On en est fâché pour la dignité et le prestige de l’islam international, mais entre une coquille vide, ayant depuis longtemps failli à sa mission, comme l’OCI (ou la Ligue arabe) et de vraies puissances non plus émergentes mais montantes comme la Chine et la Russie, la Syrie a-t-elle tellement de regrets à avoir ?
Source : InfoSyrie