Le Conseil des Nations Unies pour les Droits de l’Homme a appelé l’Union africaine à enquêter auprès des dirigeants érythréens sur les suspicions de crimes contre l’humanité après la publication d’un rapport accablant de la commission d’enquête de l’ONU pour l’Érythrée mais rejeté par cette dernière
L’Union africaine devrait « mener une enquête pour examiner les violations et abus des droits de l’homme identifiés par la commission d’enquête, y compris tout ce qui peut être qualifié de crime contre l’humanité, et de poursuivre en justice les responsables », peut-on lire dans la résolution adoptée, le 1 juillet, par les 47 membres du Conseil des Droits de l’homme.
Dans son rapport présenté le 22 juin en séance plénière du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, la Commission d’enquête accuse le gouvernement du président Isaias Afwerki d’avoir commis des crimes de haine depuis l’indépendance, il y a un quart de siècle, et d’avoir réduit en esclavage 400 000 personnes. Nombre de ces abus sont liés au programme rigoureux du service national à vie auquel il est presque impossible d’échapper pour la plupart, et que la Commission d’enquête (COI) apparente à une forme d’esclavage. Est soulevée, également, la question des assassinats des migrants érythréens systématiquement abattus à la frontière par l’armée érythréenne. C’est, d’ailleurs, ce type d’incident qui a déclenché les récentes hostilités avec le voisin éthiopien.
Dans leurs conclusions, les enquêteurs de l’ONU n’ont constaté que peu d’amélioration dans le domaine des droits de l’homme en Érythrée depuis l’indépendance, il y a vingt-cinq ans.
Suite à ce rapport, l’Érythrée qui accuse son voisin et éternel ennemi, l’Éthiopie, de mener campagne contre elle, à l’ONU, avait présenté un projet de résolution rejetant totalement ses conclusions, tandis que Djibouti faisait des propositions pour que le rapport trouve un prolongement. En effet, pour des raisons d’objectivité, les enquêteurs n’ayant pas eu la possibilité de vérifier les accusations portées par les victimes auprès des personnes mises en cause, le rapport ne cite aucun nom de responsables potentiels des crimes. Cependant, la liste obtenue sera publiée si un tribunal poursuit l’enquête.
N’étant pas autorisée à entrer en territoire érythréen, la commission d’enquête de l’ONU a procédé par interview de membres de la diaspora, particulièrement au Soudan, en Éthiopie et à Djibouti, mais aussi en Italie, Suède, Allemagne et aux États-Unis. Soit, 550 personnes interrogées et 150 témoignages écrits, alors que la plupart des émigrés érythréens craignant toujours pour leur vie, même à l’étranger, hésitent à livrer leurs témoignages.
Pourquoi demander à l’Union africaine de mener une enquête alors que l’organisation continentale ne dispose pas de tribunal, ni de juge ? En fait, l’ONU a retenu l’expérience de l’UA dans la mise en place de la cour spéciale qui a jugé et condamné à la prison à vie l’ancien président tchadien, Hissène Habré. Certains experts estiment, aujourd’hui, que ce type de tribunal devrait être multiplié, au cas par cas, pour éviter l’implication du tribunal pénal international de La Hague contesté aujourd’hui par nombre de dirigeants africains qui l’accusent de se concentrer de façon partiale sur l’Afrique.