« L’Otan est une menace pour la sécurité de ses membres et du monde », selon Patrick Armstrong, ancien conseiller politique à l’ambassade canadienne à Moscou.
L’Otan a élu, en mars dernier, un nouveau secrétaire général, le Suédois Jens Stoltenberg. Fin octobre, il délivrait son premier discours politique au General Marshall Fund, à Bruxelles, qui, dès les premières phrases, ne laissait aucun doute sur son approche et son analyse de la situation mondiale. « À l’est, les actions de la Russie en Ukraine violent la loi internationale. Ils ont gravement ébranlé la confiance. Et cela pose un défi majeur à la sécurité Euro-Atlantique. Au sud, les frontières disparaissent. Les États sont fragilisés. ISIL et d’autres groupes extrémistes en Afrique du Nord et au Moyen Orient, répandent la violence et l’instabilité. Et ils risquent d’exporter le terrorisme dans nos rues. Ces menaces s’ajoutent à d’autres. La prolifération des missiles, la rupture de l’énergie et les cyber attaques. Il n’y a pas longtemps, nous avions l’habitude de caractériser ces menaces d’« émergentes » Mais elles ont bel et bien émergé. Et elles font, aujourd’hui, totalement partie de notre environnement. Nous pouvons, et nous devons répondre à ce défi ». Pour Patrick Armstrong, ancien conseiller politique à l’ambassade du Canada à Moscou, l’Otan est une menace pour ses membres en les entraînant dans des interventions fondées sur des prétextes injustifiés. Nous publions ci-dessous la traduction de l’interview qu’il a accordée au site www.RT.com
RT : Le visage de l’Otan a changé. Cela signifie-t-il un changement de politique ?
Patrick Armstrong : Voilà, selon moi, ce qu’aurait dit Stoltenberg s’il avait voulu montrer que l’OTAN discutait sérieusement. Il aurait pu dire, et cela aurait figuré à l’ordre du jour de cette récente réunion : « M. Kerry, il y a un an, vous nous disiez que vous étiez absolument certain que le gouvernement syrien utilisait des armes chimiques et que nous devions le bombarder. Aujourd’hui, vous nous dites que nous devrions bombarder les gens que vous souteniez il y a un an. Expliquez, discutez, s’il vous plaît. » Nous avons tous vu des photos des miliciens s’ébattre dans la piscine de l’ambassade américaine à Tripoli. « L’intervention de l’Otan en Libye était-elle une bonne ou une mauvaise idée ? Discutons-en ». Il y a un mois, nous avons appris que l’Armée de libération du Kosovo que nous avons soutenue – et nous lui avons livré le pays il y a 15 ans – était en fait une organisation tout à fait criminelle et néfaste. Discutons. En conclusion, M. Stoltenberg, cela signifierait, à mes yeux, que fondées sur les pratiques du passé, les interventions de l’Otan semblent avoir rendu les choses pires, avoir porté atteinte à la sécurité de ses propres membres, et avoir été motivées par des prétextes plutôt légers.
RT : Pourquoi, exactement, l’Otan voit-elle la Russie comme une menace ?
P.A. : Le sentiment récent exprimé par l’Otan est que la Russie est en train de faire des choses terribles au pas de sa porte. Et le pas de la porte de l’Otan se déplace continuellement. Parlant en tant que membre d’un pays qui a joué un rôle important dans la création de l’Otan, cette organisation est en fait une très grande menace pour la sécurité du Canada, sans parler de ses autres membres et du reste du monde. Elle nous entraîne sans cesse dans ces guerres menées pour des raisons qui finissent toujours par se révéler moins solides qu’elles ne nous avaient été présentées. Pourquoi la Russie ? Je ne sais pas. Peut-être que l’Otan est juste anti-Russie.
RT : Le nouveau chef de l’Otan a affirmé que ses troupes laissaient en Afghanistan une situation plus stable et sécurisée alors que les chiffres montrent exactement le contraire. Est-ce un déni conscient de la situation ?
P.A. L’Otan vit dans un monde étrange, imaginaire. Cela me rappelle le Pacte de Varsovie. À un certain point, ils doivent savoir que chaque mot qu’ils prononcent est un mensonge et, cependant, ils continuent de le faire. Honnêtement, je ne sais pas ce qui se passe. J’ai soutenu l’Otan à l’époque de la guerre froide, mais aujourd’hui, elle est devenue aussi destructrice qu’un bulldozer, comme l’un de ces énormes engins qui concassent, écrasent et détruisent.
Traduit par Afrique Asie