Deux idées clefs : diversification de l’économie et respect de l’environnement. Dans son rapport 2012, Transformation structurelle et développement durable en Afrique, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) poursuit la réflexion menée dans son précédent rapport sur la nécessaire industrialisation du continent et s’attaque à deux défis simultanés, aussi difficiles l’un que l’autre et liés entre eux. Car la diversification, qui passe nécessairement par des formes d’industrialisation, peut nuire à la qualité environnementale et entraver le développement durable. C’est donc à ce titre que l’organisation onusienne encourage les pays africains qui entament avec retard leur processus d’industrialisation à rechercher des technologies plus efficaces et moins polluantes. Et elle invite les investisseurs et les donateurs à soutenir une telle stratégie.
Les pays en développement du continent devraient mettre en valeur leurs abondantes ressources naturelles avec des techniques « vertes », de façon à garantir l’élévation du niveau de vie tout en protégeant l’environnement, affirment les experts de la Cnuced. Il s’agit, en somme, d’éviter ce qu’ont connu dans le passé les pays industrialisés, à savoir : la croissance maintenant, le nettoyage après.
Encore faut-il changer le modèle de croissance actuel en Afrique. Celui-ci, qui a permis une croissance plutôt élevée ces dernières années (5 % en moyenne entre 2002 et 2008), repose principalement sur « l’exploitation de ressources naturelles qui ne sont pas inépuisables ou pas renouvelables et ne s’est pas accompagné d’améliorations suffisantes sur le plan de l’emploi ». Un modèle insoutenable, insiste la Cnuced. Il est donc indispensable de procéder à la « transformation structurelle de l’économie » que l’organisation onusienne n’a cessé de prôner, afin de surmonter les défis existants. Le premier d’entre eux est la diversification de l’économie, répète-t-elle, dans un contexte de modernisation. Fini les importations d’équipements obsolètes et de techniques de production largement dépassées, même s’ils ont été autrefois, sur d’autres continents, le point de départ d’industrialisations prometteuses. L’Afrique doit pouvoir éviter cette étape, faire un saut qualitatif de techniques industrielles de plusieurs générations, afin de « promouvoir la transformation structurelle sans compromettre l’objectif de préservation de l’environnement ».
La Cnuced rappelle que l’Afrique « est la région qui a le moins contribué aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais qui est la plus touchée par les changements climatiques ». En 2009, les émissions totales de dioxyde de carbone (CO2) imputables à l’Afrique ont atteint 928 millions de tonnes (soit 3,2 % des émissions mondiales), contre 10,30 milliards de tonnes pour l’Asie et 12,45 milliards de tonnes pour les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Qui plus est, en raison des changements climatiques, « les rendements agricoles en Afrique pourraient chuter de 50 % d’ici à 2020, et entre 75 millions et 250 millions de personnes pourraient bien être exposées à un stress hydrique accru ».
D’où la nécessité d’introduire des méthodes plus efficaces d’exploitation pour atteindre un rendement plus important des terres cultivées, alors que de nombreuses régions connaissent la déforestation et la dégradation des sols. La Cnuced note même, depuis quelques décennies, un recul de la productivité agricole en Afrique, citant notamment les cas de l’Ouganda, de la République démocratique du Congo et du Sénégal. En revanche, note-t-elle, « l’Afrique du Sud et l’Égypte, avec l’une et l’autre des systèmes de production agricole relativement avancés, font partie des quelques pays de la région échappant à la tendance ».
Le message central du rapport est enfin que le développement durable en Afrique « passe par des mesures délibérées, concertées et proactives pour promouvoir la transformation structurelle durable et le découplage relatif entre le processus de croissance et l’utilisation des ressources naturelles avec les conséquences environnementales qui en découlent ». La Cnuced encourage tout particulièrement l’amélioration de l’accès aux sources d’énergie modernes et l’efficacité énergétique, et prône l’abandon des sources d’énergie non renouvelables au profit des renouvelables. Le rapport insiste sur l’importance cruciale de l’accès facilité à la technologie, en favorisant notamment les transferts entre les pays partenaires développés ou émergents et les pays africains, voire en favorisant l’impulsion de la recherche pour développer des technologies adaptées innovantes.