Un appel au boycott d’Israël, suivi massivement par les universitaires britanniques.
Des universitaires du Royaume Uni ont lancé un texte-pétition sur les réseaux sociaux et dans le Guardian de Londres, dans lequel ils s’engagent à boycotter les institutions universitaires israéliennes. Moins de 24 heures après la publication de ce texte, le 27 octobre, le nombre des signataires s’élevait à plus de 1000. « L’Engagement » est, selon les initiateurs, une réponse à l’appel de la société civil palestinienne, lancé le 9 juillet 2005, « pour le boycott, le désinvestissement et l’application de sanctions contre Israël jusqu’à ce qu’il respecte les lois internationales et les principes universels des droits humains ». L’appel fut lancé un an après le verdict de la Cour international de justice jugeant illégal la construction du Mur par Israël dans les territoires occupés.
Trente ans après l’occupation de la Cisjordanie, de la Bande de Gaza et du plateau du Golan, Israël continue d’étendre les colonies juives, a annexé la partie occupée de Jérusalem Est et le plateau du Golan et annexe, aujourd’hui, de facto, de larges portions de la Cisjordanie grâce à la construction du Mur. Cinquante sept ans après l’établissement de l’État d’Israël, principalement grâce à l’expropriation des Palestiniens et une épuration ethnique sévère, une majorité d’entre eux sont devenus des réfugiés, beaucoup sont apatrides. Israël a imposé un système de discrimination raciale contre ses propres citoyens arabo-palestiniens jusqu’à ce jour.
Depuis 1948, des centaines de résolutions de l’ONU ont condamné la politique coloniale d’Israël, illégale et discriminatoire et l’ont appelé à y remédier. « Inspirés par le combat des Sud-Africains contre l’apartheid et dans l’esprit de la solidarité internationale, de la constance et de la résistance à l’injustice et à l’oppression, disait l’Appel des Palestiniens, nous, représentants de la société civile palestinienne, appelons les organisations de la société civile internationale et les peuples de conscience dans le monde à imposer de larges boycotts et des initiatives pour le désinvestissement contre Israël tels que ceux qui ont été appliqués au régime sud-africain d’apartheid. Nous vous appelons à faire pression sur vos États respectifs pour imposer des embargos et des sanctions contre Israël. Nous invitons, également, les Israéliens conscients à soutenir cet appel, dans l’intérêt de la justice et d’une paix durable. »
L’appel de 2005 signé par près de 200 organisations civiles et politiques palestiniennes de la Bande de Gaza, de Cisjordanie, et arabo-palestiniennes d’Israël, demandait expressément :
– la fin de l’occupation et de la colonisation de toutes les terres arabes et le démantèlement du Mur
– la reconnaissance de la pleine égalité des droits fondamentaux des citoyens arabo-palestiniens d’Israël
– Le respect, la protection et la promotion des droits des réfugiés palestiniens au retour au pays, ainsi que la restitution de leurs biens selon la résolution 194 de l’ONU.
Depuis, la campagne BDS, (Boycot-Désinvestissement-Sanctions) lancée en Europe, dans un premier temps, s’est développée dans le monde entier, s’étendant à des institutions financières, politiques et académiques. En Afrique du sud, des figures historiques de la lutte du peuple sud-africain, comme Rosny Kasrils et Max Ozinsky, tous deux d’origine juive, ont lancé, en juin 2001, la pétition intitulée « Not in my Name » (« Pas en mon nom ») signée par des centaines de juifs sud-africains, entre autres. En Grande Bretagne, en 2002, alors que se déroulait l’opération « Rempart » de redéploiement de l’armée israélienne en Cisjordanie, une lettre ouverte publiée dans le Guardian de Londres par Hilary et Steven P. Rose, appelait à la suspension de la collaboration des université et des organismes de recherche avec leurs homologues israéliens, suivie d’autres initiatives dont la portée fut affaiblie par la division qui régnait, alors, sur le sujet, au sein des universités et des syndicats.
Cependant, à partir de 2002, la campagne internationale commence à se développer dans d’autres secteurs, comme en Norvège où la chaine de supermarchés CoopNorge (25% du chiffre du secteur) boycotte les produits israéliens et appelle ses partenaires suédois et danois à faire de même, ou aux États-Unis, où les étudiants appellent les universités à désinvestir en Israël, comme cela avait été efficacement le cas contre le régime d’apartheid. Après un ralentissement entre 2002 et 2005, la campagne BDS impulsée en Europe, soutenue par des citoyens israéliens, des organisations juives pour la paix, des associations antiracistes, par des personnalités internationales diverses, et par le président de la 63ème Assemblée générale de l’ONU, Miguel D’Escoto Borckmann, a repris de l’ampleur internationalement, stimulée, notamment, par les opérations militaires israéliennes en territoires palestiniens, la guerre de Gaza de l’hiver 2008-2009, notamment.
L’appel lancé aujourd’hui par les universitaires britanniques, dans un contexte d’extrême tension et de durcissement de la politique israélienne, montre, par l’ampleur et la rapidité des signatures, que le mouvement s’étend au Royaume-Uni, au-delà des divisions et des débats contradictoires qui l’avait marqué et freiné pendant longtemps. Il a provoqué une réaction immédiate des gouvernements britannique et israélien. « Comme l’a dit David Cameron, le gouvernement britannique ne permettra jamais à ceux qui veulent boycotter Israël de mettre fin à soixante ans d’échanges et de partenariat remarquables qui ont tant contribué à rendre plus forts nos deux pays », a déclaré David Quarrey, l’ambassadeur britannique en Israël. L’ambassade d’Israël à Londres, a, de son côté publié une réponse à l’appel des universitaires : « Les mouvements de boycott ne vise qu’à semer la haine et l’aliénation entre les parties, plus qu’à promouvoir la coexistence ». Faisant preuve du cynisme auquel le gouvernement israélien a habitué la communauté internationale, il ajoute : « Le seul chemin vers la paix entre Israéliens et Palestiniens passe par la salle des négociations. Israël a appelé de nombreuses fois à la reprise immédiate des pourparlers, sans aucune condition. Ceux qui appellent au boycott contre Israël pendant ce mois qui a vu 45 attaques au couteau – au cours desquelles plus de cent Israéliens ont été blessés et dix, tués – ignorent de façon honteuse la vie des Israéliens et les conditions nécessaires à la paix. »
Texte de l’appel :
« L’Engagement
Nous, enseignants associés aux universités du Royaume Uni, et en réponse à l’appel de la société civile palestinienne, nous déclarons que nous refusons :
– d’accepter les invitations à visiter des institutions académiques universitaires ;
– d’intervenir en tant que référents dans leurs programmes ;
– de participer au financement de conférences organisées ou sponsorisées par elles, ou toute coopération avec elles.
Cependant, nous continuerons à travailler avec nos collègues israéliens dans leurs compétences individuelles.
Cet engagement est notre réponse à l’occupation illégale de la Palestine par Israël et aux violations intolérables des droits humains infligées à l’ensemble de la société palestinienne. Nous maintiendrons cette position jusqu’à ce que l’État d’Israël se soumette aux lois internationales et respecte les principes universels des droits humains. »