Déclaration de Desmond Tutu après avoir annulé sa participation au Discovery Invest Leadership Summit à Johannesburg, début septembre.
L’immoralité de la décision des Etats-Unis et de la Grande Bretagne d’envahir l’Irak en 2003, basée sur le mensonge selon lequel l’Irak possédait des armes de destruction massive, a déstabilisé et polarisé le monde au-delà de tout autre conflit dans l’Histoire.
(…) Si les dirigeants mentent, qui alors devrait dire la vérité ? Plusieurs jours avant que George W. Bush et Tony Blair ordonne l’invasion de l’Irak, j’ai téléphoné à la Maison Blanche et parlé à Condoleezza Rice qui était, alors, la conseillère en matière de sécurité nationale, pour demander que les inspecteurs des Nations Unies puissent avoir plus de temps pour confirmer ou infirmer l’existence d’armes de destruction massive en Irak. S’ils étaient capables d’en apporter la preuve, expliquais-je, le démantèlement la menace aurait le soutien de toute la planète. Madame Rice objecta, expliquant que le risque était trop grand et que le président n’attendrait pas plus longtemps.
Sur quelles bases décidons-nous que Robert Mugabe devrait aller devant la Cour internationale de justice, Tony Blair rejoindre le cercle international des tribuns, ben Laden assassiné, et l’Iraq envahi, non pas parce qu’il possède des armes de destruction massive, comme le supporter de Bush, M. Blair, le confessait la semaine dernière, mais pour se débarrasser de Saddam Hussein ?
Le prix de la décision de chasser d’Irak son dirigeant indiscutablement despote et assassin est stupéfiant, à commencer en Irak même. L’année dernière, une moyenne de 6,5 sont mortes chaque jour dans des attaques suicides et des véhicules piégés, selon l’Iraqi Body Count Project. Plus de 110 000 irakiens sont morts dans le conflit depuis 2003 et des millions ont été déplacés. À la fin de l’année dernière, près de 4500 soldats américains avaient été tués et plus de 32000 blessés.
Sur ces seules bases, dans un monde qui se respecte, les responsables de ces souffrances et de ces pertes de vie devraient être traités de la même manière que certains de leurs pairs africains et asiatiques qui ont dû répondre de leurs actes devant le tribunal de la Haye.
Mais au delà des champs de tueries, c’est dans le durcissement des cœurs et des esprits de la famille humaine mondiale que se situe le prix le plus élevé. Le potentiel terroriste a-t-il baissé ? Dans quelle mesure avons-nous réussi à rapprocher les soi-disant mondes musulman et judéo-chrétien, semer les graines de compréhension et d’espoir ?
Leadership et moralité sont indivisibles. Les bons dirigeants sont les gardes de la moralité. La question n’est pas de savoir si Saddam Hussein était bon ou mauvais, ou combien il a massacré de gens. La question est que Mr Bush et Mr Blair n’auraient pas dû s’autoriser à se hisser à son niveau d’immoralité.
S’il est acceptable pour des dirigeants de prendre des décisions drastiques sur la base d’un mensonge, sans le reconnaître ni présenter des excuses lorsqu’ils sont démasqués, qu’apprendrons-nous à nos enfants ?
Mon appel à M. Blair n’est pas de parler de direction mais de démontrer. Vous êtes un membre de notre famille, la famille de Dieu. Vous êtes fait pour la bonté, pour l’honnêteté pour la moralité, pour l’amour. Comme nos frères et sœurs en Irak, aux États-Unis, en Syrie, en Israël et en Iran.
Je n’ai pas jugé approprié d’avoir cette discussion au Discovery Invest Leadership Summit, à Johannesburg, la semaine dernière. À l’approche de la date, j’ai ressenti un sentiment croissant de malaise sur le fait d’assister à ce sommet sur la « direction » avec M. Blair. Je présente mes humbles et sincères excuses à Discovery, les organisateurs du sommet, les intervenants et les délégués pour avoir pris tardivement la décision de ne pas y assister.»