L’autonomie céréalière en question.
Si des indices classent l’Algérie comme l’un des pays gros importateurs de blé dans le monde, rien n’indique que cette situation perdurera. Les différents plans de relance de la céréaliculture et les aides octroyées à la filière montrent que l’Algérie compte réduire sa facture céréalière à l’achat, sachant que la production nationale qui ne couvre aujourd’hui que 40 % des besoins n’est pas pas suffisante pour dominer le marché. Et les fournisseurs étrangers tentent de mettre les bouchées doubles pour rafler la mise sur un marché prometteur pour leur business.
L’autonomie alimentaire accuse un coup sérieux face au plan de relance de la production céréalière qui est mise à mal par le déficit des récoltes, même s’il a été enregistré ces deux dernières années de bons résultats. Pour la première fois, l’Algérie a baissé son quota d’importation de céréales, dont particulièrement le blé. En effet, le montant est passé de 872,56 millions à 640,26 millions dollars, soit une baisse de plus de 26,6 %, note le CNIS dans sa dernière livraison. La facture des importations des céréales est appelée à poursuivre sa tendance baissière en 2012 grâce à une bonne récolte de céréales attendue cette saison. Le plan de production céréalière s’attend ainsi à moins de 55 millions de quintaux, à la faveur des conditions climatiques favorables et du défrichage de terres de culture pour les céréales, notamment à l’est et à l’ouest du pays. Cette récolte attendue dépassera largement celle de 2011 qui n’avait pas excédé les 42 millions de quintaux et celle de 2010 qui avait avoisiné les 45 millions de quintaux au plus fort de la courbe productive. À la question de savoir si notre sécurité alimentaire sera à l’abri, le ministre est formel : « Si nous continuons sur ce rythme, nous améliorerons nettement notre production et nos rendements. Nous sommes sur la bonne voie, il faut sécuriser davantage les agriculteurs parce que ce sont eux les créateurs de richesse. » Pour ce qui est de la structure des importations, le CNIS révèle une tendance à la baisse. « Durant les quatre premiers mois de 2012, les importations de blé tendre ont représenté 1,59 million de tonnes, en baisse par rapport à la même période en 2011 (1,87 million de tonnes), tandis que les achats de blé dur, eux, ont atteint 409,329 tonnes, contre 622,503 de tonnes en janvier-avril 2011 », est-il indiqué. En tout, les importations totales de blé par l’Algérie en 2011 ont été de 7,42 millions de tonnes, soit une hausse de 41,5 % par rapport à 2010. Le premier fournisseur en blé, à savoir la France, a enregistré une exportation exceptionnelle à l’endroit du marché algérien depuis 1962.
L’année 2011 a été qualifiée par le département de Rachid Benaïssa comme la « mauvaise récolte », où la production avait atteint 4,2 millions de tonnes. « Les importations exceptionnelles depuis la France et le Canada ont été doublées pour faire reculer la pénurie alimentaire qui commençait à apparaître », analyse M. Hamoui, expert en économie agricole qui estime que la consommation nationale en céréales est élevée puisqu’elle se situe à 7,4 millions de tonnes.
Selon le rapport de la FAO, « si l’Algérie importe le blé européen, c’est dans le cadre de la reconstitution des stocks », rappelant ainsi l’importation durant le mois de janvier dernier de quelque 450 000 tonnes. Mais des prévisions tablent pour cette année sur une limitation des importations, sauf pour l’orge et le blé tendre qui restent les parents pauvres de la production. Selon un bilan établi par le ministère de l’Agriculture, la production agricole est passée de 10 millions de tonnes lors de la décennie 1990-2000 à 17 millions de tonnes durant les 10 dernières années. Globalement, l’agriculture algérienne participe à hauteur de 10,3 % du PIB national en 2011, contre seulement 8,5 % en 2010. Les importations céréalières qui se situaient en termes de volume entre 4 et 5 milliards de dollars ont été réduites presque de moitié et tournent aux alentours de 2 à 2,5 milliards de dollars.
La carte céréalière algérienne contrariée par les importations
L’Algérie a réalisé plus de 61,2 millions de quintaux de céréales en 2009. C’est un record de production jamais réalisé dans son histoire, grâce à l’application stricto sensu de la carte céréalière. Cette carte, rappelons-le, a été initiée par le ministère de l’Agriculture et l’Institut algérien de recherche agronomique (INRAA) dès 2008, où « le rendement à l’hectare a été favorisé d’avantage dans les nouvelles surfaces céréalières emblavées », note un chercheur de l’institut.
Les résultats de la campagne 2009 et 2010 et, moyennement, celle de 2011 ont illustré « un rendement favorable à l’est du pays avec une moyenne de 500 quintaux à l’hectare », indique une note de synthèse de l’INRAA de mars 2012. 6 millions de tonnes de céréales produites en 2010 devaient favoriser un début d’autonomie face à la logique d’import. « L’OAIC avait acheté toute la production locale en tenant compte des cours mondiaux, ce qui stimulait les producteurs », indique-t-on au ministère de l’Agriculture. Mais il reste difficile de maintenir ce cap face aux retournements du marché mondial qui subit actuellement une crise de déficit sévère. Dans une analyse consacrée à l’agriculture algérienne durant ce mois en cours, le cabinet international Oxford Business Group (OBG) avait conclu que « si les pouvoirs publics n’arrivent pas à dynamiser la production céréalière locale, le pays restera très exposé à la volatilité mondiale des prix des matières premières ». Le cabinet d’OBG indique que « l’une des priorités de l’Algérie pour l’année 2012 sera d’accroître les investissements dans l’agriculture, à l’heure où le pays cherche à réduire sa dépendance à l’égard des importations, qui ont progressé de 6,8 milliards d’euros l’an dernier ». Des signes inquiétants montrent que la production céréalière en Algérie ne couvrira pas tous les besoins du marché. D’où le recours, encore une fois, aux quotas d’importations de blé dur et tendre pour les stocks à venir. Selon l’étude du cabinet d’OBG « les céréales, la semoule et la farine » ont représenté une augmentation de 44,98 %, passant de 204,2 millions à 296 millions de dollars durant la même période ». Ces deux dernières années ont été marquées par une nette régression, puisque la production est retombée à 4,5 millions de tonnes en 2010 et 4,2 millions de tonnes en 2011. L’une des raisons qui fait croire à un scénario pessimiste vient du dernier rapport de la FAO. Le rapport, repris par l’agence d’informations financières Bloomberg, estime que « le rythme des dernières précipitations pourrait réduire le potentiel des rendements avec l’apparition en temps voulu des pluies saisonnières en novembre et un arrêt précoce des précipitations au cours du mois de décembre dans les régions ouest ». Et d’ajouter que « les pluies d’avril sont importantes pour les étapes ultérieures du cycle de culture ». Mais il n’y a pas que la cause climatique qui peut réduire les chances d’une bonne récolte. L’organisation onusienne explique aussi que « les observations des images satellites indiquent que les conditions de végétation sont pauvres à l’ouest et sont insuffisantes depuis fin mars. La FAO précise que la production de blé a déjà chuté l’année dernière de 11 %, à 2,75 millions de tonnes métriques, tandis que la récolte d’orge a chuté de 10 %, à 1,35 million de tonnes. Automatiquement, la FAO prévoit une hausse des importations de céréales. Les prévisions tablent sur des achats de l’ordre de 9,15 millions de tonnes à juin 2012, contre 8,65 millions de tonnes une année auparavant. Rien que pour le blé, les importations devraient atteindre un volume de 6 millions de tonnes durant la saison 2011-2012, soit environ 15 % de plus que l’année précédente.
Le blé algérien connaît un rendement moyen
Pour améliorer le rendement des terres cultivables en blé, les agriculteurs veulent acquérir l’expérience des autres. Dans l’Est algérien, un réseau qualité de blé a été créé par une poignée de producteurs céréaliers, avec le groupe Benamor qui se met de la partie. C’est dans la commune d’El-Fedjoudj, à Guelma, indique une lettre de ce réseau, « qu’une délégation américaine de céréaliers regroupés au sein de l’association US Weat a séjourné récemment ». Le but de la partie algérienne est de présenter « une étude et un exposé sur l’expérience de ce réseau créé durant la campagne 2010 ». Plusieurs producteurs céréaliers de Sétif, Guelma, Annaba, Constantine et Mila se sont joints à ce réseau « pour ouvrir des perspectives algéro-américaines de production et de commercialisation de blé ». A retenir que les USA exportent peu de blé en direction de l’Algérie, à l’inverse des pays arabes comme l’Égypte », précise M. Lloyd, membre de cette association. Ces régions, dotées de meilleures terres, produisent, selon les données du ministère, les trois quarts de la production céréalière algérienne. Dans une étude sur l’amélioration des rendements céréaliers publiée par l’organisme ProFert, M. Benai et M. Belabas ont pu constater que « le rendement en Algérie est de 50 quintaux à l’hectare alors qu’en France et en Égypte il avoisine les 60 quintaux et qu’en Tunisie il se situe à un peu plus de 38 quintaux ». D’autres chercheurs de l’université d’Annaba recommandent notamment « la fertilisation azotée et minérale et l’utilisation de techniques appropriées, qui contribuent à une qualité supérieure de blé ». Les résultats, selon ces derniers, peuvent amener dans les prochaines campagnes de récolte à obtenir des rendements qui peuvent se situer entre 55 et 60 quintaux à l’hectare, si toutefois 50 % des terres emblavées sont exploitées. L’Algérie peut-elle couvrir ces besoins sans trop recourir à l’importation ? L’année 2012 s’amorce avec la même tendance à la hausse des importations de céréales. On évoque ainsi l’achat durant les deux premiers mois de l’année de 920 000 tonnes de blé tendre et dur, pour une valeur de plus de 311 millions de dollars. La facture pourrait aussi être plombée par un risque de hausse des cours du blé. Selon le Conseil international des céréales, les perspectives 2012/2013 démontrent que les rendements moyens en céréaliculture pourraient ne pas égaler le niveau enregistré l’an dernier et que les stocks pourraient progressivement diminuer. Aussi, des besoins d’importation accrus dans des pays comme l’Algérie pourraient soutenir le raffermissement des cours du blé. Sur le plan international, on assiste à un déclin des exportations suite aux aléas climatiques dans certains pays mais aussi pour des raisons de crise. L’analyste de l’Association des céréaliers français, Xavier Rousselin, affirme que « cette baisse des échanges mondiaux s’explique par des prix très élevés en début de campagne qui ont freiné les achats et incité aux substitutions lorsque cela était possible. De leur côté, les exportations européennes ont presque baissé de moitié, passant de 2,1 Mt en 2010 à 1 Mt en 2011 ». Ce contexte profite à certains pays, indique-t-il. La baisse des échanges s’explique aussi par de bonnes productions domestiques enregistrées dans des pays importateurs comme l’Algérie ou la Tunisie qui ont moins importé en 2011.
Source : Le Jeune Indépendant
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