Tandis que Donald Trump et ses faucons du Pentagone se déchaînaient contre la Corée du Nord, faisant monter les enchères de façon à la fois ridicule et dangereuse, la Corée du Sud dont le peuple exprimait sa lassitude et son inquiétude face à cette haine guerrière américaine, tissait lentement mais sûrement la toile de la détente et avançait à pas feutrés dans sa stratégie de paix et de réconciliation des « frères » coréens. Une stratégie qui semble devoir payer.

– Le président nord coréen Kim Jong-un reçu en grand pompe à Pékin. Donald Trump et les faucons du Pentagone semblent avoir « perdu la main » sur l’avenir de la Péninsule coréenne. Crédit : Chinese Government/Xinhua/Ju Peng
L’année 2017 aura été celle des menaces de guerre, de l’escalade militaire des deux côtés, des tests nucléaires coréens, des grandes manœuvres et des diatribes insultantes américaines devenues de véritables morceaux d’anthologie. Une situation de tension extrême qui laissait penser que le pire pourrait arriver. Le 8 août 2017, Donald Trump déclarait : « La Corée du Nord devrait arrêter de menacer les États-Unis, sans quoi, ils se heurteront au feu et à la colère, comme le monde ne l’a jamais vu ». Dans la même rhétorique, il déclarait, devant l’assemblée générale de l’ONU : « … Mais si nous sommes contraints de nous défendre ou de défendre nos alliés, nous n’aurons d’autre choix que de détruire totalement la Corée du Nord. » L’ « Homme-fusée », ajoutait-il avec la même arrogance et le même mépris pour un peuple dont le sort est lié au délire de ce chef d’État irresponsable, est en mission suicide contre lui-même et contre son régime ». Aux provocations de Trump répondaient celles, défensives, de Kim Jong-un menaçant de tirs de missiles sur les États-Unis, entre autres folies.
Au milieu de cette guerre des mots et des menaces entre la Corée du Nord et les États-Unis, la Corée du Sud, bien qu’alliée de Washington, appelait à plusieurs reprises au calme, demandant aux Américains d’ « éviter l’escalade ». « Il est impératif que, nous, Corée du Sud et États-Unis, ensemble, puissions gérer la situation de manière à éviter une escalade ultérieure des tensions ou des affrontements militaires accidentels qui pourraient rapidement dégénérer », déclarait, en septembre 2017, la ministre des Affaires étrangères sud-coréenne, Kang Kyung-wha, ajoutant, « Il ne peut pas y avoir de nouvelle guerre »
Le 5 novembre, à Séoul, des milliers de personnes manifestaient contre la venue, les 7 et 8 novembre, de Donald Trump auquel les Coréens reprochaient d’aggraver les risques de guerre contre le voisin du nord et de mettre en danger leur pays. Ils réclamaient « la Paix » haut et fort. Sourd et aveugle, Donald Trump utilisait, le 8 novembre, la tribune de l’Assemblée nationale sud-coréenne pour adresser un message virulent à Kim Jong-un. « Maintenant est venu le temps de la force. Si vous voulez la paix, vous devez vous montrer forts en toutes circonstances » déclarait-il en appelant « tous les pays, y compris la Chine et la Russie » à mettre en œuvre les résolutions du conseil de sécurité, à réduire leur liens diplomatiques, commerciaux et technologiques avec la Corée du nord.
Deux mois plus tard, le 9 janvier, contrairement aux vœux d’un Donald Trump de plus en plus isolé, les deux Corées entamaient les premiers pourparlers officiels depuis plus de deux ans. L’objet de la rencontre pourrait paraître dérisoire compte tenu du niveau de tension entre les États-Unis et Pyongyang à ce moment là. Les deux délégations qui se rencontrent à Panmunjeon, à la frontière entre les deux pays, discutent, en effet, de la présence d’athlètes nord-coréens aux Jeux olympiques d’hiver début février.
Ne nous y trompons pas, il n’y a là rien de « symbolique ». La rencontre qui témoigne d’une détente nouvelle, sera le lieu d’annonces qui dépassent largement les Jeux olympiques, comme la reprise des réunions des familles séparées par la frontière. Mais, surtout, l’envoi d’une délégation de sportifs, d’une troupe artistique et d’une équipe de démonstration de Taekwondo est l’arbre sportif qui cache la forêt diplomatique. En effet, la délégation nord-coréenne aux JO compte dans ses rangs Kim Y-jong, la sœur cadette de Kim Jong-un dont elle est considérée comme l’ « envoyée spéciale ». Reçue le 10 février à la Maison Bleue, la résidence présidentielle, elle remet une lettre au président Moon Jae-in avec lequel elle aura un entretien de plus de trois heures. C’est une grande première, un moment historique au cours duquel Kim y-jong transmet, également, une invitation de son frère au président Moon à « visiter le Nord au moment qui lui conviendra le mieux ».
Défilé des athlètes unis sous une même bannière, portant des tenues blanches dont les blousons ne portaient que la mention « Korea », poignée de main du président Moon et de Kim Yo-jong et échange chaleureux à la tribune au yeux du monde entier, ces images ont marqué le signal de départ d’un processus de rapprochement historique, au grand dépit de Mike Pence, le vice-président américain, présent à l’ouverture des JO. Depuis, la situation a rapidement évolué.
La Corée du Sud et les États-Unis annonçaient le report des grandes manœuvres militaires conjointes de février impliquant environ 400 000 militaires (dont 17000 américains) et perçues par la Corée du Nord comme une menace de guerre. Officiellement ce report était justifié par la tenue des JO. En réalité, la raison est essentiellement politique. « Si des discussions venaient à avoir lieu entre les États-Unis et la Corée du Nord avant ces exercices, il pourrait y avoir une forme de compromis », déclarait le conseiller du président sud-coréen à la sécurité, Moon Chung-in, à Washington, précisant que ces manœuvres pourraient commencer début avril, sans plus de précisions.
Le 8 mars Donald Trump et Kim Jong-un annonçaient qu’une rencontre entre les deux chefs d’État aurait lieu d’ici la fin du mois de mai. Cela fait des années que les dirigeants nord-coréens successifs demandent à rencontrer un président américain. En 2000, la secrétaire d’État Madeleine Albright s’était rendue à Pyongyang, prélude à une rencontre entre Kim Jong-il et Bill Clinton qui s’est, finalement, heurtée à l’opposition des républicains. La diplomatie de la paix devait définitivement reculer avec Georges Bush pour qui la Corée du nord formait l’ « axe du mal » avec l’Irak et l’Iran.

– Dessin de Chappatte
Le 25 mars, le dirigeant nord-coréen effectue une visite en Chine où il est reçu par le président chinois. C’est la première fois, depuis son arrivée au pouvoir en 2011, que Kim Jong-un sort de son pays. Une visite « non-officielle » préparée secrètement et entourée de mystère, dont l’objectif est de s’assurer le soutien de Pékin lors d’éventuelles négociations avec les États-Unis. « Si la Corée du Sud et les États-Unis répondent avec bonne volonté à nos efforts et créent une atmosphère de paix et de stabilité, s’ils prennent des mesures synchronisées pour parvenir à la paix, la question de la dénucléarisation de la péninsule peut être résolue » a déclaré Kim Jong-un, avec en toile de fond, les sanctions américaines aggravées par un nouveau train fin février.
La Chine qui subit des pressions américaines toujours plus fortes pour sanctionner la Corée du Nord, a protesté officiellement et fortement auprès de Washington, après les nouvelles sanctions de février. Elles visent, en effet, vingt-sept entités et vingt-huit navires localisés ou enregistrés en Corée du nord, mais aussi et surtout en Chine, à Singapour, à Taïwan, à Hong Kong, aux Iles Marshall, en Tanzanie, au Panama et aux Comores. La Chine qui absorbe plus de 90% du commerce nord-coréen, applique les sanctions adoptées par l’ONU, mais Pékin réfute celles décidées de façon unilatérale par Washington. En outre, la Corée du Nord est le seul pays avec lequel la Chine a signé un traité de défense, en 1961. Cette dernière serait, donc, directement concernée par un conflit militaire en Corée du Nord.
Enfin, le 29 mars, des discussions entre des délégations de haut niveau des deux Corées se sont tenues sur la frontière, avec pour objectif de préparer un sommet entre les deux chefs d’États – le premier depuis onze ans – qui se tiendra le 27 avril. Les deux chefs d’État se rencontreront à la Maison de la Paix de Panmunjeom, village frontalier de la zone démilitarisée qui porte son nom depuis sa création, en 1953. Kim Jong-un sera le premier dirigeant nord-coréen à se rendre au sud depuis la fin de la guerre.
L’année 2018, contrairement à la précédente, commence donc sous le signe du rapprochement et de l’apaisement, sinon de la paix, malgré toutes les tentatives américaines d’envenimer la situation. Aujourd’hui, comme dans d’autres secteurs de la politique américaine internationale économique ou politique, à vouloir trop en faire Donald Trump et les faucons du Pentagone semblent avoir « perdu la main » sur la question nord-coréenne dans cette phase du jeu dangereux qui se joue depuis la partition en 1948. Jusqu’ici, la Déclaration conjointe Nord-Sud en faveur de la paix, signée le 15 juin 2000, et le projet de réunification n’ont pas abouti. Pour avancer, il faudra, avant tout, trouver un compromis sur le programme nucléaire nord-coréen.