Le major-général Qassem Souleimani, chef de la force Al-Qods – le service Action des pasdaran, les Gardiens de la Révolution iraniens -, que la rumeur publique disait gravement blessé, est réapparu en bonne santé sur le front sud d’Alep, en Syrie, fin décembre. Il y superviserait directement la bataille qui fait localement rage depuis l’intervention des forces russes, fin septembre 2015.
D’autres officiers généraux iraniens sont présents sur le sol syrien dont le brigadier-général Gholam Hossein Gheibparvar, qui assurerait le commandement des conseillers iraniens depuis le 14 décembre. En effet, Suleimani a pour habitude de sauter d’un front à l’autre pour participer directement aux batailles décisives dans lesquelles les milices chiites locales, encadrées par les pasdaran et le Hezbollah libanais, sont engagées. C’est ainsi qu’il avait discrètement supervisé la prise de Tikrit, en Irak, en mars 2014. Ensuite, il s’est fait un peu plus discret dans ce pays car sa présence médiatisée irritait les Américains et le grand ayatollah Ali al-Sistani, la plus haute autorité religieuse chiite irakienne. Ce dernier avait même demandé à Ali Khamenei, le guide suprême de la Révolution iranienne, si Souleimani agissait directement selon ses ordres – ce qui est le cas – ou s’il prenait des initiatives personnelles ? D’ailleurs, même à Téhéran, il semble qu’il dérangeait légèrement dans les hautes sphères. C’est pour cette raison que le major-général Mohamad Ali Jafari – le commandant en chef des pasdaran et, à ce titre, le patron théorique de Souleimani – avait récemment repris directement les rênes des opérations extérieures menés par ses hommes, en particulier par les membres de la force Al-Qods. Il aurait d’ailleurs chargé le brigadier-général Amir Ali Hajizadeh, chef de la composante aérienne des pasdaran, de superviser la situation en Syrie.
La Kill List israélienne
Par contre, le général Souleimani aurait un peu de souci à se faire venant d’ailleurs, car l’agence de presse iranienne Ahlul Bayt News Agency (ABNA), reprenant un article récemment publié dans le quotidien israélien Yedioth Ahronot, affirme qu’il est inscrit sur une Kill List du Mossad aux côtés de six autres personnalités dont trois ont déjà été neutralisées : Imad Mughniyeh (2008), son fils Jihad Mughniyeh (janvier 2015) et le hezbollahi Samir Kuntar (décembre 2015). Outre, le major-général Souleimani les autres hommes à abattre pour les Israéliens sont : Mostafa Badruddin – le successeur d’Imad Mughniyeh à la tête des opérations extérieures du Hezbollah – Mohammed Deif – le commandant des brigades Izz ad-Din al-Qassam, la branche armée du Hamas – et un troisième homme non connu.
A noter que Jihad Mughniyeh a été tué avec le brigadier-général des pasdaran Mohammad Aliollah Dadi alors qu’ils circulaient sur le plateau du Golan. Plusieurs membres du Hezbollah et des pasdaran qui les accompagnaient ont également trouvé la mort. Cela tend à prouver que les Israéliens n’hésitent pas à transformer en « chaleur et lumière » un officier iranien. Une riposte avait été promise par Téhéran mais rien n’est venu. Il est possible que les deux hélicoptères qui ont tiré les missiles sur les véhicules ne savaient pas qu’il y avait des pasdaran à bord, seuls les membres du Hezbollah étant alors ciblés. En effet, le plateau du Golan est considéré par l’Etat hébreu comme stratégique et donc totalement interdit à la présence du mouvement chiite libanais jugé comme une menace directe pour la sécurité d’Israël.
L’information concernant cette Kill List publiée par la presse israélienne est à prendre la plus extrême prudence. Le Mossad a déjà eu l’occasion d’abattre le général Soleimani en 2008 alors qu’il se trouvait en compagnie d’Imad Mughniyeh à Damas. Cela n’avait pas été fait, en particulier car Washington[1] ne souhaitait pas sa disparition prématurée. Aujourd’hui, le rôle joué par Téhéran en Syrie et en Irak, ainsi que l’accord portant sur le nucléaire iranien ne prédisposent pas à une telle « provocation ». De plus, du fait d’une intense campagne médiatique orchestrée par le pouvoir en place à Téhéran, le général Souleimani est devenu un véritable héros national en Iran et son assassinat susciterait une flambée nationaliste qui rassemblerait une grande partie du peuple iranien derrière ses dirigeants, ce que ne souhaite vraisemblablement pas le gouvernement israélien.
[1] Les opérations homo de neutralisation sont aussi très largement pratiquées par les Etats-Unis.
CF2R
NOTE D’ACTUALITÉ N°416