Un point de vue à contre-courant de toutes nos idées reçues sur la Chine. Les liens d’origine ont été réinsérés à titre de références, sauf certains qui ont été remplacés par des équivalents en français.
Pour comprendre la Chine et comment marche le monde, j’ai eu la chance d’y avoir vécu au cours de deux périodes différentes. Cela a commencé entre 1990 et 1997. Dans le premier livre de ma Chinese Trilogy (Trilogie chinoise) intitulé 44 jours avec un sac au dos en Chine, (https://chinarising.puntopress.com/2017/05/19/the-china-trilogy/) j’ai appelé cette période ‘Les jours du Far East des cow-boys de Deng Xiaoping’. C’était une expérience tout à la fois intense, folle et addictive. J’en ai dit que c’était comme une « addiction à la Nat King Cole à cinq paquets de cigarettes par jour ». Je savais que c’était mauvais pour moi, mais je ne m’en lassais pas.
Puis, après cinq ans passé dans une France de moins en moins socialiste et neuf ans dans l’Amérique libertarienne capitaliste des Bush-O-Bombe, je suis revenu en Chine, où je vis depuis 2010. Ces quatre expériences très diverses, sur 28 ans, ont radicalement transformé ma vision de l’humanité, de l’histoire, de l’économie, de la géopolitique et de l’avenir – et m’ont rendu beaucoup, beaucoup plus sage.
Depuis le temps que je suis ici, je me suis accoutumé à la transformation civilisationnelle de la Chine, à son évolution et à son progrès ultra-rapide. De temps en temps, je dois me gifler moi-même et réaliser à quel point j’ai la chance folle d’être un témoin de l’histoire en temps réel. Au long des années, je suis allé dans divers endroits, puis j’y suis retourné quelques semaines ou mois plus tard, et un tout nouveau projet de développement urbain, parfois même toute une nouvelle zone de banlieue rutilante était sortie de terre. Ho-ho. Juste une journée comme les autres en Chine.
Vidéo : Des méga-projets créatifs, hi-tech comme les suivants deviennent quotidiens :
https://www.youtube.com/watch?v=Hdpf-MQM9vY
A cela, vous pouvez ajouter une architecture visionnaire et audacieuse, des paysages époustouflants, des parcs, des ponts, des aéroports, des stations de trains-bus et des terminaux de ferries, et des merveilles qu’on ne voit nulle part ailleurs. Un bon exemple en est le nouveau terminal de ferry de Shenzhen. Il est conçu pour ressembler à une raie manta géante bleue et blanche sautant hors de l’eau. Vous pouvez la voir à 45-60s, puis plus loin, la nuit, dans ce clip de 2 minutes filmé en accéléré pour montrer la zone portuaire de la ville, Shekou :
https://v.qq.com/x/page/e0538waomz1.html
Le capitalisme occidental est tout simplement incapable de construire un pays et une société comme ceux-là. Mais la Chine communiste-socialiste le peut et continuera de le faire.
Les Euroanglos ont du mal à adapter leurs idéologie et paradigmes au succès irréfutable, de long terme, du système communiste évolutif chinois depuis 1949. Oui, depuis 1949 avec (Mon Dieu !) Le Grand bond en avant, la Révolution culturelle et tout ça, que j’ai couverts dans les deux livres suivants de ma China Trilogy. Sans l’ère Mao, je vivrais ailleurs et j’écrirais sur un autre pays, l’Indonésie, la Colombie ou la Libye. C’est aussi simple que ça.
Si vous pensez que je suis une sorte de génie scintillant qui aurait trouvé tout ça tout seul, je vous contredis humblement. Même après dix ans en Afrique et au Moyen-Orient, entre 1980 et 1990, et à travers le reste de mes errances déjà mentionnées sur ce minuscule point bleu pâle de notre galaxie, ce n’est qu’à mon retour en Chine en 2010, puis en couvrant 12 500 kilomètres de ce pays en 2012 pour écrire 44 jours avec un sac à dos en Chine, que la propagande raciste sur la supériorité morale, intellectuelle, créative et technique de l’Occident a fini par s’effriter dans ma conscience. (https://chinarising.puntopress.com/2015/10/01/slavs-and-the-yellow-peril-are-niggers-brutes-and-beasts-in-the-eyes-of-western-empire-the-saker-44-days-radio-sinoland-2015-10-1/)
J’ai grandi dans l’Oklahoma, le point zéro pour Dieu, les flingues, les LGBT, la sainteté de l’individualisme le plus effréné et la loi de la jungle capitaliste : des cowboys, du bétail, du blé, des églises et des puits de pétrole, le tout allègrement volé à des natifs exterminés. (https://www.goodreads.com/book/show/20588662-an-indigenous-peoples-history-of-the-united-states) Tout le processus de sortie de ma conscience informée et éclairée a ressemblé à l’escalade d’un sommet ardu, avec les hurlements d’un ouragan occidental déchaîné en pleine face. C’est pourquoi je suis aussi patient avec mes amis, famille, collègues et étrangers quand ils parlent de leurs convictions sur l’humanité. Malgré toute le respect que j’ai pour eux, la plupart vivent encore dans le camp de base, en bas de la montage de propagande, ce qui n’est pas leur faute. Ils ont tous grandi derrière le Grand Firewall Occidental et sont aussi conditionnés que je l’étais pendant 55 de mes 63 ans de vie.
La fintech est des secteurs les plus excitants à s’être développé au cours de la dernière décennie. (https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/c-est-quoi-une-fintech-680118.html) La blockchain et le bitcoin sont deux manifestations de la fintech. (https://chinarising.puntopress.com/2017/08/17/baba-beijing-is-going-to-start-using-blockchain-technology-for-official-business-china-rising-radio-sinoland-170817/) Les Occidentaux impériaux, se sentant racialement supérieurs à tous les niveaux aux non-blancs, pensaient en prendre tout naturellement le contrôle, comme ils ont pris le contrôle de tout le reste depuis 500 ans. Mais, les temps ont décidément changé. Le communiste Papa Pékin, qui dirige la Chine, avait une meilleure idée. Avec son plan quinquennal léniniste, le Centralisme démocratique et la Dictature du Peuple (je sais, ça pique les yeux, mais j’explique tout cela dans le troisième livre de ma trilogie, ‘La Chine est communiste, bordel !’), la Chine a prévu des stratégies, des budgets et des ressources pour devenir le leader mondial en fintech. Et hop ! Juste comme ça, Shenzhen, où je vis et écris, est aujourd’hui la capitale mondiale de la fintech. (https://www.businessinsider.fr/us/china-becoming-fintech-leader-2016-11/)
Puis, la semaine dernière, j’ai vu cet article sur les plans de Papa Pékin pour la version 2.0 de la fintech de Shenzhen. (https://www.szdaily.com/content/2017-10/17/content_17526069.htm) C’est à couper le souffle. Le gouvernement de Shenzhen va complètement faire passer un quartier, Sunguan, de la logistique de l’ancienne économie de consommation à la fintech du XXIe siècle. Le dernier paragraphe affirme :
Il a été annoncé que six nouveaux gratte-ciels semblables à la Tour H700 de 739 mètres de haut de Shenzhen et un nouvel hôtel de plus de 600 mètres, le Kingkey Oriental Regent Hotel, s’élèveront à Sunguan dans les cinq années à venir.
Sept gratte-ciels élevés à Shenzhen dans les cinq années qui viennent. Imaginez cela pendant quelques minutes. Pendant vos réflexions, l’Occident capitaliste-impérial aura massacré, affamé et sanctionné des milliers de pauvres gens sans défense dans le monde. Le contraste peut-il être plus cruel ?
En juin 2017, une rencontre instructive a eu lieu entre le gouverneur de la Californie Jerry Brown et le président chinois Xi Jinping. (https://www.nytimes.com/2017/06/06/world/asia/xi-jinping-china-jerry-brown-california-climate.html) Alors qu’ils parlaient du changement de climat, le sujet des trains à haute vitesse a émergé. Le gouverneur Jerry Brown a censément déploré que son Etat n’ait pas été capable de construire même une seule misérable ligne ferroviaire à haute vitesse alors que son père, également gouverneur, en avait déjà émis l’idée dans les années 50.
Pourquoi ? Pendant que la Chine se concentre sur un but de 30 000 kms de voies ferrées à haute vitesse, plus que le reste du monde réuni, avec ses centaines de gares architecturalement innovantes pour les desservir, les projets locaux de la Californie sont paralysés par des centaines d’actions en justice. (https://www.theguardian.com/us-news/2015/may/02/california-high-speed-rail-system-japan-democrats-republicans) Pourquoi ? Les capitalistes cupides et leurs employés et représentants du gouvernement achetés se disputent le butin, comme des cannibales dans un marigot de corruption, pendant que des citoyens égoïstes mettent leurs intérêts individuels au-dessus du bien commun. Ce qui se résume par l’acronyme NIMBY, Not in My Backyard. (« Pas dans mon arrière-cour »).
En Occident, NIMBY se porte comme une médaille honorifique qui exprimerait le sens des libertés et d’indépendance des Euroanglos. Pendant ce temps, avec le mantra communiste de l’harmonie, du partage, de la coopération et de la stabilité pour le bien de tous, (https://chinarising.puntopress.com/2017/09/21/harmony-prosperity-and-development-as-official-policy-godfree-roberts-visit-to-shenzhen-china-rising-radio-sinoland-170921/) les Chinois avancent vers un niveau de vie bien plus élevé et une meilleure qualité de vie. (https://chinarising.puntopress.com/2017/08/31/why-is-china-tech-smoking-the-west-because-they-have-socialist-vision-china-rising-radio-sinoland-170831/)
Le capitalisme occidental parle pendant que le communisme-socialisme chinois agit – et vole à 350 km/h dans un train qui file comme une balle.
Mais je digresse. Retour à la fintech… j’entends d’ici le dialogue.
Certes, Jeff, mais la plupart des centres de fintech appartiennent au secteur privé, et sont donc capitalistes, OK ?
Pas quand ils opèrent dans le cadre de la planification centrale d’un pays qui n’a pas de secteur immobilier privé et dont les 100 principales entreprises appartiennent majoritairement ou totalement à l’État, donc au peuple, y compris des banques et des compagnies d’assurance. (https://chinarising.puntopress.com/2016/10/18/so-called-communist-china-an-exclusive-article-for-the-all-china-review-16-10-17/) Pourquoi le milliardaire Jack Ma est-il si riche et pourquoi sa compagnie, Ali Baba, marche-t-elle aussi bien ? Parce que Papa Pékin lui a déroulé le tapis rouge en lui apportant un système économique stable, en protégeant ses marchés et en lui accordant, dès ses débuts, des subsides qui lui ont permis de prospérer. Jack Ma est un capitaliste communiste-socialiste (c’est bizarre, je sais). Il dit des choses comme, aujourd’hui, gagner de l’argent est très simple. Mais gagner durablement de l’argent de façon responsable envers la société et améliorer le monde est très difficile. (https://thedailycoin.org/2017/05/16/alibaba-founder-jack-ma-highlights-one-belt-one-road-differs-western-trade-schemes/) Les derniers capitalistes occidentaux que j’ai vu parler comme ça étaient les fondateurs des glaces Ben and Jerry, et ces hippies de pacotille ont fini par se vendre au géant transnational Unilever pour la confortable somme de 326 millions de dollars en 2000. Tant pis pour la responsabilité envers la société et l’amélioration du monde.
Mais, Jeff, comment Papa Pékin peut-il soutenir son secteur privé de cette façon ?
Après la libération communiste de 1949, la Chine a sorti tous les capitalistes, banquiers et militaires impérialistes, colonialistes occidentaux [Ndt : Voir Les guerres de l’opium https://www.entelekheia.fr/guerres-de-lopium-viol-de-chine-puissances-occidentales/]. Elle a également éliminé ou réformé l’élite locale collaboratrice qui, pour quelques babioles bourgeoises, aurait allègrement transformé la Chine en une autre « alliée de l’Amérique » pillée, occupée, réduite en esclavage telle que l’ordonne l’ordre orwellien soi-disant fondé sur le « droit international ».
Vraiment, Jeff ? Et comment la Chine a-t-elle accompli cela ?
Le peuple chinois peut remercier Mao pour son leadership visionnaire sur un système communiste de gouvernance et de socio-économie, de 1949 à 1978. [NdT : Contrairement à ce que croient la plupart des Occidentaux, les Chinois gardent un souvenir d’autant plus vivace et positif de Mao qu’ils en apprennent les écrits dès l’enfance, à l’école. A nos yeux, cela peut ressembler à un endoctrinement abusif, mais historiquement, la Chine a toujours procédé de cette façon : en privilégiant la pensée de ses icônes historiques et politiques. L’ancien système des examens impériaux, qui remonte au bas mot au Xe siècle (voire au IIe siècle av. J.-C. dans ses premières formes) et s’est maintenu tout au long de l’histoire de la Chine impériale, obligeait chacun des candidats à apprendre par coeur les dénommés « Quatre livres et Cinq classiques » confucéens. https://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Classique%20chinois/fr-fr/#Les_Quatre_Livres_et_Cinq_Classiques. Rien ne change jamais réellement dans l’Empire du milieu.]
Mais, Jeff, ce sont les réformes et l’ouverture au monde de Deng Xiaoping qui ont apporté la prospérité au peuple chinois, et non Mao.
Ce n’est que la deuxième partie de l’histoire. C’est la fondation à marche forcée, par Mao, d’infrastructures, de nouvelles techniques agricoles, d’industries, de structures d’éducation et la transformation socio-économique de la nouvelle Chine qui ont rendu possibles les grands rêves de Deng d’une Chine communiste riche. Sans lui, ils ne se seraient jamais élevés d’un millimètre. (https://chinarising.puntopress.com/2017/10/01/chinas-communist-liberation-on-october-1st-1949-changed-the-world-forever-china-rising-radio-sinoland-171001/) C‘est pourquoi j’appelle cela du communisme-socialisme. Le socialisme européen, ou ce qui en reste, est fondé sur le capitalisme. Le ‘socialisme avec des caractéristique chinoises’ est l’appellation officielle utilisée par Papa Pékin et ses 1,4 milliards de citoyens. C’est l’évolution et l’adaptation du socialisme par Deng-Jiang-Hu-Xi bâties sur le socle du communisme maoïste. (https://chinarising.puntopress.com/2017/09/12/mao-zedong-died-this-day-in-1976-china-rising-radio-sinoland-170909/) [NdT : Outre les bases posées par Mao, la réponse se trouve probablement dans l’extrême réactivité inhérente au plan quinquennal et à la prééminence du politique sur l’économique. Quand un petit groupe d’hommes dédiés à l’amélioration des conditions de vie du pays peuvent utiliser, à volonté, tous les outils qu’ils jugent nécessaires à leur tâche pour les cinq années suivantes, sans s’attacher ou être lié à l’un d’entre eux, ils sont forcément d’une grande efficacité. Aujourd’hui, certaines des structures capitalistes les servent ; demain, peut-être passeront-ils à un autre système plus utile à leur buts. Le bémol, bien sûr, tient à l’immense pouvoir des leaders du Parti communiste chinois et à la corruption qu’il crée. Xi a récemment pris des mesures sévères contre ladite corruption, mais seront-elles durables ? Quoi qu’il en soit, les Chinois sont très conscients de cette faiblesse, et l’inscription récente de l’Initiative Belt and Road dans la Constitution semble bien être un verrou posé par Xi pour interdire toute tentative future de sabotage interne.]
Jeff, je n’aime pas ce que tu racontes. J’ai le vertige et une sensation d’étourdissement que je ressens jusque dans l’estomac. Ce n’est pas ce qu’on m’a enseigné à l’école et ce que j’ai appris toute ma vie. J’ai une éducation secondaire, et un diplôme universitaire. Je suis bien informé. Je lis religieusement The Economist, le New York Times, le Guardian et je regarde MSNBC, la BBC et PBS. Tu me fais subir une dissonance cognitive épuisante. Je pense que tu as tort. En fait, je pense que tu es un rouge accompli et que tu mens. ARRÊTE D’ECRIRE TOUT DE SUITE. IMMEDIATEMENT !
(Tout en inspirant profondément, calmement) Je comprends comment tu te sens et j’éprouve un empathie totale envers le stade d’évolution personnelle où tu en es. J’étais en plein accord avec des gens comme toi jusqu’à ces sept dernières années. S’il te plaît, mets mes expériences à profit. Si tu veux un défi, pense hors des sentiers battus. Tu dois avoir le courage de regarder l’histoire et les événements actuels sous un autre angle que celui de la propagande non-stop de derrière le Grand Firewall Occidental. Tu comprendra comment marche le monde et où nous allons.
Sur ce, finissons sur un note enjouée, voulez-vous ? Le grand guitariste de Blues Freddie King ne s’en rendait pas compte, mais dans la chanson ci-dessous, il offre une belle allégorie de l’Occident capitaliste, qui se bat contre le communisme-socialisme chinois sur la scène mondiale. Je referme le cercle géopolitique ici. Un garçon de l’Oklahoma en Chine poste une chanson de blues américaine en tant qu’allégorie politique. Elle a été produite par mon concitoyen de l’Oklahoma Leon Russell et chantée par un fils du commerce colonial des esclaves [NdT : Et écrite par un fils du sud esclavagiste, le Tennessien Don Nix]. Vous comprenez ? Nous avons la furie de Leon, l’ami Oklahomien Chuck Blackwell à la batterie et les riffs de Donald « Duck » Dunn à la basse. Que demander de plus ?
https://www.youtube.com/watch?v=V_ONyukSLqA
Par Jeff J. Brown
Paru sur China Rising sous le titre How can Western capitalism beat THIS? That’s the rub, it can’t.
https://www.entelekheia.fr/chine-moderne-facon-de-faire/
Traduction et notes Entelekheia
Photo Pixabay : Hainan, Chine.