Selon le cheikh égyptien Abou Ishaq al-Huwaini, le visage de la femme doit être couvert, car « il est comme son sexe ». Cette sentence, admise par un grand nombre d’ignares comme un précepte, donne un aperçu de ce que peut devenir un texte sacré dans une tête qui a la forme d’un sacrum.
Profitant de la radicalisation du discours religieux, du retour en force de l’islamisme dans les Parlements arabes (l’Algérie fait figure d’exception), mais aussi des guerres confessionnelles en Orient et des courants islamophobes en Occident, certains prédicateurs imposteurs ont acquis une notoriété semblable à celle des stars de la chanson ou du monde politique dont ils confondent souvent les rôles. Lorsqu’ils prennent le micro – à l’instar de leurs collègues radicaux chrétiens ou juifs –, ils se sentent pousser des ailes et n’hésitent plus à pénétrer l’intimité des croyants. Ils ont ainsi réussi à s’infiltrer dans leur chaumière, allant de leur cuisine à leur chambre, puis sur leur pot de chambre. Leurs prescriptions juridiques, qui ont pris le nom de fatwas, sont moins des recommandations que des commandements : qui ne les applique pas n’est pas un mauvais musulman mais un hérétique. On imagine alors sans peine les abus de ce pouvoir enturbanné et parfois hystérique. Il arrive d’ailleurs que deux fatwas contradictoires créent des dissensions dans la communauté, laissant le cul du musulman entre deux chaises.
La carotte marocaine en émoi
Et justement ! S’il est rarement question de chaises dans les avis de ces « grands sages », le cul y occupe une sacrée place – pour ne pas dire une place sacrée. Au Maroc, la population s’en torche encore à pleines dents… Tout est parti d’une fatwa de l’imam-cheikh Abdelbari Zamzami, populaire dans le pays quoiqu’un tantinet provocateur, autorisant les femmes à faire usage d’une carotte pour se masturber, afin « de ne pas tomber dans le péché avant le mariage ». Une solution toute provisoire, a-t-il cru utile de préciser. Pas sûr, pas sûr. Car mêmes mariées, les Marocaines pourraient bien être conquises, entendu que cette pratique dont on estime qu’elle ravit plus de huit femmes sur dix dans le monde, est désormais admise, voire conseillée, pour ses effets déstressants.
Depuis plusieurs mois, cette fatwa fait un débat quasi royal sur les terres de Mohammed VI et au-delà. Les âmes chagrines affirment ainsi que depuis son énonciation, une pénurie de carottes frappe le pays ; d’autres se demandent bien naïvement si le légume en soupe ou râpé rendrait le même service. Plus sérieusement, il est devenu impossible pour toute musulmane d’acheter la moindre carotte sans subir les regards vindicatifs du marchand. Ni d’ailleurs la moindre courgette et autres de ses cousines… membrées. Dans ce tohubohu potager, les islamistes n’ont pas tardé à se faire entendre, criant au scandale et jugeant que cette liberté accordée aux femmes serait, comme n’importe quelle liberté, une liberté de trop. Ils craignent sans doute que cette commodité, qui risque bel et bien de se généraliser jusque chez eux, leur augure de bien tristes nuits. Ce qui n’est apparemment pas le cas du cheikh Al-Qaradawi, Youssef de son prénom, 86 ans qui, émoustillé par l’affaire disent les mauvaises langues, vient de se marier avec Aïcha, 49 ans… de nationalité marocaine.
« Dis-moi quel légume tu achètes et je te dirais qui tu es. » Derrière cette énormité de phallocrate, l’invitation de l’imam à la masturbation a eu le mérite de lever un pan très tabou du voile musulman. Il met également le doigt dans le fond hypocrite de toute société couverte par ses frustrations et repliée dans ses extrémismes. Il reste que la propension des vieux « spécialistes » de l’islam à parler des choses du sexe laisse circonspect. Proposent-ils la carotte par dévotion, amour de Dieu ? On peut en douter. Les intimités sexuelle et religieuse relevant du sacré, les fondements de la prière autant que ceux de la masturbation restent une affaire strictement personnelle. C’est là d’ailleurs que se trouve leur plus joli point commun.
La culotte sous la calotte
Il faut croire que les rayons des fruits et légumes hantent bon nombre de dignitaires. Un religieux égyptien a prôné l’interdiction pour les femmes de toucher au trop suggestif concombre. Sujet déjà abordé en Irak par… Al-Qaïda qui a religieusement ordonné que les marchands séparent sur leurs étals les tomates des concombres, au motif qu’ils n’auraient pas le même sexe. Au nom d’une interdiction de la mixité à pépins, il a été également décrété que les mâles et seulement eux avaient le droit d’acheter des concombres. Pari ô combien risqué : en effet, de se voir ainsi sacrifié sur l’autel de ce légume ensorceleur, les hommes ne finiront-ils pas, eux aussi, par en faire mauvais usage ?
Un autre savant s’est sérieusement penché sur le sort qu’il fallait réserver aux bananes. Fruit particulier s’il en est, car, contrairement à sa cousine cucurbitacée, ladite banane se mange généralement en entier, dans un mouvement de bouche qui peut faire craindre le pire. Pour préserver les amatrices de toute pensée sexuellement transmissible, la solution a été trouvée et ainsi énoncée : « Une tierce personne, de préférence un homme de leur entourage comme leur père ou leur mari, devra, avant de les servir, les couper en rondelles. » En rondelles ? Terreur dans les pantalons ! Et puis, diable, ne serait-il pas aussi juste d’interdire définitivement aux hommes tous les fruits arrondis et charnus qui les entourent : beaux melons, petits abricots, figues, prunes et, pour les plus poètes d’entre eux, fraises dans la mousse !
Il y a une dizaine d’années, l’encore vigoureux cheikh Al-Qaradawi, très en vogue sur Al-Jazeera, s’introduisait – pour ainsi dire – dans le bucco-génital. Vaste domaine. « Les théologiens de l’islam ont autorisé le baiser génital, aussi bien celui de la femme pour son mari que celui du mari pour sa femme, et il n’y a aucune honte à cela. Pourtant, si le but de ce baiser est l’éjaculation, alors on peut en ressentir de la répugnance, mais je n’irai pas jusqu’à l’interdire, car il n’existe aucune preuve [écrite] de son interdiction […] Si une personne prend son plaisir par la bouche, c’est un comportement qui sort de l’ordinaire, mais on ne peut l’interdire, surtout si c’est avec l’accord de la femme et qu’elle aussi y prend du plaisir. » En voilà un qui connaît bien son sujet… qu’il aurait bien pu résumer en une phrase : « Le bucco-génital ce n’est pas bon, mais qu’est-ce que c’est bon le bucco-génital ! » Depuis, le même Al-Qaradawi, remis de ses émotions, a repris son bâton de pèlerin dans un registre plus classique : « L’homme, en matière sexuelle, est le requérant et la femme la requise. Celle-ci est tenue de répondre aux désirs sexuels de son mari », dit-il. Tout est dit en effet.
Cadavre halal
Célèbre prédicatrice koweïtienne et ancienne candidate aux élections législatives – excusez du peu –, Salwa al-Mutairi fait aussi son petit bonhomme de chemin. Une de ses recommandations a dû retenir le souffle des sadomasos musulmans : elle explique que pour éviter à l’homme de commettre l’adultère (il n’est pas coupable d’infidélité, mais victime de séduction), il faut l’autoriser à acheter des femmes esclaves. Rien de moins. Où les trouver ? Toute prude dans son voile, la Salwa, mi-couverte mimaquerelle, conseille d’« importer » des prisonnières des pays en guerre… et, égalité oblige, autorise même les femmes célibataires et divorcées à se payer des esclaves masculins au dessert… Des concubines en treillis et des amants prêts à consommer ? Voilà deux propositions alléchantes qui changeraient bien des impies en fondamentalistes purs et durs !
L’Égypte, et sa prestigieuse université islamique Al-Azhar, ainsi que l’Arabie Saoudite sont coutumières des fatwas et guident le comportement de nombreux fidèles. Quelques modèles du genre se passent franchement de commentaires : l’homme peut se retrouver seul avec une collègue dans un bureau à condition de la téter ; le père peut marier sa fille dès l’âge de 10 ans avec le consentement de la gamine ; la femme n’a pas le droit de faire du vélo, car écarter les jambes pourrait lui donner du plaisir ; les époux ne peuvent regarder leur sexe respectif sous peine d’annulation du mariage… Mais le pompon, sans conteste, est à mettre au crédit du fameux cheikh à la carotte, Zamzami, qui, parlant du musulman ou de la musulmane éploré(e) qui vient de perdre son épouse ou époux, a récemment expliqué que, le mariage restant valable au-delà de la vie, « l’islam autorise l’acte sexuel sur un cadavre quelques heures après la mort ». En pleine affliction, il est vrai qu’on ne pense qu’à ça ! Soit dit en passant, il aurait fallu que l’imam révélât aux dites veuves la technique pour « ranimer » la flamme de leur défunt mari. Car en pareille situation, la galipette post-mortem paraît pour le moins relever du miracle !