On estime à un milliard de dollars la somme dépensée par le gouvernement Thatcher pendant la campagne qui lui a permis de récupérer le contrôle de l’archipel des Malouines. Les dépenses n’ont pas cessé, cependant, avec la fin des combats. Le gouvernement britannique a dû récemment admettre que le maintien de sa présence armée dans ces îles stratégiquement situées à l’extrême sud de l’océan Atlantique va lui coûter, d’ici à 1985, environ un milliard de dollars par an, soit, au total, quatre milliards de dollars. Le prix de l’arrogance et de l’intransigeance. Car, malgré la reconnaissance dans les instances internationales (Non-Alignés, Nations unies) des droits de l’Argentine sur l’archipel, le gouvernement Thatcher se refuse toujours à mettre en discussion la seule question en litige, à savoir la souveraineté sur l’archipel.
Or la souveraineté sur les Malouines constitue une revendication si profondément ancrée dans la conscience nationale argentine qu’aucun gouvernement, fut-ce le plus soumis au camp occidental, n’oserait l’abandonner. Seules sont négociables, pour les Argentins, les modalités d’un accord définissant le passage d’une situation de fait – l’occupation britannique – à l’exercice de la souveraineté argentine garanti par un traité en bonne et due forme. À Londres, on sait bien, cependant, que le statu quo actuel ne saurait être indéfiniment prolongé. Pas seulement pour des raisons financières, mais aussi pour des raisons stratégiques, la poursuite de l’état de belligérance entre l’Argentine et la Grande-Bretagne sapant à la base le dispositif impérialiste de contrôle des mers australes. Washington, autant, sinon plus que Londres, s’en inquiète.
C’est pourquoi, officieusement, des formules proposant une issue à l’impasse sont avancées par des personnalités représentatives des milieux dirigeants britanniques, mais actuellement à l’écart des responsabilités gouvernementales. Par exemple, Lord Carrington, qui a quitté le cabinet Thatcher au moment de la guerre des Malouines, a lancé l’idée d’une « administration britannique sous souveraineté internationale » dans l’archipel. Cela pourrait se faire, selon lui, au moyen du remaniement du traité de l’Antarctique (dont sont signataires, entre autres, l’Argentine, l’Australie, le Chili, l’Afrique du Sud, l’Union soviétique, la France, la Grande-Bretagne et la République fédérale d’Allemagne). Outre le fait que, de toute évidence, il serait intolérable pour l’Argentine, on peut douter qu’un tel remaniement – dont l’objectif serait la légitimation, par des voies à peine détournées, de la présence coloniale britannique – soit accepté par l’Union soviétique, dont les positions à l’égard des Malouines ont été, on s’en souvient, très claires et assez fermes.
Également actif dans l’offensive officieuse de la diplomatie britannique, Nicholas Henderson, qui en tant qu’ambassadeur de Londres à Washington a joué un rôle déterminant en vue d’assurer l’appui militaire nord-américain pendant la guerre des Malouines, tout en admettant que son pays, tôt ou tard, devrait accepter une solution négociée concernant le statut de l’archipel, précise que les négociations se feront dans le cadre d’une « internationalisation du problème ». Et d’ajouter que le traité de l’Antarctique, convenablement adapté, pourrait fournir un tel cadre. Mais, conscient peut-être des difficultés que poserait le remaniement d’un traité où l’Argentine et l’Union soviétique sont parties prenantes, il a surtout insisté sur le principe de l’« internationalisation ». Sans pour autant effacer l’impression que, par là, il entend le maintien, sous un déguisement juridique nouveau, du statut colonial des Malouines.