En décrétant l’amnistie générale à effet immédiat pour les crimes terroristes commis par des Syriens avant le 30 avril 2022, à l’exception des crimes ayant entraîné la mort d’un être humain, le président Bachar al-Assad vient de franchir un pas décisif vers la réconciliation nationale et le retour des réfugiés et déplacés dans leurs foyers. A cette occasion, le ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal al-Meqdad, a adressé cette lettre à ses homologues européens les appelant, dans cette conjoncture cruciale dans les relations internationales, prélude à l’émergence d’un nouvel ordre mondial, à regarder les évolutions en Syrie avec un nouveau regard, pragmatique, et les conviant à reconsidérer leur position jusqu’ici dogmatique et non productive à l’égard de son pays. Nous publions l’intégralité de cette lettre.
Par Fayçal al-Meqdad
Je vous écris pour vous mettre au courant des derniers développements importants survenus en Syrie. Des développements qui s’inscrivent dans le cadre des mesures que l’État syrien n’a cessé de prendre, depuis déjà des années, en vue de parachever les initiatives de réconciliation nationale en cours, faciliter le retour des déplacés et réfugiés à leur pays et leurs foyers, réintégrer tous les citoyens syriens dans leur terroir, et rétablir la sécurité et la stabilité sur l’ensemble du territoire de la République arabe syrienne.
Dans ce contexte, je suis persuadé que vous avez déjà eu connaissance du décret législatif
n° 7 daté du 30 avril 2022 émis par le Président Bashar al-Assad, Président de la République arabe syrienne. En vertu de ce décret, le Chef de l’État a accordé une amnistie générale pour les crimes terroristes commis par des Syriens avant le 30 avril 2022, à l’exception des crimes ayant entraîné la mort d’un être humain, conformément à la loi antiterroriste No. (19/2012) et au Code pénal syrien.
Je tiens à souligner que l’amnistie prévue par ce décret n° 7 ne concerne que les citoyens syriens et exclut les terroristes étrangers. Cette mesure de clémence traduit l’engagement de l’État syrien à maintenir la paix et la sécurité régionale et internationale. Elle exprime également sa préoccupation à ne pas transférer ces terroristes étrangers vers d’autres pays. Elle vise enfin à garantir le rapatriement par les gouvernements des pays concernés de leurs nationaux ou résidents étrangers condamnés pour terrorisme, ainsi que les personnes à leur charge et les membres de leur famille.
Conformément à ce décret à effet immédiat, le ministère de la Justice et les
Autorités judiciaires compétentes en Syrie ont commencé à appliquer sur le champ ses dispositions sur l’ensemble du territoire syrien. Tous les Syriens, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, qui sont concernés par les dispositions de cette amnistie, en bénéficieront immédiatement. Ces mesures concernent les personnes déjà jugées et condamnées, les personnes qui ne sont pas arrêtées et qui font encore l’objet de procès en cours ou d’enquêtes et de poursuites. Dans ce contexte, je tiens à souligner que les autorités judiciaires et juridiques compétentes, en application des dispositions du décret, ont immédiatement commencé à mettre fin à tous les mandats de poursuite, de perquisition, d’arrestation, de convocation par contumace et de décision judiciaire par contumace émis contre tout citoyen syrien à l’intérieur et à l’extérieur du pays, avec effet immédiat et sans qu’il soit nécessaire d’engager des procédures devant les autorités judiciaires ou sécuritaires.
Le décret d’amnistie n° 7 du 30 avril 2022 est différent des précédents décrets de grâce. Il est exceptionnel non seulement par ses dispositions juridiques mais aussi par sa dimension sociale et politique. Il s’agit d’une étape avancée et d’un tournant fondamental dans le cadre des efforts continus déployés par l’État syrien en vue d’enraciner durablement sa politique de réconciliation et de clémence.
Pour rappel, le Président de la République Bachar al-Assad a, depuis 2011 et jusqu’au jour d’aujourd’hui, promulgué vingt décrets d’amnistie générale, qui ont bénéficié à des dizaines de milliers de citoyens syriens à l’intérieur et à l’extérieur du pays. En vertu de ces décrets, 28 864 détenus ont été libérés par le tribunal du terrorisme qui avait ordonné l’abandon de toutes les poursuites contre eux. Plus de 272 000 citoyens syriens ont également été impliqués dans les processus de règlement et de réconciliation nationale dans divers gouvernorats syriens, et sont retournés à leur vie normale et à leurs foyers et emplois après avoir annulé toutes les mesures judiciaires préventives ou pénales qui avaient été émises contre eux. Parallèlement à ces mesures, le ministère des Affaires étrangères et des Expatriés a instruit toutes les missions diplomatiques et consulaires syriennes à l’étranger afin de recevoir tous les expatriés syriens sans exception souhaitant bénéficier des décrets de grâce générale.
En dépit de cette importante amnistie, je ne doute pas que de nombreux obstacles entravent encore le retour de mon pays, la Syrie, vers la stabilité économique et sociale. Au premier rang de ces obstacles artificiels figure la présence militaire étrangère illégale des forces turques et américaines et des forces de la soi-disant « coalition internationale » sur une partie du territoire syrien. Un autre obstacle : la mainmise des milices séparatistes supplétives des États-Unis d’Amérique sur les champs de pétrole et de gaz et leur occupation d’importantes terres agricoles qui constituent le réservoir alimentaire de base du peuple syrien. A cela s’ajoutent enfin les mesures coercitives destructrices et unilatérales imposées au peuple syrien. Ce sont des mesures qui entravent le lancement du processus de redressement rapide, la relance de l’économie syrienne et le retour des réfugiés et des personnes déplacées dans leurs régions.
Je vous invite à étudier de manière approfondie et équilibrée ce qui se réalise en Syrie. Je vous convie aussi à coopérer avec nous et à soutenir nos efforts en vue de développer une approche positive, constructive et productive à l’égard de la situation en République arabe syrienne. Il est grand temps de travailler directement, de manière responsable, sérieuse et impartiale, avec le gouvernement syrien, loin de toute considération qui ne tiendrait pas compte de l’intérêt national syrien, des perspectives de sécurité, de stabilité et de bien-être pour le peuple syrien, et des efforts de lutte contre le terrorisme.
Avec mes meilleures salutations
Dr. Fayçal al Meqdad
Ministre des Affaires étrangères et des Expatriés
Damas, le 19 mai 2022