La France vient de faire ses adieux à celui qui incarna avec Lucie le « couple mythique » de la Résistance française.
J’étais debout dans cette cour des Invalides à écouter deux de ses anciens compagnons, Jean-Louis Crémieux-Brilhac et Jacques Vistel tracer en quelques mots le parcourt héroïque de Raymond Aubrac, inséparable, il est vrai, de celui de Lucie qui nous a quitté en 2007.
Beaucoup d’encre a coulé sur le combat de ce couple et je pense qu’il en faut encore pour pouvoir faire mieux connaître et transmettre les valeurs qu’il représentait.
Les historiens, les philosophes, les artistes et les cinéastes en parleront surement encore et à juste titre.
L’extrême jeunesse d’esprit de Raymond et de Lucie, cette soif de connaitre comme s’ils étaient des enfants, cette curiosité qu’ils avaient pour le monde, leur extrême lucidité pour l’analyser et le comprendre et leur attachement intarissable pour la justice, leur engagement pour défendre les valeurs qu’ils ont contribué à bâtir en France, me faisait penser : « mais, ils ne vieillissent donc jamais malgré leurs âges? » Et bien non, ils ne vieillissent jamais comme s’ils avaient découvert la fontaine de jouvence, pas celle du corps, mais de l’esprit. Le mystère demeurait dans cette soif de Résister.
Certes, les exploits de Lucie et de Raymond dans la Résistance sont formidables. Mais ce qui est encore plus formidables, c’est qu’ils ont continué à résister toute la vie et sont restés des résistants, jusqu’au dernier souffle . J’avais d’ailleurs du mal à les appeler « anciens résistants » par ce qu’ils restaient des résistants à vie.
J’avais eu l’occasion d’évoquer ce que représentait Lucie à mes yeux. (https://www.ncr-iran.org/fr/content/view/2894/3/).
Quand en 2009, quelques années après la mort de Lucie, Raymond est venue à Auvers-sur-Oise rendre visite à une autre résistance, celle du peuple iranien, son message, à Maryam Radjavi et aux résistants iraniens, était un message d’optimisme.
« Ce sont toujours les résistances qui gagnent, parce que la justice et la liberté sont avec elles. Il faut absolument rester, foncièrement clairvoyant mais optimiste » disait-il.
Profondément clairvoyant et optimiste c’est ce qu’il était lui-même. Je suis sûr que c’est le message qu’il transmettait à cette jeune génération qu’il rencontrait dans les lycées qu’il inaugurait au nom de Lucie à travers la France à un rythme étonnant, au point qu’il a fallut les médecins, pour lui rappeler qu’il avait déjà 97 ans.
Une fois Massoud Radjavi, le leader de la Résistance iranienne disait à propos d’une des figures illustres assassiné en Iran, comme le fut Jean Moulin à Lyon : « son exploit n’était pas de devenir un résistant, mais de le rester jusqu’au bout. » Raymond et Lucie étaient de cette trempe.
J’étais debout dans cette cour des Invalides, avec ces pensées pour ces deux amis chers qui n’étaient plus physiquement là. A mes côtés le petit carré des compagnons de la résistance française, silencieux et émus. J’aurais voulu leur dire, n’oubliez pas que « les résistants ne meurent jamais » !