Des dirigeants démocrates seraient en train de chercher un remplaçant à Hillary Clinton si elle trébuche en Californie et/ou si le FBI détecte un crime dans l’affaire de Emails.
Depuis des mois, les votes des Américains enregistrés dans les primaires montrent qu’ils ne veulent ni d’Hillary Clinton, ni de Donald Trump, pour président, mais les deux partis semblent incapables de s’extirper de ce carambolage et obligent les électeurs à choisir entre deux politiciens très méprisés.
Les Républicains sont bloqués après la prise de pouvoir déloyale par Trump du processus de sélection du parti, mais les Démocrates ont une dernière chance d’y échapper, le 7 juin, avec les primaires et les caucus, dont le New Jersey et la Californie. Si Bernie Sanders peut contrer Clinton en Californie – et/ou si les problèmes légaux liés à ses Emails s’aggravent – il reste une mince chance pour que la Convention démocrate désigne quelqu’un d’autre.
Aussi improbable que cela puisse paraître, certains Démocrates, dont des responsables de la Maison Blanche, semble-t-il, pensent sérieusement à la façon dont le parti peut bloquer la machine au dernier moment pour éviter la collision des deux personnalités historiquement impopulaires, un télescopage dont Trump pourrait être le rescapé, blessé, mais victorieux.
Deux initiés de Washington – le sondeur et conseiller politique démocrate, Douglas E. Schoen et le célèbre enquêteur du Watergate, Carl Berstein, ont décrit les réunions paniquées de dirigeants démocrates inquiets de la campagne confuse de Clinton. Schoen a, également, rapporté les conversations privées concernant des alternatives possibles de dernière minute.
J’ai eu les mêmes échos de discussions discrètes sur des options de remplacement, dont le vice-président Joe Biden, le secrétaire d’État John Kerry ou le sénateur Sanders, mais je continue de croire que ces dirigeants stressés sont paralysés par l’indécision et n’ont pas le courage d’arracher les mains d’Hillary Clinton des commandes.
Toutefois, je ne suis pas le seul à avoir entendu ces rumeurs inquiètes. Dans une tribune du Wall Street Journal, Schoen qui fut un collaborateur politique du président Bill Clinton dans les années 1990, estime qu’ « aujourd’hui, il y a plus d’une possibilité théorique pour qu’Hillary Clinton ne soit pas candidate à la présidence. Le caractère inéluctable de sa nomination sera, dans une large mesure, vidé de sa substance si elle perd la primaire de Californie, le 7 juin, face à Bernie Sanders. C’est possible. Une victoire de Sanders en Californie mettrait en évidence de façon forte la faiblesse de Clinton comme candidate aux élections générales. Les Grands électeurs démocrates, choisis par l’Establishment du parti, seraient amenés à se demander sérieusement s’ils doivent continuer à soutenir sa candidate. »
Hillary Clinton est, également, confrontée à des problèmes légaux de plus en plus graves, explique Schoen. Le récent rapport de l’Inspecteur général du Département d’État sur l’utilisation par Hillary Clinton de son serveur Email privé lorsqu’elle était secrétaire d’État, « ne fait aucun doute sur le fait qu’elle a violé les règles et a été loin d’être honnête dans ses déclarations publiques. » Les preuves accablantes ont provoqué une inquiétude accrue au sein du parti, qu’Hillary Clinton et ses collaborateurs. « Hillary Clinton est censée être entendue bientôt par le FBI, ce qui suggère que l’enquête touche à sa fin. Un jugement définitif par le procureur général pourrait intervenir avant le 25 juillet, date de la Convention de Philadelphie. Vu le rapport de l’Inspecteur général, le feu vert du ministère de la Justice est peu probable. Finalement, avec la cote négative d’Hillary Clinton – au même niveau que celle de Donald Trump – et un taux de confiance des électeurs d’1/4, les Démocrates sont confrontés à une éventualité gênante. »
Au-delà du manque de confiance envers Hillary Clinton, les électeurs ne l’aiment tout simplement pas. Le dernier sondage du Real Clear Politics donnait 37,6% pour, 55,8% contre, soit un écart de 18,2%. « Dans le parti, poursuit Schoen, on entend de plus en plus de bruits sur la manière dont un nouveau candidat pourrait émerger à la Convention. John Kerry, le candidat de 2004, est une possibilité. Mais le scénario le plus probable est l’entrée dans la course de Joe Biden, qui a déclaré regretter « chaque jour » sa décision de ne pas se présenter.
« Joe Biden serait lancé comme le chevalier qui sauve le parti et le pays d’une éventuelle présidence Trump. Pour gagner les partisans de Sanders, il choisirait probablement sur son « ticket », la sénatrice Elizabeth Warren qui est respectée par l’aile gauche du parti. Tout cela n’est pour l’instant que supposition. Mais il n’a jamais été aussi facile d’imaginer un scénario dans lequel Hillary Clinton, que ce soit pour des raisons légales ou des circonstances politiques, n’est pas la candidate à la présidence des Démocrates. »
Dans une interview de la CNN, après le rapport cinglant de l’Inspecteur général du département d’État, Carl Bernstein (journaliste d’investigation qui révéla le Watergate) confirmait ces rumeurs. « J’étais à Washington ces derniers jours, j’ai parlé à un certain nombre de dirigeants démocrates terrifiés, comme d’autres à la Maison Blanche, que sa campagne tombe en chute libre à cause de ce facteur de méfiance. Trump, bien sûr, a le même problème, mais ce sont ses sondages à elle qui baissent. Et le grand espoir de la Maison Blanche, des Démocrates et de ceux qui la soutiennent, est qu’elle puisse aller jusqu’à cette Convention, être désignée, ce qui est loin d’être sûr à 100%, et obtenir l’aide du président Obama, lui qui bénéficie d’une grande crédibilité. Mais elle a besoin de toute l’aide possible car, en ce moment même, sa campagne est en très grande difficulté. »
Clinton vient de recevoir un encouragement avec la déclaration de soutien du gouverneur de Californie, Jerry Brown, qui reflète l’opinion de l’Establishment démocrate selon lequel il est plus prudent de laisser Clinton aux commandes, plutôt que d’essayer de la faire déraper et d’être confronté à la colère de ses partisanes qui maintiennent que « c’est son tour », après sa dure campagne face à Obama en 2008 qui s’est soldée par sa défaite.
Donald Trump s’est auto-infligé une nouvelle blessure avec sa conférence de presse excessivement défensive sur ses dons aux associations de vétérans, et il souffre encore davantage des révélations des preuves sur ses pratiques illégales dans l’affaire liée à sa Trump University qui n’existe plus aujourd’hui.
Le « Mardi noir » de Trump a rappelé aux Démocrates pourquoi ils étaient si satisfaits qu’il fasse exploser, d’abord le Parti républicain, puis sa propre campagne, laissant Clinton gagner essentiellement par défaut. Mais la fragilité de la position de Clinton exposée par le rapport de l’Inspecteur général a renforcé, dans l’opinion publique, le sentiment qu’elle est dictatoriale, prétentieuse et malhonnête.
Ironiquement, les deux partis ont atteint ce point de collision en venant de directions différentes. L’Establishment du parti républicain voulait pratiquement n’importe qui plutôt que Trump, mais les favoris ont été victimes de la star des programmes de téléréalité et de sa capacité à exploiter leurs faiblesses. En revanche, la direction du Parti démocrate a essayé d’organiser le couronnement d’Hillary Clinton en décourageant d’autres candidats de défier la puissante machine Clinton, avec l’argument qu’une nomination virtuellement incontestée ferait économiser de l’argent et limiterait la visibilité de ses faiblesses politiques.
Cependant, l’improbable candidature du sénateur du Vermont, Bernie Sanders, théoriquement un Indépendant malgré son lobbying avec les sénateurs démocrates, a révélé une faim immense pour le changement dans le Parti démocrate et les vulnérabilités de Clinton dans un contexte de mécontentement de l’électorat.
Alors que les dirigeants républicains n’ont pas réussi à contrer la rébellion de leurs électeurs, Trump faisant tomber ses rivaux l’un après l’autre, la direction démocrate a fait tout son possible pour sauver Clinton en poussant sa voiture gravement endommagée vers la ligne d’arrivée, tout en tapant sur Sanders pour qu’il craque.
Mais, aujourd’hui, il est venu à l’esprit de Démocrates futés que la voiture ne peut plus être réparée, surtout si les éléments trouvés par le FBI sur sa gestion bâclée des secrets de l’État viennent s’y rajouter. Les Démocrates se voient bloqués avec une candidate héritière, de statu quo, au moment où l’opinion publique est dégoutée des dysfonctionnements du gouvernement et exige un changement.
Les Démocrates auront-ils, cependant, le courage d’affronter l’épreuve du refus de la nomination de Clinton ? Cela dépendra des résultats en Californie et du FBI.
Traduction Christine Abdelkrim-Delanne
(source : https://consortiumnews.com/2016/06/01/waiting-for-california-and-the-fbi/)