Dans une rare interview de trois heures, accordée en direct à la chaîne panarabe al-Mayadeen, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a dévoilé un certain nombre d’informations relatives aux secrets de la guerre de juillet-août 2006, qui s’est soldée par la défaite d’Israël. En réaction, une voiture piégée explose, le lendemain, dans son fief faisant une centaine de morts et de blessés.
Le chef de la Résistance libanaise a ainsi révélé que le président syrien, Bachar al-Assad, lui avait envoyé une lettre, au plus fort des combats, lui annonçant que la Syrie était prête à déclarer la guerre à Israël et que l’armée syrienne était prête à prendre part aux batailles. Il a par ailleurs regretté le rôle joué par la coalition anti-syrienne du 14-Mars et le Courant du futur pendant ce conflit, indiquant que cette coalition a continué à exiger le désarmement de la Résistance au Sud du Litani alors que les Israéliens et les Américains avaient abandonné cette demande qu’ils n’avaient pu obtenir sur le champ de bataille.
Concernant les développements actuels, Hassan Nasrallah a revendiqué les explosions qui ont blessé quatre soldats israéliens membres d’une patrouille qui s’était introduite en territoire libanais à Labbouné, le 7 août. «Nous avions au préalable des informations sur le fait que les Israéliens allaient passer dans cette zone. Des bombes y ont été posées et quand ils sont venus cette nuit-là, on les a fait exploser», a-t-il affirmé. «Ce ne sera pas la dernière opération, nous n’accepterons pas des violations israéliennes sur notre territoire», a-t-il prévenu. «Dès que nous saurons que les Israéliens sont entrés dans le territoire libanais, le parti y fera face de la manière opportune», a-t-il ajouté. Accusant ses détracteurs libanais «d’être instrumentalisé» par l’étranger pour faire pression sur son parti, le leader de la Résistance a estimé que la demande faite par le chef de l’État de porter plainte devant l’Onu contre Israël est «une position de faiblesse». Il a assuré que malgré toutes les pressions, les campagnes de dénigrement et les défis, la Résistance sera victorieuse face à ses ennemis, comme elle l’a toujours été.
Sayyed Nasrallah a par ailleurs catégoriquement nié l’implication de son parti dans le rapt, le 9 août, de deux pilotes de lignes turcs sur la route de l’aéroport de Beyrouth.
Plus tôt dans la journée, le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, a affirmé, lors d’une rencontre avec l’ambassadeur de Turquie à Beyrouth, que son parti déployait des efforts pour tenter d’obtenir la libération des deux pilotes. Concernant le dialogue national, auquel avait appelé le président de la République Michel Sleiman, Mohammad Raad a estimé que «depuis que les forces politiques ont perdu leur crédibilité, leur engagement pour tel slogan ou telle déclaration en est neutralisé». «Il en va ainsi de la déclaration de Baabda, mort-née parce que l’autre camp a lancé dans la rue toutes ses armes, tous ses éléments armés et tous ses trafiquants, et accueilli les bateaux transportant les armes pour s’ingérer dans les pays du voisinage. Il ne reste donc rien de la déclaration de Baabda», a-t-il ajouté.
Sur le dossier ministériel, Sayyed Nasrallah et M. Raad ont réitéré l’attachement du Hezbollah à la représentation de toutes les forces politiques au sein du nouveau cabinet, rejetant une nouvelle fois l’option d’un gouvernement neutre.
Moins de 24 heures après cette intervention, une puissante explosion a secoué jeudi peu après 18h, heure locale, la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah libanais. L’explosioon a fait une dizaine de morts et 120 blessés.
Interrogé par la LBC, le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Marwan Charbel, a indiqué que l’explosion était due à une voiture piégée garée sur la route Roueiss-Bir el-Abed
Cette explosion survient plus d’un mois après un attentat à la voiture piégée dans la même région qui avait fait une cinquantaine de blessés. Et le 26 mai dernier, deux roquettes Grad de 122 mm avaient explosé dans la banlieue-sud de Beyrouth.
Al Joumhouria
Tarek Tarchichi, journaliste libanais proche du 8-Mars
Don son édition du 15 août, le quotidien libanais proche de la coalition du 8 Mars hostile à l’Arabie saoudite et ses alliés locaux, Al-Joumhouria, a écrit, sous la plume de Tarek Tarchichi l’analyse suivante du discours de Nasrallah : :
« Le Hezbollah a le sentiment d’être la cible de campagnes et d’attaques visant à l’encercler et à l’isoler, et peut-être à l’anéantir, pour le punir d’avoir infligé des défaites à Israël en 2000, lorsqu’il a libéré le Liban-Sud de l’occupation israélienne, ou de l’avoir battu lors de la guerre de 2006. Son inscription sur la liste terroriste européenne et les appels à l’exclure de tout prochain gouvernement au Liban s’inscrivent dans ce cadre.
Partant de ces données, les connaisseurs du Hezbollah assurent que le parti fait face à ces campagnes qui devraient s’intensifier dans les jours, les semaines et les mois à venir. Le Hezbollah s’attend à ce que les pays du Golfe s’emploient à renforcer la campagne locale, régionale et internationale contre lui. Ils seraient même disposés à un « marchandage secret » avec le régime syrien à ses dépens. Mais le commandement du parti est convaincu que le pouvoir à Damas ne l’abandonnera pas, surtout depuis la bataille de Qoussair, à laquelle le Hezbollah a participé activement, et qui a donné les résultats que l’on sait.
Dans le cadre de la campagne qui le cible, le Hezbollah est déterminé à participer au prochain gouvernement conformément à la taille de la représentation des différentes forces au Parlement. Il refuse les équipes ministérielles sous les appellations « cabinet neutre » ou de « fait accompli », car il estime que ceux qui réclament son exclusion du gouvernement en cette période participent à la campagne qui le cible.
Les connaisseurs du Hezbollah indiquent que le parti a préparé des scénarios pour faire face à tout gouvernement formé par le président de la République et le Premier ministre désigné d’où ses représentants seraient exclus. Selon les mêmes sources, le Hezbollah n’accepterait pas un cabinet au sein duquel la représentation chiite ne serait pas significative, quelle que soit la compétence des ministres qui auront été nommés. S’il s’agit de technocrates ou de ministre non partisans, lui et ses alliés leur demanderont de démissionner immédiatement. S’ils sont membres du 14-Mars, il est évident qu »ils ne démissionneront pas. Alors le Hezbollah, le Mouvement Amal et leurs alliés considèreront que ce gouvernement ne correspond pas à l’esprit de l’entente et du pacte national, car les chiites, et d’autres ministre peut-être, ne sont pas représentatifs de leurs communautés. Dans ce cas, il sera impossible à ce gouvernement de se présenter devant le Parlement pour obtenir la confiance. Le Hezbollah et ses alliés prendront comme prétexte des précédents lorsque la Chambre, présidée par Nabih Berry, n’a pas pu se réunir pour non respect du pacte national.
Malgré tout cela, les proches du Hezbollah ne s’attendent pas à une prochaine formation du gouvernement, même s’ils ne l’excluent pas totalement. »